Production : Focus features, Universal Pictures, Anonymous Content, This is That
Distribution : UIP
Réalisation : Michel Gondry
Scénario : Charlie Kaufman
Montage : Valdis Oskarsdottir
Photo : Ellen Kuras
Décors : Dan Leigh
Son : Philip Stockton
Musique : Jon Brion
Effets spéciaux : Buzz Image Group
Costumes : Melissa Toth
Durée : 108 mn Ê

Casting :

im Carrey :Joel Barish
Kate Winslet :Clementine Kruczynski
Elijah Wood :Patrick
Mark Ruffalo : Stan
Kirsten Dunst :Mary
Tom Wilkinson : Dr. Howard Mierzwiak
Jane Adams : Carrie
David Cross : Rob
Thomas Jay Ryan : Frank Ê

 

 
Jim Carrey
Kate Winslet
Kirsten Dunst
Elijah Wood
  (c) Ecran Noir 96-04
Eternal Sunshine of the Spotless Mind 
USA / 2004 / Sortie France le 6 octobre 2004 
 
 
Joel et Clémentine ne se supportent plus, après une année ensemble. Plus rien ne va, l'autre semble étranger. Elle claque la porte un beau soir et ne revient plus jamais.
Clémentine fait appel à la société Lacuna pour faire effacer Joel de sa mémoire. Toute une année en moins...
Elle ne le reconnaît plus, même si elle a cette sensation bizarre de l'avoir déjà vu quelque part.
Pour Joel c'est invivable et il décide, à son tour de faire disparaître sa dulcinée de ses souvenirs.
Lors de cette nuit sans retour, il se rappelle chacun des beaux moments... Son cerveau, alors, résiste, se révolte. Entre la vie et la mort, l'amour et le vide, Joel va devoir faire un choix. Il comprend pourquoi il l'aimait elle, mais n'est-ce pas trop tard?
 
   600 000 DVD et VHS ont été vendues dès sa première semaine aux USA. Number one juste avant la sortie du coffret Star Wars. Ce n'était pas forcément évident vu le parcours du film.
15 jours avant le public du festival de Deauville lui donnait le prix du film préféré. Ca peut aider pour la sortie dans 125 salles françaises mi octobre.
En juin, Eternal Sunshine of the Spotless Mind avait rapporté 35 millions de $ aux USA, un score faible, rentabilisant tout juste le budget de la production. Un des plus faibles scores de Jim Carrey mais tellement mieux que les 700 000 $ de Human Nature, le précédent film de Gondry (qui n'avait séduit que 145 000 spectateurs français, sorti le mois des événements du 11 septembre 2001).
Le film sort au printemps 2004 aux Etats Unis, et le public assiste au plus logn générique du monde : le temps d'une pellicule, soit 20 minutes...
"Ordinairement, on incruste les effets numériques bien après les prises de vues, et à grands frais. Michel Gondry a obtenu les mêmes résultats sur le plateau, pour trois francs six sous, en changeant les lumières, en installant de simples panneaux de verre qui me faisaient disparaître de l'image, en plaçant devant l'objectif des origomi produisant les effets les plus extraordinaires", explique Kate Winslet, dont le rôle de Clémentine se "déchiffre en grande partie avec les allures changeantes qu'elle se donne et sa dizaine de colorations différentes."
De janvier à mars 2003, Jim Carrey, Kate Winslet (rescapée du Titanic), Mark Ruffalo (flic dans Collateral), Kirsten Dunst (entre Spiderman et Wimbledon), Elijah Wood (Frodo-les-anneaux) et Tom Wilkinson (ancien stripper de The Full Monty), le tournage prend place à New York, dans des vrais trains et avec l'hiver en toile de fond.
Le titre est vite trouvé : il est extrait du poème Eloisa to Abelard, écrit par Alexander Pope au XVIIIème siècle.
En 2001, le script est rédigé par Charlie Kaufman (Being John Malkovich, Adaptation, Human Nature, Confessions d'un homme dangereux), sans aucun doute le scénariste le plus audacieux du moment, le seul à mélanger des questions existentielles et une narration innovante. Dans le matériau original, de nombreuses séquences ont été effacées par Gondry, notamment toutes les parties où d'autres clients de Lacuna Inc. voient leur mémoire s'effacer (un soldat, une fille violée).
Lacuna Inc. signifie un trou, une cavité, et même une perte en latin. L'idée est venue de Michel Gondry et de son ami l'artiste Pierre Bismuth. "Que dirais-tu si tu recevais une carte t'annonçant que tu as été effacé de la mémoire d'une certaine personne, et que tu devrais désormais t'abstenir de tut contact avec elle." Kaufman imaginera laborieusement cette histoire à l'envers, à l'instar de l'inédit 11:14, d'Irréversible, 5x2 et surtout Memento, film culte.
Michel Gondry est révélé dans les années 90 par ses cultes clips de Björk, Daft Punk, Kylie Minogue, Radiohead, Chemical Brothers, Beck, Massive Attack, les White Stripes, des pubs primées pour Levi's, Smirnoff, Gap...
Il tourne en 2004 The Science of Sleep (avec Patricia Arquette, Charlotte Gainsbourg, Gael Garcia Bernal, Alain Chabat et Rhys Ifans) et prépare un film avec Jack Black.
 
 
SE SOUVENIR DES BELLES CHOSES

"- Demain t'auras disparu! La fin idéale pour cette histoire de merde!"

Gondry a réussit là où Noé a échoué. Il a su insuffler l'optimisme et une bonne dose de ce qui est magique dans la vie avec cette histoire d'amour irréversible. Quand Gaspard Noé ne savait filmer rien d'autre que la bêtise et l'aveuglement destructeur, achevant sa vision dans un cul-de-sac sombre, animal et violent, Michael Gondry préfère l'opportunité d'une seconde chance, un horizon infini et des jolis mots pour se lier. Même si "parler sans arrêt ne veut pas dire communiquer".
Pourtant cette histoire d'amour commence mal, ou trop bien. Preuve que la chose est hasardeuse, mais qu'il faut bien se lancer. Le film, dès les premiers dialogues, s'ancrent dans un constat amer du monde qui nous entoure : ni adapté aux romantiques, ni adéquats pour les rêveurs pas trop riches. Ce monde hivernal ne peut être réchauffé que par un véritable et grand amour, difficile à faire survivre avec les compromis du quotidien : comme un feu de camp qui s'éteint lentement tout au long de la nuit glacée si l'on ne veille pas au grain. La Saint Valentin n'existe, ici, que pour les vendeurs de carte, et permet de foutre en l'air la moitié des célibataires. Un timide introverti et dépressif comme le personnage de Jim Carrey (dans ce registre, il est vraiment très bien) n'y a donc pas sa place.
Le mal d'être aimé a rarement été aussi visible, aussi bien vu. Il faut qu'il rencontre une Kate Winslet replète pour s'y sentir mieux. Mais voilà, la survivante du Titanic (évidemment sous employée depuis) change de vie et d'idées comme de couleurs de cheveux, entre maniaquerie et indécision permanente. A ces petits détails, le duo Gondry-Kaufmann installe un univers à la fois banal et singulier (à l'image de leur sujet), original et conforme à la réalité.
De ce lavage de cerveau, le cinéaste retient à son initiation amoureuse pour tirer une belle leçon de vie : la douleur, la souffrance, les erreurs ne sont pas indissociables des événements plus joyeux. Il n'y a pas d'amour heureux et la mélancolie envahit ces esprits poétiques. L'entreprise de démolition de la mémoire aura raison de tout, sauf de l'essentiel : le déclic, l'alchimie, ce putain de désir qui fait que deux êtres se trouvent bien ensemble, par delà les apparences ou les clivages.
Mais à l'instar de tous les scénarii écrits par Kaufman, Eternal Sunshine devient confus (il faudra attendre la fin pour être certain de bien comprendre la chronologie des événements) et se relâche. A contrario d'Adaptation ou de Being John Malkovich, c'est le milieu du film qui pêche, et non la fin. Piégé, as usual, par son concept narratif, Kaufman survole une grande partie de l'histoire d'A comme on zappe d'une scène à l'autre, pour s'arrêter sur les meilleurs extraits de cette vie sentimentale, comme une compilation, un best of qui dénature un peu l'intensité recherchée. Visuellement, on y perd en efficacité. Côté émotions, on est embrouillés. Bref, on regarde, halluciné, mais pas emporté.
Ozon avait résumé une histoire d'amour en cinq étapes décisives. Gondry préfère synthétiser avec quelques accélérations de multiples souvenirs, tous symboliques, naviguant entre cliché et inconscient. Nous ne faisons que feuilleter un album de souvenirs. Pour se sauver de ce mauvais pas, Gondry bifurque vers des histoires parallèles, qui hélas, n'apportent rien, si ce n'est un certain fatalisme... Nous sommes ainsi distraits, mais pas forcément divertis. Dans cette ville inventée avec une librairie pour seul lieu de rencontre, ou sur cette plage isolée, parfait endroit pour rassembler deux tourtereaux, Gondry imagine un espace "américain", virtuel. Nous sommes dans un deuxième monde. On lui efface sa mémoire comme on efface un disque dur... Il y aura d'ailleurs un bug dans le process : la vie.
Une vie compliquée avec une écriture expérimentale où le cinéma atteint ses limites. Le spectateur, largué, sera finalement soulagé par le message (la morale?). Le contraste est marquant car simpliste. Leur regard sur le monde, sur l'humain demeure magnifique. On s'identifie naturellement à ce couple déchiré. Les auteurs nous prennent finalement la tête pour mieux nous faire voir l'inutilité de ces obstacles créés par nos propres névroses. Pour vivre son amour, vivons-le librement : tout simplement?
Mais ce serait faire fi des rêves, des émotions, des fantasmes, de nos souvenirs et du subconscient. Cet ensemble nous dévie de cette ligne droite et claire; et notre promenade dans l'esprit de Carrey nous permet d'entrevoir à quel point nous pouvons être dépassés par notre propre cerveau, capable du pire comme du meilleur.
Audacieux, mais déséquilibré, Eternal Sunshine prouve que Kaufman est un des rares scénaristes à construire des passerelles entre la psychologie, la littérature égocentrique et une observation humaine et sociale. Un cinéma très contemporain à hauteur d'homme (même quand celui-ci est un bébé). Ca aurait peut-être mérité un traitement moins tortueux. Il manque cet emballement propre aux "trips" intérieurs. Un voyage dont on se demande comment il va finir, même à la fin.

- Vincy