Production : Wal Disney Pict. / Pixar Animation Studios – John Lasseter & John Walker
Réalisation : Brad Bird
Scénario : Brad Bird
Montage : Stephen Schaffer
Photographie : Andrew Jimenez & Janet Lucroy
Direction artistique : Lou Romano & Don Shank
Son : Randy Thom
Musique : Michael Giacchino
Durée : 121 mn

Casting :

Craig T. Nelson / Mr Incredible
Holly Hunter / Eslastigirl
Spencer Fox / Dash
Sarah Vowell / Violet
Samuel L. Jackson / Frozone
Jason Lee / Syndrome
Wallace Shawn / Gilbert Huph
Brad Bird / Edna ‘E’ Mode

 

 
Site officiel
  (c) Ecran Noir 96-04
The Incredibles (Les Indestructibles) 
USA / 2004 / Sortie en France le 24 novembre 2004 
 
valeria bruni tedeschi
 
Les temps sont durs pour les héros aussi supers soient-ils. Tombés en disgrâce, les justiciers ont remisé leurs costumes pour se confiner dans la vie de famille ordinaire en grande banlieue. Pour rompre avec la monotonie, Mr Incredible aura à combattre bien plus que ses propres bourrelets accumulés par le manque d’activité. Un mystérieux Syndrome semble vouloir donner du fil à retordre aux sauveurs de bonne volonté…
 
   Que deviendrait Disney sans Pixar ? La question continue d’être psalmodiée au terme de la sixième collaboration des deux studios qui invariablement se solde par un nouveau succès critique, artistique mais surtout publique et tandis que la maison Disney ne parvient pas à convaincre par sa seule politique de production globale depuis quelques temps déjà (The Alamo, The Village…). Côté animation, la tête de gondole supposée de la boutique, l’échec est sans appel. L’œil sur les courbes de l’action maison, le coût exorbitant engendré par Dinosaur, la première et unique incursion de Disney dans le long métrage de synthèse, aura persuadé les cadres de se concentrer sur des activités plus rentables bien que moins louables pour blinder leurs bilans. Au dégraissage des effectifs de créatifs aura été associée une politique d’exploitation misérable et bon marché des classiques du catalogue Disney pour le marché de la home vidéo (en désespoir de cause et en rupture de stock, on annonce même un Rox et Rooky 2). Une vision à court terme qui plonge aujourd’hui la compagnie dans un marasme profond. L’ultime cartoon grand écran 2D Home on the range fut un naufrage à tout point de vue, témoignant de l’absence flagrante d’inspiration de la compagnie, de son inadéquation avec les attentes des spectateurs. Faute d’avoir su associer son savoir faire créatif à une évolution technologique incontournable, Disney se retrouve aujourd’hui dans l’incapacité de suivre le marché aux règles imposées désormais par ses concurrents de Dreamworks (Shrek2, Shark Tales) et de la Fox (Ice Age, Robots) et ne peut que prétendre se sortir de l’impasse en distribuant de la sous-traitance. Il faudra attendre la sortie de Chicken Little prévue pour l’été 2005 pour vérifier si le retard peut être comblé et le blason redoré.
Ce qui demeure certain, c’est que le pacte Pixar / Disney touche à sa fin et ne semble pas devoir se prolonger, les nouvelles exigences sur les pourcentages de recettes des premiers n’étant plus compatibles avec celles des seconds. Les initiateurs de Toy Story peuvent tout à fait se passer de Mickey sur la seule foi de leur identité définitivement populaire aujourd’hui, pour faire fructifier leur entreprise en parfaite autonomie. Disney estime pouvoir livrer deux suites à Toy Story (franchise dont ils restent propriétaires) en se passant de l’aide du protégé, mais sans trop y croire puisque le studio tente de faire du pied à Steve Jobbs (fondateur d’Apple et propriétaire majoritaire de Pixar) pour prendre la place de l’indéboulonnable Michael Eisner.
Sous l’aspect chatoyant de ses celluloïds, l’animation est décidément un monde implacable qui n’échappe pas aux dures lois du business. Brad Bird en fit les frais il y a quelques années alors que son premier long métrage The Iron Giant pâtit de l’incompétence de la Warner qui ne tint jamais compte de ses qualités exceptionnelles pour en favoriser son lancement. En absence d’audience sollicitée, le cartoon remporta une floppée de récompenses (Annie Awards) et s’imposa sur le temps comme un chef d’œuvre dans l’estime d’un certain nombre. Nombre dont fait partie le petit monde de Pixar, spécialement le boss John Lasseter, familier de Bird, qui s’enthousiasme spontanément lorsque ce dernier lui soumet l’idée de The Incredibles. Déduction : chez Pixar on sait encore reconnaître les vertus d’un auteur susceptible d’écrire une bonne histoire comme un argument commercial appréciable. Car Brad Bird n’est pas seulement un animateur né, c’est aussi un véritable créateur d’univers singuliers. Spielberg mis à tribut son imagination à travers ses productions sans avoir à le regretter si l’on se souvient des excellents souvenirs que laissèrent l’épisode animé de la série Amazing Stories – Family dog ainsi que le film Batteries not included. Impertinent, Brad Bird se distingua également en étant une des tête pensantes sur de nombreuses saisons des Simpsons aux côtés de Matt Groening. Passons sur le casting voix de l’adaptation française dont l’ambition ne dépasse pas la renommée de la chanteuse baby-sitter Lorie pour se concentrer sur la version originale américaine qui réunit une brochette d’acteurs de premier plan. Holly Hunter, Samuel L. Jackson et Jason Lee prêtent ainsi leur voix à divers super héros, mais le rôle titre de Mr. Incredible, au civil le père de la famille Parr échoit à Craig T. Nelson, surtout connu en France pour avoir été le soutien du foyer tout aussi agité de la série Poltergeist. Plus discret encore, l’acteur Wallace Shawn poursuit ici sa collaboration avec Pixar puisqu’il fit la synchro de toutes les apparitions de Rex the Green Dinosaur pour Toy Story 1 et 2 et pour Monster Inc…
Jouets, insectes, poissons, monstres, Pixar a toujours relégué l’humain au second plan de ses longs métrages sans jamais parvenir à le traiter de façon réellement satisfaisante. The Incredibles aura poussé le studio a se consacrer de plus près au sujet puisque tous les protagonistes principaux du film, au-delà de leurs pouvoirs exceptionnels, sont avant tout des personnes basiques. Les ingénieurs informaticiens se seraient essentiellement arrachés les cheveux sur des problèmes capillaires digitaux, en particulier la coupe flottante de Violet.
Pour la bande son, Michael Giacchino aura retenu l’attention de la production pour sa facilité naturelle à composer des partitions musicales proches de Henry Mancini et à recréer l’ambiance 60’s kitsch souhaitée.
Inquiétudes à la sortie automnale de The Incredibles de la part des financiers omnubilés par la croissance à tout prix. Aussi Finding Nemo ayant fixé la barre très haut compte tenu de ses résultats remarquables sur le marché international, il semblerait inconcevable que la nouvelle production Pixar ne puisse pas faire mieux, voire se limite à moins bien sur son exploitation sans remettre en question la capacité du studio à générer des billets verts. Le film, même s’il conserve une thématique familiale, est plus adulte dans son traitement (restriction légère PG), approche les deux heures en durée et doit se confronter à une concurrence acharnée à l’approche des fêtes, entre Shark Tales, The Pole express et Bob l’éponge. Indestructible, Pixar en réalisant un démarrage sur le sol américain équivalent à Nemo prouve qu’en s’autorisant quelques libertés la compagnie n’entame pas l’attachement que le public voue en son talent.
Cars, l’ultime cartoon développé par Pixar pour Disney et à la réalisation prise en charge par John Lasseter se profile déjà pour l’été 2005. La bande annonce en dévoile les premières images ainsi que l’une des voix prestigieuse réquisitionnée pour l’occasion, celle de Paul Newman.
 
 
PIX MEN

« On est tous singuliers Dash...
- Ce qui revient à dire que personne ne l’est. »

Il était de bon ton de croire au cinéma que les turpitudes inhérentes à l’existence de super héros étaient réservées aux adolescents bourgeonnants et aux victimes traumatisées de la criminalité stagnante. Pixar décide de démocratiser l’activité à la famille. C’est un peu gonflé sans l’être. Parents et enfants restent le coeur de cible de leur commanditaire, chacun est donc ainsi certain d’y retrouver ses petits. De plus l’idée de base n’est pas non forcément très originale. Les sauveurs du monde héréditaires ont même déjà livré quelques franchises, à commencer par Spy Kids et plus récemment The Thunderbirds. Des films crispants sinon niaiseux se référençant plus à James Bond (encore qu’ici…) qu’implicitement aux Comics. Il y avait donc la marge pour imposer une œuvre qui ne souffre pas de comparaisons et le studio californien s’est acquitté une fois de plus de sa tâche avec le brio qui a bâti sa réputation. Toutefois l’arrivée d’un nouvel auteur dans le cheptel du pixel, en l’occurrence Brad Bird, pousse l’équipe à atteindre une nouvelle maturité qui dépasse la simple maîtrise technique. Sans rompre avec la cohérence des œuvres passées, l’apport de Bird permet de briser un certain systématisme dans le concept qui avait tendance à rendre les dernières productions Pixar quelque peu convenues. Ici plus de monstres ou de poissons pour aborder l’éternel thème du parcours initiatique, mais des humains. Les personnages cautionnent moins de détours dans la fantaisie enfantine (The Incredibles réjouira plus volontiers les teenagers et leurs aînés que les tous petits, moins concernés), mais autorisent une profondeur plus aiguisée dans l’étude sociologique de la filiation, chère au créateur du Géant de fer. Certes, les héros ne sont pas réellement normaux, mais leurs pouvoirs extraordinaires demeurent accessoirisés, voire ridiculisés. La force des Parr, c’est leur humanité qui délivre fréquemment les meilleures scènes du film. Aussi la première partie de The Incredibles s’insérant dans notre quotidien se distingue qualitativement du reste du dessin animé. Plus inattendues, les situations d’échec des ex stars de la justice dans un système ingrat et aliénant offrent autant de bonnes excuses pour proposer une critique hilarante des Temps modernes comme le fit en son temps Chaplin. La mise en scène des conditions de travail, des pétages de plomb en plein Traffic évoque irrésistiblement Tati dans l’absurdité, de même que le déchaînement de prétentions comico-plastiques hi tech de certains intérieurs (la piaule à Edna) que ne renieraient pas les délires décoratifs avant-gardistes de Mon Oncle. Un contexte bien vu et bien rendu avec lequel compose une famille plus vraie que nature. Le portrait de groupe bénéficie de l’expérience de Bird sur la série des Simpson pour ce qui est de la précision d’écriture, expérience conjuguée harmonieusement à celle des animateurs qui se déchaînent dans le rendu des expressions familières et des traits de caractère qui touchent dans leur justesse et leur perfection graphique. Ados Complexés ou intenables, père démissionnaire qui trompe la vigilance de la mère poule protectrice et responsable, Une véracité qui sent le vécu et qui est mise en valeur par une des plus belles conceptions artistiques qu'il nous ait été donnée devoir ces dernières années dans le dessin animé américain.
The Incredibles ne s’en tiendra bien évidemment pas strictement à l’étude de mœurs satirique mais s’oriente dans un second temps vers le divertissement pur qui privilégie le dynamisme de l’action. Etrangement en sortant du cadre familier de la vie quotidienne si propice à générer des gags en cascade, un sentiment de retour à la routine s’installe lorsqu’il s’agit de suivre l’intrigue à suspense localisée sur une île géographiquement et esthétiquement proche de celle du Dr No. La faute n’en incombe pas nécessairement au méchant de service, Syndrome, plutôt raccord dans la démarche avec la philosophie du film (le narcissisme en lutte avec l’acceptation de sa condition modeste), mais plutôt à quelques faiblesses de rythme propres au scénario et à un côté trop balisé du déroulement des opérations largement déjà vues dans d’innombrables blockbusters récemment. Que cette réserve n’empêche par ailleurs de retenir une séquence anthologique dans laquelle Elastigirl réalise des prouesses de souplesse dans quelques entrebaillements de portes. Une pure merveille. Pour le reste, l’équipe Parr nous prouve plus ou moins volontairement qu’à Hollywood, à force de répétitions, sauver le monde cinématographiquement est devenu un job comme un autre, pratiquement aussi fastidieux que l’emploi du temps d’un assureur. La cohésion du groupe retrouvée après maintes péripéties, le bonheur de les retrouver dans leur train-train bancal redonne le sourire aux lèvres. Finalement allez vous étonner du succès qui ne se dément pas de la real TV...

PETSSSsss-