1958. Romy Schneider s'installe à Paris pour le tournage de Christine. C'est à cette époque qu'elle fréquente un jeune acteur du film, à l'air arrogant et avec une mine de mauvais garçon : un certain Alain Delon. Un Delon qui accompagne l'actrice allemande à Bruxelles lorsqu'elle va rejoindre sa mère. Magda, déjà secouée par le non de sa fille au Sissi IV et à la carrière qu'elle avait tracée pour elle, ne supporte pas ce jeune premier français. La crise éclate entre les deux femmes, mais Romy décide de passer outre cette possessivité maternelle et s'affiche au grand jour avec le bel Alain. Romy Schneider et Alain Delon ! Une des histoires d'amour les plus passionnées du cinéma français. Dès le casting du film elle avait eu le coup de foudre. Pourtant l'acteur ne connaissait pas un mot d'allemand et pas plus l'anglais. Et elle ne parlait pas un mot de français. Les disputes étaient fréquentes. Mais Delon représentait «l'aventurier arrivant toujours en retard au studio, décoiffé, après avoir sillonné Paris dans une voiture de sport.. » Avec lui, elle va découvrir les soirées de la capitale, une jeunesse qui méprise l'argent, l'anticonformisme. Bref, l'inverse du monde qu'elle connaissait jusqu'à présent : un univers bourgeois, soigné, raffiné, ordonné. Elle participe avec Delon à l'effervescence cinématographique qui anime le milieu d’alors. Il la présente à des metteurs en scène susceptibles de relancer sa carrière. Par exemple en 1959 elle rencontre Visconti pendant que Delon tourne avec lui Rocco et ses frères : encore un tournant dans la carrière de Romy, qui à ce moment là marque le pas, le public ne suivant plus. Luchino Visconti décide de faire monter la jeune allemande sur les planches avec Delon pour Dommage qu'elle soit une putain dont les répétitions commencent en 1961. Suite à une colère du maestro italien, Romy se remet en question et pour venir à bout de ses angoisses elle fait appel à son « hérédité » de comédienne, déclarant alors : « Je me sens porteuse d'une tradition familiale, je n'ai pas le droit de les décevoir. Mais nouveau problème le 9 mars 1961 à quelques jours de la première représentation : Schneider souffre d'une péritonite et il faut l'opérer d'urgence. Vingt jours de convalescence seront nécessaires. Vingt jours de perdus pour le théâtre qui laisse dans l'affaire dix millions de francs. La voilà rétablie le 29 mars et c'est sanglée dans un bandage qu'elle donne la réplique à Delon. Dans la salle le parterre est étincelant : Ingrid Bergman, Jean Cocteau, Edith Piaf, Anna Magnani, Jean Marais. La pièce n'est pas un succès mais un triomphe. Et comme pour Annie Girardot, Visconti fut «la bonne fée » de Romy. Le réalisateur italien qui en août 1961 tourne un des sketchs de Boccace 70 dans lequel il donne un rôle à Romy. Les producteurs américains sont séduits et surnomment l'actrice « la petite fiancée du monde ». Les journalistes, quand à eux, la trouvent « plus sexy que Anita Ekberg et Sophia Loren.. » , ce qui n'est pas rien, même si cela est sans doute exagéré. A l'issue du tournage, Luchino glissera au doigt de l'actrice un anneau en bois incrusté de deux diamants et d'un saphir : elle ne le quittera plus jusqu'au jour de sa mort.
Et ce qui devait arriver arriva : les propositions n'arrêtent plus de tomber. Elle tourne par exemple dans le premier film d'un réalisateur suisse inconnu, Alain Cavalier. Le film s'appelle Combat dans l'île et elle joue aux côtés d'un jeune homme quasi anonyme en ces époques lointaines : un certain Jean Louis Trintignant. Retour ensuite au théâtre avec La mouette de Tchékov où lors de la représentation au festival d'Avignon, Romy épuisée s'effondre de fatigue et se retrouve à l'hôpital. 1962 : la petite fiancée du monde rejoint Paris pour souffler un peu dans l'appartement qu'elle partage avec Delon. Un Alain d'ailleurs absent, puisque les incessants tournages ont quelque peu séparés les deux amants. C'est à cette époque qu'Orson Welles en personne propose à Romy Schneider de tourner dans Le procès. La voilà dans la peau de Léni, la secrétaire ambiguë de l'avocat du cèlèbre roman de Kafka qui lui permet de recevoir la première récompense de sa carrière : l'étoile de cristal de l'académie du cinéma (sorte de césar du meilleur jeune espoir). Elle a vingt cinq ans et.vingt cinq films à son actif : la Columbia lui offre un contrat pour sept films et un cachet de cent millions d'anciens francs pour chacun de ses rôles. Elle part pour la Californie en février 1963. Seule. Sa mère n'est pas du voyage, tout comme Delon qui décrète avoir mieux à faire. Premier film avec Otto Preminger : Le cardinal. L'accueil de Hollywood dépasse les espérances de la jeune actrice et toutes les télévisions américaines lui ouvrent leurs portes. Elle découvre néanmoins, sur son deuxième film, Prête moi ton mari, que la façon de travailler des acteurs américains est quelque peu différente de ce qu'elle connaît : elle place le naturel au sommet de l'art mais les techniques de l'Actors Studio sont bien différentes puisque le travail de composition tient lieu d'émotion. Elle n'est pas non plus habituée aux comédies. Elle devient maladroite et on la surnomme « Miss Worry » (Mademoiselle inquiète) et malgré l'indulgence de son partenaire Jack Lemmon, ce film reste une tentative avortée et la condamne inévitablement aux seconds rôles ; ce qu'elle ne veut pas. Elle rompt donc le contrat avec la Columbia et rentre à Paris où elle trouve un mot tout à fait sympathique d'Alain Delon : « Je suis à Mexico avec Nathalie. Mille choses. Alain. » Voilà qui a le mérite d'être clair. Quatre ans après leurs fiançailles à Lugano, tout est donc fini et ce n'est pas vraiment une surprise pour Romy.