INTERVIEW "EXPRESS" D'ALAIN BERLINER
(12/02/98)
Christophe Train : "Ma Vie en rose" a reçu le Golden Globes du meilleur film étranger. Qu'avez-vous ressenti ?"
Alain Berliner : "C'était une sensation assez particulière, où à la fois j'y croyais pas trop, et en même temps j'y croyais quand même beaucoup. C'était assez impressionnant parce que, quand même, se faire remettre ça des mains d'Andie McDowell et Andy Garcia avec plein de gens comme Jack Nicholson, Steven Spielberg ou Robin Williams juste à vos pieds. Et le fait de savoir qu'ils ont probablement vu le film et qu'ils l'aiment bien, en plus. Et tous ces gens me regardaient avec un intérêt non dissimulé, très clairement, car j'ai eu pas mal de propositions. C'était donc quelque chose d'assez grand (sourire).
Et puis, je n'avais pas été à Berlin quand on avait reçu le Félix pour le scénario, parce que j'étais en tournage ; c'était Chris qui y était allé. Et en fait, je n'étais jamais monté sur scène dans une cérémonie comme ça. J'étais monté sur scène dans des festivals pour recevoir les prix. Mais jamais pour un événement de cette envergure.
Quand on a gagné le Cristal Globe à Carlo Visari, c'est Milos Forman qui me l'a remis. Et c'était assez émouvant parce que Milos Forman est quelqu'un que j'aime beaucoup. J'ai eu des cours avec Franck Daniel qui avait une université avec Milos Forman. Et Franck nous parlait beaucoup de la manière de travailler de Milos Forman. Et c'est vraiment un très grand réalisateur. Et recevoir un prix de ses mains, c'était un moment extrèmement émouvant.
Et ce sont des choses auxquelles, moi, je suis sensible. On ne fait pas du cinéma pour recevoir des prix, mais quand on en reçoit, c'est vraiment très agréable."
CT : "Le film a été sélectionné pour les Césars. Face aux films qui sont nominnés, espérez-vous un prix ?"
AB : "Moi je pense que je ne dois pas trop espérer grand chose. Mais on ne sait jamais, les surprises, ça paut arriver. Mais bon, je pense que je ne dois pas espérer grand chose."
CT : "Serez-vous présent à la Cérémonie des Césars ?"
AB : "Oui, bien sûr. Ce serait trop facile d'y aller que quand on se dit que l'on a une chance de gagner. Et puis, ce film, il est français. Clairement, c'est la France qui a mis le plus d'argent dedans. Le film ne se serait pas fait sans la volonté de la productrice française, Carole Scotta. La particularité de ce film, contrairement aux autres - même si pour les réalisateurs, c'est leur premier film -, mais généralement, la structure de production autour, le scénariste et tout ça, ce n'est pas leur premier film. Tandis que nous, c'est le premier film de la scénariste, c'est le premier film de la productrice, et c'est mon premier film à moi (rires)... Donc c'est le seul vrai premier film de la catégorie. C'est vraiment le premier film de tout le monde... C'était le premier film de la monteuse, c'est le premier du premier assistant, c'était pratiquement le premier film du chef opérateur. C'est vraiment un film, c'est le premier film quoi.
Pour nous, c'est incroyable. Je ne sais pas si vous vous rendez compte, c'est comme si tout d'un coup vous passiez du bas de l'escalier en haut, sans monter les marches en plus (rires)."
CT : "Globalement, que pensez-vous de la sélection de cette 23e édition ?"
AB : "Je pense que c'est relativement conforme aux succès de fin d'année. Vous savez, mon attitude par rapport à ça : à partir du moment où c'est quelque chose de totalement subjectif, puisque ce sont des gens qui votent et qui en plus ne se connaissent pas vraiment, parce que, quoiqu'on en dise c'est pas truqué, il n'y a pas de luttes d'influence. Les gens reçoivent un bulletin, et ils renvoient leur vote à un huissier, et puis point à la ligne. C'est quelque chose de subjectif, donc, je crois qu'il faut le prendre comme ça. C'est une compétition subjective, qui, au fil des années, prend beaucoup d'importance parce que chacun sait que 1 César égal x % en plus de fréquentation. Et cela s'est assez relativement vérifié. C'est un peu comme les Oscars. Mais c'est relativement subjectif. Donc, moi, quant à la qualité ou non des nominations, c'est sûr que moi j'aurai donné le César de la meilleure interprétation à Michèle Laroque. Mais si c'est pas l'avis des autres, je ne peux pas leur en vouloir."
CT : "Vous terminez actuellement un film. On peut en savoir plus ?"
AB : "Oui, c'est un film dans la collection que Carole Scotta produit et qui s'appelle "L'an 2000 vu par 10 cinéastes". C'est une collection pour Arte. Et en fait, moi j'ai fait un film sur la Belgique et sur le problème linguistique en Belgique. Et en fait, le jour du passage en l'an 2000, les Flamands et les Wallons décident de couper la Belgique en deux en construisant un mur, sur la frontière linguistique, un peu comme le mur de Berlin. Et c'est un petit peu comme dans "Ma vie en rose", ça mélange la comédie, le drame, le surréalisme et le réalisme.
Ce sera normalement diffusé sur Arte au premier semestre 1998. Et comme tous les films d'Arte, il y a une copie en 35mm, donc probablement aux festivals d'abord."
CT : "Monsieur Alain Berliner, je vous remercie beaucoup pour ces quelques minutes que vous avez bien voulu me consacrer."