Production: Elizabeth Films / M6 Films / Citizen Films
Réalisation: Olivier Assayas
Scénario: Olivier Assayas
Montage: Luc Barnier
Photo: Denis Lenoir (a.f.c., a.s.c.)
Son: Philippe Richard
Musique: Sonic Youth
Durée: 130 mn
Charles Berling: Hervé
Connie Nielsen: Diane
Chloë Sevigny: Elise
Gina Gershon: Elaine
Dominique Reymond: Karen
Festivalcannes.org
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Demonlover

France / 2002 /
Compétition sélection officielle/ Présenté le : 18.05.02

Dans un présent quelque peu anticipé, plusieurs cadres d’un grand conglomérat se livrent une guerre larvée pour remporter un contrat juteux. Le deal portant sur le control du marché des hentaï , de films X ultra violents diffusés sur le réseau Internet.
La paire Assayas – Berling avait déjà gravi les marches du palais il y a deux ans pour la présentation Des destinées sentimentales.
Avec ce nouveau film, le réalisateur désirait, pour son retour à l'écriture, trouver une occasion d'explorer de nouveaux univers. Prévu au départ pour être tourné sur un budget modeste, le projet Demonlover a rapidement pris de l'ampleur. Pour assurer l'interprétation de ses personnages qu'il considère comme atypique dans le panorama du cinéma français, Assayas a ouvert son casting sur l'international.
Chloë Sevigny, nouvelle égérie du cinéma indie américain, a donc été contrainte de se mettre au français. Connie Nielsen pour sa part est parfaitement bilingue. L'actrice voit ici une belle opportunité de diversifier sa filmographie alors qu'elle vient de bénéficier d'une exposition très populaire avec le succès de Gladiator. Gina Gershon promène sa plastique irréprochable dans des contrées cinématographiques assez variées mais souvent sexy (Bound, Showgirls...), surgissant même parfois dans un clip vidéo de son copain Lenny Kravitz.
La passion d'Assayas pour le rock n'est plus à prouver, c'est même une spécialité familiale. Demonlover donna lieu à une collaboration avec les très estimés Sonic Youth. Les musiciens new yorkais purent se livrer à leurs habituelles expérimentations sonores dont la gestation fut intégrée avec celle du film, afin de créer une véritable osmose stylistique.

 

PASSIONS, TRAHISONS & SNUFF MOVIES

Je vous ai fait un mémo à part, avec tous les détails. Êtes-vous rassurée?

Dés la fin de son générique d’introduction percutant, Demonlover anéantit tous nos meilleurs espoirs sur ce qui était censé figurer une incursion ambitieuse de la rigueur du cinéma français dans l’univers hi-tech du cyberpunk. Assayas déclare qu’il souhaitait pourtant faire table rase sur ses acquis passés pour mieux évoluer vers de nouveaux terrains de jeux. Vœux louables, communs aux cinéastes en pleine force de l’âge, qui ne se retrouvent finalement point exaucés. Assayas n’est en effet pas parvenu à se renouveler, trop attaché à son statut d’auteur construisant une œuvre cohérente, se faisant même des clins d’œil dans la glace (Connie Nielsen transformée en Irma Verp, obsession fétichiste ?). Là où l’environnement technoïde méritait d’inventer une nouvelle grammaire cinématographique, il récupère son canevas studieux étrenné dernièrement sur Les destinées sentimentales qui consiste à récréer le cadre d’une époque avec une minutie d’historien encyclopédiste. Là où l’intrigue demandait un traitement nerveux et efficace tout en tensions, le réalisateur s’obstine à peindre une fresque réaliste bourrée de détails qui rendent certainement crédibles les situations technico-juridico-financières omniprésentes, mais dont l’accumulation finit par donner le sentiment d’être en train d’assister à l’interprétation d’un bilan comptable mixé avec des notices techniques de matos informatique.
Les personnages ne parviennent pas à dégager un charisme particulier susceptible de nous faire adhérer à un aspect quelconque de ce thriller confus mâtiné de film d’entreprise. Forcément, ce ne sont pas des héros romanesques, mais juste des avocats et des employés de bureau, question de cohérence !! Soit… Jacques Audiard avait pourtant réussi à montrer dans Sur mes lèvres qu’on pouvait filmer vrai dans le tertiaire sans être chiant, mais bon…Si vraiment Olivier Assayas a quelque chose de fulgurant à nous révéler, on veut volontier le suivre, sa caméra bouge bien, le travail sur l’image et le son méritent qu’on s’y arrête, même si les enchaînements du montage sont horripilants. Sauf que le réalisateur scénariste n’est pas franchement au fait du sujet qu’il attaque. Ses sources sont périmées, les images subversives qu’il montre frisent l’anachronisme, sa projection futuriste de l’évolution de l’audiovisuel laborieuse et ne réclame aucun mérite car calqué sur Vidéodrome de Cronenberg tourné il y a 20 ans.

Arrivés au terme de deux longues heures d’ennui profond, Olivier Assayas ne peut plus prétendre à passer pour visionnaire et encore moins pour divertissant. Il se contente donc de nous rendre service en nous assommant définitivement par une morale plombée et ringarde digne de la prévention pour la sécurité routière. Faîtes de beaux rêves…

  (C)Ecran Noir 1996-2002