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 Gênes et rations X
 
Puisque les gouvernements semblent hésiter et que les philosophes tentent d'éviter le sujet, le cinéma, et la littérature, s'en sont emparés : la manipulation génétique apparaît comme étant le problème existentiel auquel sera confronté l'humanité durant ce nouveau siècle.Pas besoin de lire Wells, Houellbecq ou Dantec. Dans des registres très variés, de nombreux réalisateurs se sont attaqués aux conséquences de la bio-génétique et autre mutation de l'ADN et transformations de la chair. Existenz (un trou au dessus du cul), Hollow Man (pas de corps, mais une libido visiblement déjantée), Jurassic Park (pour les dinosaurophiles), Face/Off (un lifting intégral), Nutty professor (régime radical), Matrix (tout est psychique aurait dit Freud), ou encore X-Men (la raison de cet édito)... tous prennent une modification génétique comme prétexte à rire, crier, sursauter ou encore réfléchir...
 Car on peut regretter l'absence de débats, de discours, d'idées 
        sur les effets du clônage humain ou l'impact des technologies sur 
        le corps humain. Il y a les naïfs moralistes qui pointent un code 
        de déonthologie devant les impertinents, tel le crucifix protège 
        d'un vampire. Et on contourne le sujet, fier d'avoir été 
        un esprit éclairé par la raison. A défaut de solutions. 
        Ou on se prône fatalistes et au dessus de tous, en pensant que les 
        évolutions et la science sont des avancées inéluctables, 
        quitte à créer des excès monstrueux.
 Jacques Attali me disait il y a 4 ans, dans un autre webzine datant de 
        la préhistoire du web, qu'il fallait assimiler le clônage 
        avec le jumellage. Que notre clône ne serait pas plus inquiétant 
        que notre jumeau. Quel droit aura-t'il? Dans quel but le produire? Pour 
        des raisons médicales uniquement? Se laissera-t-il utiliser comme 
        simple stock d'organes dans ce cas? Certes la recherche dans ce domaine 
        sert à faire avancer la médecine. On connaît de mieux 
        en mieux notre code génétique. Mais cette recherche est 
        née dans d'affreuses circonstances, tant chez Hitler que du côté 
        nord-américain, durant la seconde guerre mondiale. Les objectifs 
        étaient clairement militaires... On peut aussi remarquer que le 
        dopage pour les sportifs en font des sur-homme, dignes de super-héros. 
        Tout cela est bien actuel.
 Face à cette évolution de l'être humain (moins de poil, plus grosse tête, meilleure connaissance de ses capacités), la science et l'imagination de l'homme (les chercheurs sont très proches des artistes en cela : créatifs, au dessus des lois, visionnaires parfois) inventent  l'être humain de demain. On se rapproche des mangas et de Blade Runner, espèce hybride mi-animal intelligent, mi-technologie nouvelle. Et cela au nom de réponses à trouver pour compenser nos faiblesses d'eau, de peau et de sang. Il n'y a pas de code déonthologique mondial pour la génétique. Pas d'éthique universelle.Les motifs varient selon les hommes qui font avancer ces prodigieuses découvertes.
 La science-fiction, que ce soit à l'époque de Vinci ou de Verne, n'est que l'anticipation d'un objectif purement fictif qui, inconsciemment ou consciemment, guide leurs héritiers, simples applicateurs.
 C'est en cela, qu'X-Men est un film "intelligent", à la fois distrayant et fascinant, posant de nombreuses questions, sans y répondre forcément, comme Matrix l'an dernier. Quel camp choisiriez-vous? Les gentils du professeur Xavier, ces mutants dont les dons sont davantage psychiques et naturels, ou ceux de Magneto, plus animaux, plus physiques...
 Ou plus précisément : si notre espèce générait 
        des mutants, des hommes et femmes, certes différents, plus puissants, 
        mais nos semblables émotionnellement, physiologiquement... quel 
        camp politique vous conviendrait? Magneto, victime des camps de la mort, 
        dit que l'humanité n'acceptera jamais les mutants : à cette 
        exclusion, il prône un métissage obligatoire qui forcerait 
        l'humanité à évoluer en mutant et à devenir 
        l'égal d'un X-Man. Cette tyrannie ressemble fort à ce que 
        voulait faire Hitler (tout le monde devait devenir aryen) tout en se collant 
        à un discours raisonné (pourquoi les mutants seraient une 
        race discréminée?). A Magneto, s'oppose le Professeur Xavier 
        qui cherche un espoir, celui que l'humanité apprendrait à 
        vivre en paix avec des X-Men, des surdoués dotés d'une force 
        supérieure; ce rêve humaniste n'est-il pas dangereux pour 
        ceux qui seront du coup plus faibles, les Hommes.
 Finalement, comment viverions-nous avec des hommes et des femmes au code génétique modifié, aux pouvoirs physiques ou psychiques amplifiés; quels seraient les conséquences psychologiques, relationnelles, politiques, économiques pour l'Homme? A défaut d'Homme Nouveau (terme trop fasciste pour être accepté dans ces lignes), il serait temps, qu'après une excellente séance de cinéma, l'homme réfléchisse à nouveau à son futur, et à ses jeux interdits.
 Si X-Men ne prend partie, en vue d'une suite clairement téléphonée, 
        on aimerait entendre les futurs décideurs de tous les pays exploiter 
        un filon qui touche au plus profond de notre existence : de notre spiritualité 
        à notre corps, de nos relations humaines à nos instincts. 
        Encore une fois, l'Art (et la Science) sont précurseurs.
 
VCT / 14/08/00
 
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