- Mikael Haneke
 - Isabelle Huppert
 - Benoît Magimel
 - Elfriede Jelinek
 

(C) 96-01 Ecran Noir

La Pianiste
France / Autriche
Sélection officielle (en compétition)
Projection: 14 Mai 2001
Sortie en salle : 5 septembre 2001 (France)

Réalisation: Michael Haneke
Production: MK2, Les Films Alain Sarde, Wega Film
Scénario : Michael Haneke
d'après le roman de Elfriede Jelinek
Montage: Monika Willi
Photo : Christian Berger
Durée : 116 mn

Isabelle Huppert (Erika Kohut)
Benoît Magimel (Walter Klemmer)
Annie Girardot (la mère)
Anna Sigalevitch (Anna Schober)
 
Erika a quarante ans, vit à vienne avec sa vieille mère et enseigne le piano au Conservatoire.
Sa sexualité est composée de fantasmes, de jeux cérébraux, d'objets sado-maso. Jusqu'au jour où le jeune Walter tombe amoureux d'elle, jusqu'à abandonner ses études et rentrer au conservatoire.
Dans un jeu de manipulation et face à la réalité des sentiments, les deux vont perdre leurs marques.
 
 
Depuis quelques temps, Haneke doit son salut au financement de la société française MK2 et à la reconnaissance du Festival de Cannes. Le cinéaste autricihien le plus connu depuis 10 ans n'en finit pas de suciter des réactions, de provoquer des scandales à chacun de ses films. Il a reçu de nombreux prix pour son cinéma si peu conventionnel, que ce soit à Locarno, à Berlin, à Chicago, à Sitges... Tous ses films ont été sélectionnés soit à la Quinzaine soit en Compétition officielle à Cannes. Le dernier en date est Code Inconnu avec Binoche, l'an dernier.
Cela faisait longtemps qu'Huppert, actrice recordwoman pour le nombre de films en Compétition à Cannes, voulait tourner avec lui. Tout juste nominée aux Molières pour sa Médée, elle y croise Magimel (par ailleurs le petit ami de Binoche), l'un des acteurs les plus prometteurs du cinéma français. Au milieu, trône Girardot, autrefois l'actrice la plus populaire en France, ccésarisée jusqu'aux larmes, et 45 ans de acrrière au compteur.
Le film est l'adaptation d'un bouquin très pomémiste, quasiment autobiographique. On a été jusqu'à qualifier le roman de pornographique. Haneke et l'auteur Jelinek ont un point en commun : ils décrivent les gens et leurs tourments avec un scalpel.
 
JUSTIFY MY LOVE

"Ce désir de prendre des coups, je l'ai depuis des années..."

Haneke semble, par définition, apprécier la controverse, banalisant la violence ou exorcisant le malaise de nos sociétés. Cliniquement. Cela a donné le perturbateur Funny Gammes ou le plus consensuel Code Inconnu. La Pianiste eest un croisement des deux, faisant le grand écart entre la vie apparente d'une professeur de piano, très académique, et ses démons intérieurs, beaucoup plus sordides. Le contraste est parfois trop simpliste (les beaux appartements contre la ville moderne), mais Haneke mène le spectateur là où il le désire : un choc final; un état de choc qui glace le temps d'arriver au générique.
Il prend son temps pour en arriver là - étirant son film par quelques longueurs. Il dépeint une relation bizarre entre une mère ultra possessive et sa progéniture, une vieille fille aux fantasmes inavouables, sèche comme le bois du piano. Girardot ravagée est magnifique, et Huppert géniale. Les deux femmes partagent la même chambre, la même folie, un amour dévorant, et des peurs semblables. Le père est bien mort à l'Asile...
Les deux femmes ne sont pas seulement détraquées, elles sont démodées. Les touches du piano, leurs mélodies, ne font qu'accentier ce lien avec une période révolue, un Vienne oublié. En revanche, sous la laque et au delà des sonates, se terrent une sexualité forcément déviée : SM, fétichiste, voyeuriste. Huppert renifle uun kleenex plein de sperme laissé par un masturbateur inconnu dans une cabine où elle visionne un film X. Elle pisse à côté d'un couple baisant dans une voiture, parquée dans un drive-in. Et caetera. Jusqu'à simuler les règles en se coupant la chair avec une lame de rasoir. La dominatrice n'est en fait qu'une soumise schyzophrène, confodant les sentiments, luttant entre ses pulsions et la raison. C'est finement observé., intelligemment joué, jamais jugé. Et surtout ça n'est pas à mettre devant tous les regards.
L'actrice chabrolienne joue une variation sadique sur le même thème que Merci Pour le Chocolat.
Haneke n'a pas de pudeur. Les scènes de cul montrent peu mais il y introduit quand même une fellation explicite, et une masturbation un peu douloureuse, tout en nous épargnant la chair du couple Magimel/Huppert. L'acteur - heureusement l'un des plus cinégéniques du cinéma frenchy - est éblouissant de candeur et d'incompréhensivité. Malgré un personnage mal construit, parfois incohérent dans son évolution psychologique, il irradie et apporte la détermination et la virilité nécessaire pour bousculer Huppert. Ce jeu d'attirance et de rejet sera fatal et sanglant. Quand elle lui ouvre finalement son coeur (et son corps), il la repousse de dégoüt care lle le répugne. C'est lui qui désormais la domine. Mais en la trahissant, en écrasant ses secrets avec leurs révélations (physiques), il la blesse définitivement. La destruction est d'abord mentale, atroce, puis cela se conclura avec un coeur béant, saignant.
Ames prudes s'abstenir. Haneke aurait pu contourner certaines lenteurs, oublier quelques répétitions musicales, éviter certains écueils scénaristiques. Mais il atteint son objectif en réalisant avec justesse un malaise profond qui peut atteindre les esprits les plus intelligents. Il y a de la décadence dans son analyse chirurgicale et freudienne de notre société.

Vincy-