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En 39, le Festival de Cannes ouvrait sa première édition. La France souhaitait concurrencer son aîeul, le festival de Venise, pour ne pas laisser le glamour au fascisme Mussolinien. Une première fois interrompue en plein coït par la déclaration de guerre 1939-1945.
C'est en 2001 que M6, pardon son altesse Mohammed VI, Roi du Maroc et commandeur des croyants, décide d'inaugurer le 1er Festival International du Film de Marrakech, avec l'appui visible d'organismes tels Unifrance et de sponsors comme Wanadoo Maroc. Le temps des colonies éconmiques n'est pas révolu...

Bref. Il était temps. Momo lance ainsi le premier grand événement cinématographique du monde arabe. En effet, seul le Festival du Caire avait une petite importance, principalement au Proche Orient. L'Iran se dote d'un festival pour sélectionner les oeuvres qui parcoureront le monde,de Cannes à Toronto. En Afrique, seul le Festival hivernal de Ouagadougou a une place parmi les multiples événements du 7ème Art. Il s'agit de la plaque tournante du cinéma africain, essentiellement d'Afrique Noire.
L'ambition des organisateurs du festival de Marrakech était de créer un pont entre les cinémas du Nord (de fait le cinéma français et américain sont bien représentés) et ceux du Sud, des films qui mélangent les cultures, les nationalités, les langues.
Evidemment, depuis les événements du 11 septembre, tout a changé. Le monde arabe est pointé du doigt. Les stars américaines annulent leur présence. Faye Dunaway a même retiré son court métrage de la sélection. Marrakech devient un enjeu, sinon un symbole.

Le Maroc résiste - difficilement - à l'intégrisme islamique. A cause de l'analphabétisme et de l'accès inégal aux richesses, le pays n'est pas protégé de ce danger. Terre d'accueil de nombreux tournages (Kundun, Le diamant du Nil, L'homme qui en savait trop, le prochain Lelouch, ...), pays ouvert sur l'Europe, le royaume, historiquement et artistiquement riche, est la porte idéale pour le croisement des cinémas et le rayonnement de la création arabe. Car le cinéma signifie souvent une métaphore, une expression plus ou moins libre, un acte de résistance contre un islam trop radical et parfois des dictatures reconnues. Ce n'est pas le moindre des emblèmes que d'ouvrir, et de maintenir, un Festival qui a de telles ambitions, dans ces moments là.

Si les deux mondes ne se parlent pas autrement qu'en Europe ou en Amérique, nous allons accentuer l'isolement des ces peuples qui ont aussi le droit de profiter des échanges culturels mondiaux, garants d'une forme de démocratie et d'épanouissement personnel. Marrakech, à l'instar de La Havane, Mar del Plata, Ouagadougou donc ou Istanbul, sont des Festivals politiquement vitaux, nécessaires.

On ne peut que saluer l'initiative et la volonté personnelle de Momo. Le Festival va devoir prendre ses marques, s'affranchir, devenir séduisant par lui-même. Mais il est impératif de lui laisser cette chance et d'exposer le monde arabe à une lumière plus avantageuse que les ombres chinoises ou contre-jours auquels nous sommes confrontés depuis deux semaines.

Toronto s'est terminée sous le choc des événements new yorkais. Locarno a été déchiré par des querelles internes. Montréal n'a pas fait parler de lui. San Sebastian voit s'amonceler de nombreuses défections. La Cita de Biarritz - qui fête son dixième énniversaire - fait profil bas.
Il reste à Marrakech un rôle qui déterminera son avenir : prouver qu'elle peut-être le lieu de rencontre magnifique pour un dialogue Nord/Sud sans attiser les haines, simplement en s'émerveillant devant ces images venues d'ailleurs, de partout, sans censures ni frontières.

VCT

 
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