Production : DreamWorks Animation
Distribution : UIP
Réalisation : Vicky Jenson, Eric Bergeron, Rob Letterman
Scénario : Rob Letterman, Michael J. Wilson
Montage : Nick Fletcher
Décors : Daniel St Pierre
Musique : Hans Zimmer
Directeur artistique : Samuel Michlap, Seth Engstrom
Durée : 91 mn Ê

Casting :

Will Smith :Oscar
Robert De Niro :Don Lino
Renee Zellweger :Angie
Angelina Jolie :Lola
Jack Black : Lenny
Martin Scorsese :Sykes
Ziggy Marley : Ernie
Peter Falk : Don Feinberg

 

 
Will Smith
Robert de Niro
Renee Zellweger
Angelina Jolie
Martin Scorsese
  (c) Ecran Noir 96-04
Shark Tale / Gang de requins 
USA / 2004 / Sortie France le 13 octobre 2004 
 
 
Dans les abysses, se trouve Le Récif, magnifique mégalopole poissonneuse. Les requins ne perviennent pas à la trouver. Mais les baleines viennent s'y faire nettoyer.
Oscar rêve de devenir riche et célèbre plutôt que de vivre dans les bas fonds de cet océan. Il finit par ruiner son patron en prêts d'argent douteux et torturé par les gardes du corps du boss, les méduses.
Les requins sont menés par le chef de leur mafia, Don Lino. Ce dernier a un problème : l'un de ses deux fils semble couard et végétarien, une évritable honte. Aussi lors d'un stage d'agressivité avec son frère, Lenny essaie de dévorer Oscar. Il n'y arrive pas. Et par un heureux hasard, Oscar aprvient même à tuer le frère de Lenny.
Devenu le tueur de requin, il acquiert célébrité et prospérité. Il protège Lenny, fuyant la violence de sa famille... Tout cela n'est évidemment pas du goût de Don Lino, qui pour le coup perd ses descendants et son honneur. Ê
 
   Première grosse sortie de l'automne, Shark Tale (Gang de requins) sort un an et quelques après Finding Nemo (plus beau) et un mois avant The Incredibles (qui s'annonce plus drôle). Issu des studios DreamWorks Animation, véritable rival de Disney, cette histoire sous marine vient surtout après la sortie de Shrek 2, film le plus populaire dans le monde cette année (873 millions de $). Nouveau cartoon donc, et carte de visite pour une entrée en bourse de la filiale cartoon afin de développer plus de projets. Il faut dire que la Fox (Robots au printemps prochain), le Studio Ghibli (le nouveau Miyazaki a été présenté avec succès à Venise) et Pixar (qui prépare déjà The Cars pour l'an prochain) se mettent en quatre pour séduire un large public. Casting multistars, effets visuels à couper le souffler, références au cinéma hollywoodien, DreamWorks ne se distingue pas de ses concurrents américains, si ce n'est dans le choix de ses personnages et son humour très impertinent.
Si Shark Tale n'a pas emballé la critique (ni le teaser présenté à Cannes, ni le film au complet projeté en avant première mondiale à Venise, en plein air), il a réalisé un démarrage en fanfare aux USA. C'est le premier dessin animé en 3D de DreamWorks si l'on considère que Shrek fut conçu par PDI, société distincte devenue filiale. C'est aussi le premier cartoon en 3D réalisé entièrement en Californie du Sud. Ce glissement vers Los Angeles et dans le studio même du distributeur montre à quel point le secteur est devenu stratégique dans la production cinématographique. Avec près de 50 millions de $ lors de son premier week end (un record pour un mois d'octobre), il confirme aussi qu'il n'y a pas de saison creuse à Hollywood et que l'animation est devenu un genre majeur.
Artistiquement, ce sont les acteurs qui font la différence. Chaque poisson a hérité des mimiques de la star vocale qui l'incarne. Les lèvres pulpeuses d'Angelina Jolie, le faciès de Will Smith, les yeux de Renée Zellweger... "Pour Don Lino, nous avons collecté des centaines d'expressions de Robert De Niro en parcourant toute sa filmographie, pour être sûrs de bien les retrouver dans son personnage. Chaque mimique du Don est basée sur une expression de De Niro." Visuellement, tout ce dont a bénéficié Shrek 2 a été amélioré, notamment la lumière ambiante des fonds sous marins.
Le casting vocal réunit aussi Jack Black (Rock Academy), Martin Scorsese, Ziggy Marley, Peter Falk (Columbo). En Français, Eric Judor (La tour Montparnasse infernale, Double Zéro), Ludivine Sagnier et Virginie Ledoyen (8 femmes), Patrick Timsit, Jean Benguigui, Dany Boon essaient de leur être à la hauteur. Le studio a déjà prévu Over the edge pour l'an prochain, et surtout Madagascar, où un zoo en folie veut déchaîner les rires dès mai 2005.


 

 
LE MONDE DU BRUIT

"- Fifty-fifty? T'es d'accord?
- Non, et toi?
- Non plus.
- Tope-là!
"

C'est un peu Némo revu et corrigé par les producteurs de Shrek qui veulent faire plaisir au trio des seventies : Spielberg, Coppola et Scorsese. Rien que ça. Ici point de belle et hilarante histoire du papa qui affronte tous les dangers pour retrouver son fils. Le récif de corail se déguise en bas fonds d'une New York sous marine. De Car Wash à Taxi Driver, du Parrain à Columbo, en passant par Benny Hill, les années 70 imprègnent le scénario et les "jokes". Mais il ne faut pas oublier la citation maison, Sentiers de la perdition et autres Seabiscuit, productions DreamWorks. C'est un peu gênant, mais plus qu'amusant. L'inévitable clin d'oeil à Jaws reste le meilleur pastiche de tout le film... car le plus approprié.
Aussi faut-il nous poser la question (Analyze This faisant partie des films parodiés) sur l'originalité de Shark Tale. Car le traitement est très proche de la saga Shrek et nous interroge. Or, à force de pasticher et de pomper répliques classiques sur séquences cultes de films atemporels, qu'apportent ces films d'animation? Rien de spécial : le scénario est convenu, les personnages déjà vus, et finalement il n'y a rien de neuf 20 000 lieues sous les mers. Dans 30 ans, personne ne pensera à parodier Shark Tale. A l'instar des émissions de télévision reprenant les extraits les plus drôles et dont personne ne reprendra ne serait-ce qu'une seconde dans quelques années... Cela n'empêche pas d'avoir du plaisir dans cette virée sous marine, plus bavarde, moins cinétique et même moins universel que Némo. Très codé années 70, cette comédie ultra-colorée, pour ne pas dire flashy, funk dans l'âme doit tout son génie au casting. Chaque protagoniste a les traits de sa voix américaine (avec mention à Black, De Niro, Smith et Jolie). C'en est presque gênant. Quel est l'intérêt artistique de déguiser Scorsese en poisson ballon, dans un rôle à la Joe Pesci? Cependant voir De Niro en requin est un régal. Car ici on est bien dans le Manhattan de son pote Marty et pas dans celui de cette mauviette de Woody. Nous sommes immergés dans un monde où les méduses tueuses sont rasta et fans de Bob Marley. Toujours ces seventies... Peace and love, voilà le topo. Tout ça à cause d'un requin végétarien (mais sans le délire des requins de Némo, en cure de désyntox).
A défaut d'être hilarant, c'est délirant. Parfois un peu grossier dans les liens avec les films auxquels il rend hommage. Parfois trop américain dans sa vision du monde (les marques sont omniprésentes et sont 100% Oncle Sam; à noter l'excellent jeu de mot de Gap, remplacé en Gup*). Aussi l'intérêt est ailleurs. Dans cet inceste entre la célébrité, la médiatisation, la manipulation et la paranoïa. Dans ce mix de poissons tarés, on retrouve tous les ingrédients d'une civilisation qui se fabrique des héros menteurs en jouant sur la peur des autres. Suivez mon regard... Il est aussi dans ce personnage de requin non violent, un peu transgenre sur les bords (il aime se déguiser en dauphin), qui devient le héros malgré lui. De poissons clowns en poissons marteaux, l'arrière plan est beaucoup moins léger même si tout semble y flotter.
Un cran en dessous du Pixar ou de l'ogre vert de ses congénères de chez DreamWorks, Shark Tale est "cinéphiliquement" captivant et visuellement peu ambitieux. Cependant, le rythme est alerte et vif.
Comme d'habitude, c'est dans les dialogues que se cachent les bons moments. Heureusement car le film, avec Will Smith et De Niro il ne faut pas s'étonner, est bavard. Irrévérencieux jusqu'au bout des nageoires et pourtant si "poissonnement" correct (la morale est plein de bons sentiments). Rien de subversif, juste de la nostalgie (au temps où le cinéma était grand?). De quoi s'éclater sans avoir besoin de sortir le masque à oxygène. Et si vous n'êtes pas d'accord avec la critique (qui fait la fine bouche, comme d'habitude), je vous autorise à me lancer l'insulte suprême : "-Espèce de mollusque!"

* Gup c'est le nom de ces petits poissons très colorés qu'on garde dans les aquariums domestiques.

- Vincy