| Commercialement, le grand vainqueur est Depardieu. Il a connu des flops
terribles (XXL, Bimboland), des déceptions aussi (Le Garçu de son ami
Pialat). Mais cela n'entache en rien les succès des Lauzier (Le plus Beau
Métier du monde, Mon père ce héros), le carton du Poiré (Les Anges
gardiens) et de Berri (Germinal), sa fidélité à Blier, son triomphe en
Cyrano, et bien sûr le méga hit mondial d'Astérix (réalisé par Zidi). Il a
aussi cherché son désir de jouer avec le cinéma étranger (Tornatorre,
Cassavettes, Scott, Weir, Jewison), en devenant l'un des acteurs non
anglophones les plus connus d'Hollywood. De même, il a pris un goût certain
pour les personnages littéraires ou historiques, du Colonel Chabert à
Christophe Colomb, comme si il s'appropriait leur stature. Leur charisme.
Depardieu entre comédie ultra-populaire et films à grand spectacle, a
franchi le pas vers le média de masse, la télé, avec les réussites
internationales que sont Monte Christo, Balzac, et bientôt Les Misérables.
Producteur, distributeur, viticulteur, businessman, il est même redevenu
réalisateur cette année. Un pont entre deux rives lui a permis de raconter
une histoire simple, d'amour et de nostalgie, en filmant la femme trop
belle pour lui, Carole Bouquet. Reprendre goût du cinéma en provoquant les
choses.
Il faut dire que pour Deneuve et Depardieu, la lassitude, l'ennui est le
pire ennemi. La première moitié des années 90 a été douloureuse à vivre :
décès d'amis (Gainsbourg, Carmet, Mastroianni), problèmes personnels (un
fils en prison, séparations sentimentales), le cap de la cinquantaine ne
fut pas simple.
A voir Deneuve rayonner dans Ma Saison préférée ou Depardieu léger dans
Green Card, à rire de l'une dansant et chantant les Rita Mitsouko ou de
l'autre rotant et gouaillant avec cape et épée, on se dit que l'âge n'a pas
eu raison de leur carrière. Tant mieux.
Tous deux cinéphiles avertis et curieux, on les sait à l'affût des
tendances, hors - standard, cherchant les projets émoustillants ; Deneuve
part à la conquête des cinémas du monde : New York, CubaŠ tandis que
Depardieu tourne en anglais une super production française, Vatel.
Deneuve a été honorée dans plusieurs festivals de la planète, contribuant
toujours à l'export du cinéma français. Depardieu a même été nommé
Président d'honneur du FFM de Montréal.
Deux exceptions culturelles (même si désormais l'expression officielle
parle de diversité culturelle) qui franchissent les genres, les limites
imposées, les nationalités. Cette liberté, rare, permet d'espérer pour le
cinéma d'Europe un avenir pas seulement hollywoodien ; en dialoguant avec
les acteurs de la nouvelle génération, en s'ouvrant aux artistes de demain,
sans s'enfermer dans une retraite involontaire ou dans un genre trop
restreint, ils montrent la voie de ce qu'est vraiment le cinéma : le
plaisir, sans tabous ni censure. Démaquillé s'il le faut. Avec effets
spéciaux s'il le faut. Bref, il convenait de saluer deux itinéraires
uniques d'artistes exceptionnels.
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