Berlinale 2019 : Öndög de Wang Quan’an, love me tender en Mongolie

Posté par MpM, le 9 février 2019, dans Avant-premières, Berlin, Festivals, Films.

Le cinéaste chinois Wang Quan’an est un habitué de Berlin, où il a remporté l’Ours d’or en 2007 avec Le mariage de Tuya, et présenté notamment Apart together en ouverture en 2010. Son nouveau film, Öndög, s’inspire des vastes espaces de la Mongolie extérieure où il a posé sa caméra pour raconter une histoire d’amour singulière, bercée par l’atmosphère propre au lieu.

La première séquence nous met sur une fausse piste. Une voiture parcourt la steppe de nuit. En vue subjective, on découvre le paysage à peine éclairé par les feux du véhicule. En voix off, deux hommes parlent de choses sans réelle importance, jusqu’à ce qu’ils découvrent sur le sol le corps nu d’une femme sans vie. Nous voilà donc plongés dans une atmosphère de polar, qui se dissipe pourtant quand il devient évident que la résolution du crime ne sera pas le sujet du film.

Un pas de deux dans les steppes

Dans des plans larges d’une grande beauté plastique, semblant souvent observer les personnages de loin, le cinéaste alterne l’humour et la poésie, faisant se succéder autour de cette femme morte des policiers maladroits, une jeune recrue zélée, une mère louve affamée, et une bergère à dos de chameau qui vit seule à 100km de son plus proche voisin. C’est elle qui se révèle peu à peu la véritable héroïne du film, femme à poigne qui manie habilement le fusil et le couteau, même si elle ne manque pas une occasion de faire appel à un berger qui ne pince pour elle lorsqu'elle a besoin d'aide avec son bétail.

Ce qui se joue entre ces deux-là est entre séduction et rejet, complicité et ironie. Dans cette steppe aux ciels flamboyants, ils se sentent comme deux dinosaures en voie d’extinction, tentés de conjurer leurs efforts pour ne pas disparaître.

Le rythme lent et contemplatif du film n’empêche pas le réalisateur de jouer sur les cadres et les mouvements à l’intérieur de l’image pour créer une forme de fantaisie burlesque qui tient à la fois de la magie et de l’ultra-quotidien. On retient notamment le soleil couchant sur la steppe qui baigne le paysage d'une lumière irréelle, et les chorégraphies joyeuses du jeune policier autour de la dépouille de la défunte, sur fond de Love me tender susurré par Elvis.

Célébrer la vie

Ce réalisme magique, à l’unisson de la mystérieuse steppe mongole, dépositaire de tant de secrets et de traditions, apporte un charme indéniable à Öndög, qui excelle à jouer sur son ambiance épurée pour laisser le spectateur aux prises avec ses uniques sensations, sans cesse surpris par le vent de liberté qui flotte sur cette steppe bienveillante où tout semble délicieusement permis, et par le tour inattendu que prend le récit.

Plus que la mort qui rôde dans la première séquence, c'est bien la vie, sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions, qui est ainsi célébrée au coin du feu, à la lumière des lampes frontales, en partageant une bouteille ou l'expérience d'aider un agneau à naître. Etincelle vitale contre pulsion destructrice, remède classique mais ô combien efficace pour conjurer le mauvais sort, et remettre l'extinction à plus tard.

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