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Un frère

Emma De Caunes défend UN FRÈRE,
et flingue LA VOIE EST LIBRE...

Interview de l’actrice Emma De Caunes lors de la projection UN FRERE de Sylvie Verheide le mardi 31 mars 1998 à l’Écran 3 par Catherine Haller et le public, venu nombreux.

Catherine Haller : “Comment vous êtes-vous rencontré avec Sylvie Verheyde?”
Emma de CaunesEmma De Caunes : “Elle a vu mes cassettes d’essais que j’avais faites pour un autre film et voilà. On s’est rencontré, on a passé 1 milliard et demie d’heures à peu près à fumer 250 paquets de cigarettes et buvant 25O cafés. Et pour moi c’est quelqu’un, une rencontre extraordinaire puisque c’est une fille qui fait à peu près ma taille, c’est-à-dire 1 mètre 2O les bras levés. Et qui sait vraiment ce qu’elle veut. Une petite femme avec une équipe de je sais pas combien de mecs autour d’elle, et qui dit : “moi je veux ça, moi je veux ça”, c’est impressionnant. Le travail qu’on a fait, en fait, c’est qu’on avait très peu de sous pour faire ce film. On n'avait pas beaucoup d’argent. Du coup, on a du faire beaucoup de répétitions pour être sûr qu’au moment du tournage on ait ce qu’elle voulait. C’est-à-dire, on a fait un travail en allemand comme on dit, et sur le tournage on avait droit à deux ou trois prises maximum. Donc, il fallait qu’on soit sûr avant qu’on avait bien trouvé le ton juste et tout ça. Après, c’est un truc de feeling. C’est une fille qui m’impressionne beaucoup et qui a un vrai univers à elle et vraiment des choses à raconter. Et finalement, le personnage de Sophie, il y a un peu d’elle dedans. Même si elle n'a pas eu de grand-frère.”


Puis, Catherine Haller encourage le public à poser des questions à l’actrice invitée.

Emma De Caunes s’adresse au public en disant : “Ce qui serait bien c’est que vous posiez des questions parce que ça fait hyper bizarre d’être là devant vous sur les chaises en dessous de l’écran (rires). Si vous n'avez pas de questions je rentre chez moi.”

Catherine Haller rassure l’actrice en ajoutant : “Mais, non ça va venir.”

Une Jeune femme dans la salle lui pose une question sur la gestion de sa jeune carrière, comment elle gère tout ce qui lui arrive?.

Emma De Caunes rétorque : “UN FRERE, c’est un film qu’on a fait vraiment, comment dire, c’est un truc un peu magique. C’est un film qui s’est fait, on avait 3 francs pour le faire. On avait beaucoup d’énergie et que des acteurs inconnus (elle cite les noms de ses partenaires du film). On était plusieurs comme ça qui n’avaient jamais vraiment joué dans un long-métrage. Et il y a un truc comme ça qui se fait d’amour, de chez pas quoi, c’est un truc fort. On avait vachement tous donné un maximum dans ce film. Et finalement, les retombées, ça a été que, bien effectivement j’ai été un peu médiatisé avec ça et tout ça. Et je m’y attendais vraiment pas, c’est pas comme si j’avais fait un film avec Gérard Depardieu et Christian Clavier, genre Obélix, ça aurait été moi Idéfix, ça aurait fait super! (rires) Mais là, bon, tu vois... Mais, je ne sais pas, c’est bizarre de faire un tout petit film et puis tout à coup on parle de vous. C’est bizarre, c’est un truc, c’est vrai que ça tombe un peu comme ça sur le coin de la gueule. Les médias, c’est un truc particulier, c’est vraiment un truc particulier. Mais, ça ne se gère pas. Ca change, c’est vrai, mais je crois qu’il faut s’en foutre.”

Puis, une autre femme prend le microphone pour féliciter Emma De Caunes sur sa prestation et le film qu’elle a beaucoup aimé.
Emma De Caunes enchaîne quelques mots après cette femme : “C’est génial... ça, c’est vraiment bien... Moi, personnellement, j’ai pas pris de cours de théâtre et tout ça... C’est chiant de dire ça, mais j’ai un peu baigné là-dedans. En fait, ma mère ne fait pas partie du showbiz, mon père, il a fait un peu de la télé, enfin un peu beaucoup! (rires du public) Mais, enfin la télé c’est pas le cinéma non plus, c’est-à-dire, moi j’ai pas grandi avec des acteurs autour de moi et tout ça. Donc, c’est un truc un peu différent. Mais, comment dire, je sais pas... j’avais envie de ça depuis que je suis toute petite. Voilà, c’est une envie de donner des choses aux gens et en même temps c’est une envie de raconter des histoires et tout quoi. En fait, moi, j’ai rencontré une vieille dame qui est extraordinaire : Odette Laure. Je ne sais pas si vous la connaissez, mais elle a joué dans beaucoup de films dans les années 60, et elle est vraiment extraordinaire, et c’est une bouddhiste, c’est vachement bien! Et elle m’a appris plein de trucs, elle ne s’en ai pas rendu compte parce qu’on n'avait pas rendez-vous pour qu’elle m’apprenne des trucs. On avait rendez-vous pour se voir et partager des moments ensembles. Elle m’a expliquée comment on respire, comment on parle, comment on bouge, comment on se sent bien dans son corps. Et je crois que c’est un truc qu’on soit acteur ou pas... et moi ça m’a servit parce que je jouais, mais c’est des trucs de vie quoi.”

Elle ajoute en tutoyant la personne qui lui a posée la question : “C’est vrai je vis en fait parce que quand tu es dans un climat, tu vois un truc où il y a douze mille personnes autour de toi qui sont et qui ont envie de raconter une histoire, tu vois un truc... Je sais pas si un jour, tu perds ton père, ou ton frère meurt ou je sais pas quoi, tu as un truc dans le ventre... Ben putain! tu vas donner tout pour raconter ça, parce que c’est quelque chose qui te touche. Et Sylvie Verheyde, elle dédi ce film, je ne sais pas si les gens l’ont remarqué, à Boris, c’est un ami à elle qui est mort du SIDA, qui était photographe et qui avait un petit peu la vie de Loïc et c’était pas son frère. Et quand tu sais tout ça t’oublie la caméra, t’oublie le cinéma, t’oublie tout le bla bla. Tu te dis : “Voilà t’es là pour raconter des choses”, et quand madame me dit ; “Vous m’avez émue” Mais putain! c’est le plus beau cadeau qu’on puisse me faire. Je préfère ça à un césar, j’en n’ai rien à foutre d’un césar, tu vois ce que je veux dire, c’est ça ma récompense, je te raconte une histoire sur un écran, il y a quelqu’un en face que ça va toucher, c’est ça qui est formidable. Évidemment, peut-être que vous n'avez pas l’impression qu’on joue, mais on joue! Tu vois, moi, je cherche des choses, des émotions, on travaille, on essaye d’être juste, de vous toucher. Si on vous touche, putain! c’est formidable!”

Catherine Haller ajoute qu’il y a un mouvement chorégraphique entre le frère et la soeur, elle demande à Emma De Caunes, comment elle l’a travaillé?

L’actrice du César du meilleur espoir féminin répond : “Moi, je crois que le sujet du film c’est surtout des gens... en fait, ça parle de gens qui ne savent pas trop où se placer... qui trouvent pas leur place, qui ne savent comment se parler. Jeannick [Gravelines] qui joue mon frère, qui est un acteur formidable entre parenthèses, on était là tous les deux, il fallait qu’on donne des choses et même temps il fallait qu’on les retienne, c’est-à-dire, par exemple, quand on se brutalise, moi j’ai eu parfois des interviews avec des gens qui me disaient : “Votre film, il parle de l’inceste”. Mais, quoi l’inceste! il n'y a pas d’inceste dans le film. C’est des gens qui ne savent se dire qu’ils s’aiment. Ils ne savent pas se dire “je t’aime” simplement ce que tu as dans les yeux. Alors, qu’est-ce qu'ils font, ils se provoquent, c’est souvent physique parce que les mots ne viennent pas. Mais c’est des gens qui ne savent pas se parler, qui ne savent pas se trouver une place. Il n’y a pas d’histoire d’inceste, c’est pas malsain, faut arrêter! C’est un truc, je sais pas cette scène de danse qu’on a joué. Moi, je l’ai jouée, dansée. Sylvie m’a dit comme indication : “Voilà, t’es dans ta chambre toute seule, t’es une gonzesse, t’es chez toi, tu as 17 ans, tu t’adores et tu danses devant ta glace”. Mais on a tous fait ça, je sais pas, toutes les filles savent ce que c’est, c’est un truc où on se lâche à mort, on oublie tout, on est genre on se la joue hyper sexy, alors qu’en boîte on va être toutes coincées. Tout à coup, il y a le frère qui arrive et qui joue le même jeu, ça veut dire quoi? Qu’il a un truc à me dire, c’est pas un truc malsain, ça va pas la tête!”

Une autre personne dans la salle lui demande si ce film compte pour elle. Emma De Caunes réplique : “Je crois que je me détacherais jamais par rapport à ce film, parce que c’est mon premier film. C’est pour ça qu’on m’a récompensée. C’est grâce à ça qu’on dit que je suis une actrice, alors qu’avant j’étais actrice aussi mais on ne le disait pas. Donc, ce film, je ne l’oublierai jamais ; c’est pour ça que je suis là ce soir. Si on était là ce soir pour le film que j’ai fait après, "La voie est libre" de Stéphane Clavier, je ne serais pas là, tu vois. J’en ai rien à foutre de ce film! Je serais pas là (rires gênés du public) Non, mais c’est vrai. "Un frère", c’est un film que j’ai fais avec mes tripes, que j’ai fais différemment dans un autre état d’esprit. Donc, je n’ai même pas envie de chercher à ce qu’il décolle de moi ce film, j’ai envie de le garder avec moi, c’est mon bébé! Un truc que je porte en moi vraiment. Et qui m’a donnée en plus, qui m’a révélée véritablement que je voulais faire du cinéma alors que je n’étais pas sûr.”

Une autre personne pose une question sur ce que le film allait devenir après? Emma De Caunes répond : “ Après avoir fait "Un frère", qui est un film qu’on a fait, je ne sais pas si vous avez une notion de ce que c’est l’argent dans le cinéma, c’est vraiment... moi, je suis en train d’apprendre ça... j’ hallucine un peu. Pour faire un film aujourd’hui en France, il faut 30 millions de francs, correctement, un premier long-métrage. Là, on avait 2 millions 800 mille francs. Après, j’ai fais un autre film de Stéphane Clavier qui était une comédie, c’est-à-dire, qui n’avait rien à voir avec le film de Sylvie, qui était avec des acteurs comme François Cluzet que moi je trouve extraordinaire. Une comédie avec plein d’acteurs, des acteurs de théâtre de cinéma et tout. Tu vois, moi, j’ai 21 ans, je commence, on me propose ça. Ca me branche vachement. Je me dis : “Ouais, pourquoi pas essayer ça, c’était plutôt marrant à la lecture, à l’écriture et tout.” Je me suis dis : “Ouai, c’est un truc qui m’intéresse, j’ai besoin d’apprendre comme quand t’es cordonnier que tout à coup, on te donne un talon de chez Mugler à ressemeler. Tu vois, c’est un truc tout à coup, tu as envie d’essayer un film peu plus financé, enfin, tu vois, parce que là il y avait de l’argent, il y avait des moyens, des acteurs, cela n’avait rien avoir, c’était un grand confort. Et véritablement, ça été un enfer! Pour tourner, ça été un enfer! Moi, franchement, j’ai souffert. Tous les jours, je me disais : “Qu’est-ce que je fous là!”. Et après, on m’appelle pour dire : “Va à la télévision parler de ce film, et dire que tu l’adores”; “Ah, ouai c’est un super film, allez tous le voir!” Tu as l’air bien con. T’es obligé de le faire parce que, quand t’es acteur, tu joues dans un film, tu sais pas ce qu'il va devenir, mais tu t’engages! Alors, quand tu joues, tu t’engages à aller le défendre après. Et "Un frère", c’est pour ça que je suis là ce soir, c’est parce que je le défendrais jusqu’à sa mort! Alors que ce film là ["La Voie est libre"], j’en ai rien à foutre et qu'ils m’ont appelée pourquoi ?... parce que justement dans "Un frère", on m’a remarquée et que tout à coup, au niveau des médias, je devenais quelqu’un, donc évidemment ça les intéressait que j’aille moi faire la promotion de ce film, alors que franchement, on me voit dix minutes dedans. En plus, c’est une merde! (rires encore plus retenus du public). On apprend toujours dans la vie! Peut-être que demain je referais une merde, tu ne peux pas avoir tous les bons plans, ça serait formidable!”

Bertrand Amice

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