Reservoir Dogs
Pulp Fiction
Jackie Brown
Kill Bill (vol1)
Kill Bill (vol2)
 
©1996-2004 Ecran Noir SARL
Conception: PETSSSsss-
Rédaction: Vincy - Arnaud
Crédits photos: Miramax
 
réalisation: Quentin Tarantino
scénario: Quentin Tarantino, Roger Avary
image: Andzej Sekula
montage: Sally Menke
décors: Sandy Reynolds-Wasco
costumes: Betsy Heimann
durée: 154 min
 
Tim Roth (Pumpkin)
Amanda Plummer (Honey Bunny)
John Travolta (Vincent Vega)
Samuel L. Jackson (Jules Winnfield)
Bruce Willis (Butch Coolidge)
Ving Rhames (Marsellus Wallace)
Rosanna Arquette (Jody)
Eric Stoltz (Lance)
Uma Thurman (Mia Wallace)
Steve Buscemi (Buddy Holly)
Christopher Walken (Capitaine Koons)
Maria de Medeiros (Fabienne)
Harvey Keitel (Winston)
Pulp Fiction 
JE DANSE AVEC MIA

"- Quand vous êtes ensemble les truands, vous êtes de vrais concierges!"

Changement radical de décor. Tarantino se fait plaisir avec cette fiction culte inspirée de ces romans de série B des années 30. Trois histoires à base de légendes urbaines et, toujours, d'anecdotes croustillantes, se superposent. Deux avaient été imaginées séparément, et très antérieurement au violent Reservoir Dogs. Un chapitre a été ajouté pour former un film complet. Le cinéaste, dans tous les cas, a écrit la plupart des rôles en pensant aux comédiens chargés de les incarner. Cette personnalisation a permis de sacraliser Samuel L. Jackson (qui faillit être Mr. Orange dans le Réservoir), de stariser Uma Thurman (qui sera son égérie dans Kill Bill) et de contribuer à la résurrection de John Travolta. Au delà de ce triumvirat, Quentin reprend Tim Roth et Harvey Keitel, et se paye Amanda Plummer, Ving Rhames, Eric Stoltz, Rosanna Arquette, Christopher Walken.
Il en manque deux? Voilà tout le problème. 10 ans plus tard, un segment l'emporte sur les deux autres dans l'inconscient collectif. Cela ne rend pas forcément l'ensemble inégal, même si le film semble long et superficiel. Mais quel ludisme! Cette jubilation constante masque donc un vide sémantique. Il ne faut y voir qu'un divertissement, cool, qui rend hommage à la matière première du cinéma : stars, dialogues, situations burlesques, ... Le bout de film avec Thruman, Travolta et Jackson ne représente qu'une quarantaine de minutes. Il a fallu un étrange mix d'impact médiatique et de phénomène pop pour nous rendre Alzheimer sur les 100 autres minutes.

Explications. Le film - un tableau démultiplié devenu prestigieux - a reçu la Palme d'Or au Festival de Cannes, l'Oscar du meilleur scénario, 4 Independant Spirit Awards, les louanges des critiques de Los Angeles (film, réalisateur, scénario) et de New York (réalisateur, scénario). L'année de Forrest Gump, il a cumulé les citations en tous genres (7 nominations aux Oscars, 5 aux MTV Movie awards). Miramax a accentué tout le marketing sur quatre comédiens : Travolta, Thurman, Jackson et Stoltz. Notre mémoire, dès lors, commence à se déformer pour ne se souvenir que d'eux. Ca empire avec la quarante sixième minute du film. Meilleure séquence de danse (selon les MTV Movie awards), la chorégraphie sixties kitsch où Travolta refait monter la fièvre du samedi soir cartonne en boîte et dans les soirées de mariages. 2 minutes d'orgasme?
On aurait aimé voir Michael Madsen faire aussi bien. Le rôle de Vincent Vega lui était destiné. Après tout, il avait incarné Vic Vega dans Reservoir Dogs. Ca aurait été un autre film, une autre histoire. Reste que l'autre histoire, le second segment est tout aussi bon. Mais pourquoi, diable, a-t-on mis de côté Bruce Willis et Maria de Medeiros, de loin le couple le plus attendrissant et le plus improbable, le moins cynique et le plus positif de tout le film? Peut-être à cause d'une partition musicale moins radiodiffusée...

Produit par De Vito, Pulp Fiction bénéficie d'un budget plus confortable que le premier film de Tarantino. 8 millions de $, rentabilisés en un seul week end en salles! Le film rapportera 210 millions de $ dans le monde. Ca permet de payer beaucoup de milk-shakes à 5 $ et de taxi à 45 billets. Très vite, le film vire au phénomène planétaire et générationnel. Idem pour la musique : la B.O.F "rétro hype" s'arrache comme des Quarter Pounder with Cheese. L'auteur garde son style. Pas de sexe, beaucoup de flingues, encore plus de "fuck" (19 de plus précisément), et des dialogues absurdes interminables. D'ailleurs peut-on parler de dialogues quand il s'agit plutôt d'interconnexions entre deux monologues mélangeant les paradoxes.

Pour l'acteur, c'est du pur bonheur. Leurs personnages névrosés et décalés n'ont rien à perdre mais veulent tout avoir. Des marginaux aux frontières du minable. Car Pulp c'est l'histoire de ratés amoraux qui s'interrogent sur la morale de leurs actes. L'auteur sauvera les rédempteurs, ceux qui raccrochent les gants et rangent les flingues. Pas fondamentalement méchants, ces professionnels perfectionnistes ne font qu'un sale boulot. Jamais antipathiques (les vrais salauds sont les chefs auxquels on obéit), ils sont juste paumés face à leur destin, maladroit avec les autres, et mal à l'aise face à une vie qui les dépasse. Aussi, on déblatère de futilités, on se shoote avec joie pour oublier, et on se castagne pour montrer qu'on en a. Toujours des films d'ados, quand on a du mal à gérer ses émotions. Un peu homophobe sur les bords (faut bien se définir sexuellement), avec la seule scène sadique (qui rappelle celle du flic dans RD) pourtant suggestive. Surtout, il introduit les femmes dans son cinéma. Objet de fantasme (Thurman) ou femme enfant (De Medeiros), elles ont moins de grains à moudre, mais provoquent souvent les catastrophes qui font perdre les pédales aux durs. Entretenues, clairement là pour satisfaire les besoins sexuels de ces messieurs, leur servir de soupape, elles restent touchantes, amusantes, légères, belles mais d'une beauté, brune, atypique. Thurman en Louise Brooks, De Medeiros et un côté Betty Boop. Leur féminité se traduit, à l'image, pas leur gestuelle, leurs sourires, leurs grands yeux aguicheurs. La blonde, archi percée, Rosanna Arquette, sert avant tout d'accessoire.

Les mecs ont juste à réciter leurs tirades, dogmes et citations (Willis bénéficiant d'un peu d'action et d'héroïsme). Car la donnée essentielle du cinéma de Tarantino prend ici toute sa place : le monsieur prend son temps. Face à la frénésie des montages des films de studios (jusqu'à ne plus rien saisir de l'image dans certains cas), chaque séquence s'étire le temps qu'il faut. Il est même prêt à retarder une exécution afin de boucler un débat existentiel (et donc rigoureusement non indispensable). Une fois le clapet muet, on revient au bon vieux Western, sans dentelle. Car les digressions anticipent souvent une violence brève, éruptive, brusque. Y a peu de tchatche possible. C'est du brutal. "La marche des vertueux" est semée d'obstacles. La mort de Vince est réglée en 20 secondes. Il n'y a pas d'action, finalement. Tarantino aime autant mitrailler de mots que de balles. Le cadre reste statique.
Cette schizo lui permet de n'avoir présenter que 4 des vedettes en 20 minutes! Mieux, il ne fait apparaître Keitel que 20 minutes avant la fin. Comme pour mieux faire saliver son public sur une promesse de rebondissements. Il n'y en a pas, puisque la narration, dopée à l'humour, désamorce tout suspens au profit d'une moralité à deux balles (le fric ou la mort). Alors, il distille ses vedettes au compte goutte comme pour nous rendre accro à ces histoires de misérables êtres déjantés.

Dans cette série noire où le café est servi à volonté et les hamburgers bien dégoulinants, la Bible sert de justification aux meurtres, les conversations de cul meublent les silences pesant, et on peut bêtement crever aux chiottes. L'audace est davantage dans le fait de prendre les films hollywoodiens à contre-courant que dans son originalité, factice et frimeuse. Outre cette notion de temps et un découpage patient et complexe (vertigineux comme un grand huit), Tarantino impose un vocabulaire politiquement incorrect (nègres, yuppies, pédales), une violence urbaine entre réalisme et lyrisme (du gros plan de la seringue d'héro au plantage "farce" de celle d'adrénalyne), et parsème son film de quelques détails pas franchement glamour (les pieds sales de Thurman). Chaque séquence est un court métrage en soi.
Parfois, ça scotche. Hommage déguisé aux années 50 - la bagnole reine, le resto-parc d'attraction rempli de sosies d'icônes pop art -, le film est à l'image de ce resto : une reproduction infidèle, inexacte mais reflétant bien l'esprit de ces années rock. Le personnage d'Uma est même surnommé Peggy Sue, qui renvoie au film de Coppola sur un voyage dans le temps vers cette époque.

Pulp Fiction n'est pas le film le mieux maîtrisé du bonhomme. Jackie Brown est cinématographiquement plus abouti et Kill Bill est artistiquement son plus beau film. Le charme que Pulp insuffle provient finalement de cette overdose verbale et cette surcharge de références, de gros plans et de délires trashs. Quitte à nous saouler. Il tisse un lien avec ses autres films en citant de nouveau Madonna période pré-virginale, en habillant Michael Keaton comme il fringue Willis, ou en racontant le pilote que Mia (Thurman) a tourné - composé de 5 filles qui combattent la mafia : une black, une asiat, une blonde, une frenchy et elle-même.

Le scénario se déroule sur une journée. Mais sauve in extrémis son "héros". Nous quittons Travolta vivant, alors qu'il mourra quelques heures plus tard. L'ironie de la vie est manipulée par ce film qui dès le départ souhaitait nous embrouiller les souvenirs, et nous contraindre à le revoir. Le film aurait du se terminer sur Willis et De Medeiros fuyant cette ville de fous. La fin, l'impression laissée par le film, auraient été différentes : plus sensible, plus optimiste. Mais ça aurait été un autre film - d'ailleurs Tarantino avait pensé confier chaque segment à un cinéaste différent.
A défaut d'avoir convaincu avec sa propre recette, il a su nous vendre sa cuisine. Bluffante. Comme cette mallette : énigmatique, nous renvoyant à notre propre imaginaire. Dont on se fout du contenu. La vérité est ailleurs.

-Vincy 

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