Hollywood Open Minds (1)
" Les nouveaux produits de la nouvelle culture mondiale sont moins des
biens que des images contribuant à créer une sensibilité planétaire,
véhiculée par des logos, des stars, des chansons, des marques et des
jingles. Les rapports de force deviennent forces de séduction ; l'idéologie
se mue en une sorte de "vidéologie" presque irrésistible "
Benjamin R.Barber, Directeur du centre Whitman, U.S.A.,
Le Monde Diplomatique, août 1998.
Pas d'influence du cinéma, de la télé et des jeux vidéos sur le jeune public.
Non, non. Du tout, du tout.
Pas la moindre influence.
Puisque j'vous l'dit !.
Le cinéma par exemple. Grâce en partie aux multiplexes qui poussent aussi
vite que des villes nouvelles en proche banlieue, nous devons faire face
depuis quelques temps à la mode des teens movies : des films pour ados
post-pubères qui se prennent pour des adultes en s'amusant à se faire peur
ou à se croire intelligents.
Ces films se divisent en différentes familles.
La famille des " Mégagénial, ça saigne !! " (c'est l'âge !...) avec des
films comme the faculty ou scream. La famille des " Oh cool, du sexe !!"
(c'est aussi l'âge !...) avec les sexe intentions, sex crimes, jawbreaker
et autres college attitude. Et enfin la famille des " putain, y' a de
l'action ! " avec les Armageddon, ID4, Godzilla, Deep Impact, et autres Van
Dammeries !
Au-delà de leur nullité terrifiante, il existe une véritable synergie entre
la mode de ces films (leurs jeux vidéos, leurs B.O...) et le comportement
du public ado. La fiction et la réalité se nourissent mutuellement.
Identification totale. Plus que totale même. On peut parler de phénomène de
mimétisme !
L'on peut aperçevoir des spécimens de ce phénomène, le plus souvent en
grappe, aux terrases de café ou dans leur Ford fiesta version sport,
fenêtre ouverte et musique à fond. De la cruche habillée comme les pétasses
de Friends ou de Classe mannequin et qui se la joue femme fatale de 30 ans,
au frimeur de bac à sable qui porte les lunettes de soleil Matrix et qui
arbore connement son téléphone portable comme s'il tenait sa bite,
attendant l'inattendue érection sonore d'un appel ; c'est un peu ça la
college attitude : un frime business qui consiste à s'habiller avec des
marques quitte à ressembler à un panneau publicitaire ambulant, à
travailler sa gestuelle, sa démarche, sa manière de parler, à se focaliser
sur des détails physiques. En un mot, à construire son style (prononcé à
l'anglaise !) : le culte de l'apparence et du nombril, le vide cérébral en
prime...
Ces ados sont souvent fans des films précités : ils s'y retrouvent !
Le même schéma : scénarios débiles où chaque scène d'action en appelle une
autre quart d'heure à l'avance, accumulation de clichés et d'effets, personnages artificiels, histoire sans consistance ni enjeu existentiels,
gratuité des actes artifice des gags, etc...
Il existe entre tous ces films une continuité de propos qui accompagne le
spectateur dans son quotidien, imposant un modèle de pensée des plus
infantilisants basé sur des codes de représentation récurants. C'est
d'autant plus efficace qu'il vise un public jeune nourri quotidiennement de
téléfilms et de jeux vidéos et donc entièrement acquis à la cause du
divertissement maximal.
Tout irait pour le mieux si seule la tranche d'âge visée par ces produits,
les 13-18 ans, allait les consommer. Malheureusement on constate beaucoup
de spécimens de la tranche d'âge supérieure, les 25-30 ans dans les files
d'attente et les salles de ces teen movies. Grands enfants, adolescents
attardés ou adultes immatures ? Un peu tout.
Ces types de films prédigérés pour les estomacs de la génération fast food ne démontrent hélas qu'une
chose : l'extrême vacuité d'une jeunesse en manque de sensations fortes et
qui, faute de ne pouvoir s'affirmer dans la vie de tous les jours, assouvit
ses fantasmes par procuration. Là où le cinéma ne devrait être qu'un
divertissement, il devient, pour certains, un palliatif. Mais le palliatif
n'est pas un exutoire.
Et on sait que si l'image, qui n'est rien d'autre qu'un fantasme projeté
sur une toile, est mal digérée, elle peut chez les esprits faibles servir
de déclencheur pour un passage à l'acte...
Dernièrement, l'Académie des pédiatres américains a annoncé dans un
communiqué officiel qu'il fallait éviter de laisser les enfants entre 0 et
2 ans regarder la télévision, et cela pour leur équilibre général, leur
développement cérébral, les parents devant être les premiers
interlocuteurs. Sans blague !!!
Et Clinton qui vient d'ordonner une étude gouvernementale sur les pratiques
de marketing de l'industrie du cinéma destiné aux jeunes...(2).
Pas d'influence que j'vous dis.
Puis - que - j'vous - l'dit !!
(1) dernière accroche publicitaire de Hollywood chewing gum
(2) Olivier Mauraisin, supplément télévision du Monde du 1er- 2 Août 1999
CLC / 05/08/99