Production : Ghost House Pictures / Sam Raimi, Rob Tapert & Taka Ichise
Réalisation : Takashi Shimizu
Scénario : Stephen Susco d’après une histoire de Takashi Shimizu
Montage : Jeff Betancourt
Photographie : Hideo Yamamoto
Décors : Iwao Saito
Maquillages : Jane O’Kane
Son : Paul N.J. Ottosson
Musique : Christopher Young
Durée : 91 mn

Casting :

Sarah Michelle Gellar : Karen
Jason Behr : Doug
Bill Pullman : Peter
Clea DuVall: Jennifer
Kadee Strickland: Susan

 

 
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  (c) Ecran Noir 96-04
The Grudge 
USA / 2004 / Sortie France le 29 décembre 2004 
 
Jeune américaine exilée au Japon avec son compagnon, Karen se voit proposer un job d’aide à domicile. La personne âgée qu’elle doit prendre en charge semble souffrir d’un désordre mental évident qui se reflète par un manque sérieux d’entretien de l’ensemble de la maison. Rapidement il apparaît que les murs abritent d’autres résidents dont l’hospitalité n’est pas à proprement parler l’apanage…
 
   Après Gore Verbinski et son remake de The Ring, ce sera à Walter Salles que reviendra l’honneur de transposer Dark Water, un des classiques de l’horreur moderne japonaise pour les salles américaines en 2005. L’opération semble devoir se solder à chaque fois par un succès si l’on considère l’accueil que reçurent successivement The Ring et la présente adaptation de The Grudge signée par l’auteur original Takashi Shimuzi. Une réussite qui repose essentiellement sur deux hommes. Tout d’abord le producteur japonais Taka Ichise qui développe ses projets des deux côtés du Pacifique et peut se targuer d’avoir découvert une génération entière de jeunes réalisateurs nippons prometteurs parfaitement exportable vers les USA et Roy Lee qui a senti très tôt le potentiel que représentait l’exportation de ses talents tout en définissant le mode opératoire du transfert. La difficulté de la tache réside dans le fait de concilier le respect des qualités de l’œuvre première tout en lui attachant le savoir faire des meilleurs artistes américains (Sam Raimi qui s’est distingué avec sa séquelle de Spider-Man en co-producteur exécutif pour The Grudge). Force est de reconnaître que la combine est au point et que le résultat artistique ne tire jamais vers la standardisation mais représente un véritable pôle de développement cinématographique entre deux cultures. Takashi Shimizu et bientôt Hideo Nakata qui réalisera la suite américaine de The Ring, toujours avec Naomi Watts, se voient ainsi promis à une carrière internationale à l’américaine, sans pour autant perdre leur intégrité d’auteur, comme ce fut le cas pour John Woo ou Tsui Hark, sous liberté surveillée dés lors qu’ils eurent quitté leur patrie.

Pour autant les choses ne sont pas forcément simples même si elles autorisent l’échange et la découverte. Le tournage de The Grudge s’installa au Japon pour ne rien perdre de l’authenticité des lieux, en particulier la maison, typiquement japonaise qui n’est pas ceci dit en passant un simple décor mais existe bel et bien. Les têtes d’affiche américaines durent se plier aux spécificités du travail des équipes locales (prises de vue live en pleine foule) et le cinéaste fut contraint de dépasser la barrière des langues pour diriger ses interprètes anglo-saxons.
 

 
DEFUNTS A LA SUITE

« Il y a quelque chose de mauvais là bas… »

Difficile de trancher à quel niveau se situe la malédiction de The Grudge. Dans le coeur de son intrigue même, un enchaînement de morts violentes orchestré selon un rite immuable de fantômes vengeurs ou dans l’incapacité apparente dont fait preuve le réalisateur Takashi Shimizu pour s’extraire de l’univers qu’il a créé, revenant inlassablement, d’une séquelle à un énième remake, sur les lieux du crime pour parfaire son ballet macabre, poussé par son obsession de la perfection mais aussi par les exigences économiques induites par la loi du succès qu’a rencontré sa franchise. Car Ju-on (titre d’origine) intègre, dés sa mouture initiale, la répétition comme une règle d’or qui conditionne l’agencement de son édifice, quitte à apparenter vaguement sa structure de long métrage à celle d’un film à sketchs. L’histoire de la maison maudite s’y répète en absence relative de tout repère chronologique, mais surtout de tout espoir d’évolution de la trame dépouillée du moindre rebondissement. C’est la mort qui tire les ficelles et cette dernière n’a de toute façon aucun projet d’avenir dés lors que l’existence est arrivée à son terme et qu’il ne reste plus qu’à se morfondre dans la frustration. La thématique de la peur de l’au delà n’est pas nouvelle à la base, sa représentation se perpétue selon des codes semblables dans pratiquement tout le cinéma du genre asiatique, de l’Inde jusqu’à la Corée, en passant par la Thaïlande. Un folklore précis et précieux dont ne s’écarte jamais le réalisateur, même dans sa réactualisation, au point de se confondre avec la patte du plus incontournable prodige contemporain de l’effroi, Hideo Nakata (Ring & Dark Water), entre images vidéo investies par les esprits frappeurs et autres apparitions humides accumulant les dégâts des eaux irréparables. Ce manque de singularité stylistique flagrante, pour ne pas dire ce conformisme, reste la principale critique qui sera adressée au japonais. L’oeuvre finit cependant par hypnotiser à force de duplication effrénée, telle la comptine hallucinée d’un disque rayé et par trouver une dimension un peu à part dans la production cinématographique d’outre tombe.
Si le reste du casting américain ne change pas franchement la donne de la ronde des victimes (Sarah Michelle Gellar interdite de kung fu subit pour une fois le harcèlement surnaturel), il faudrait retenir la présence toujours magnétique de Bill Pullman, qui poursuit ici sa prestation du décalé de service de Lost Highway, tandis que Takako Fuji et Yuya Ozeki stimulent la chair de poule figés dans leurs personnages, grandement épaulés dans leur abnégation par l’architecture biscornue de la bicoque et les gargarismes du sound designer. Armé de moyens plus conséquents Shimizu propulse en tout cas son œuvre à un niveau de perfection technique qui, à défaut de surprendre ceux qui en ont connu les premières manifestations, risque à coup sur de leur coller une belle frousse tant les effets sont désormais millimétrés à l’extrême. Les amateurs apprécieront et se dispenseront de traîner sur les pentes de Gerardmer où le fantastique fait toujours aussi grise mine.

- PETSSSsss