Le Conteur
ERIC ROHMER


FILMO

1998 - Conte d'automne
1996 - Conte d'été
1995 - Les rendez-vous de Paris
1992 - L'arbre, le maire et la médiathèque
1991 - Conte d'hiver
1989 - Conte de printemps
1987 - L'ami de mon amie
1986 - Quatre aventures de Reinette et Mirabelle
1985 - La rayon vert
1984 - Les nuits de la pleine Lune
1982 - Pauline à la plage
1981 - Le beau mariage
1980 - La femme de l'aviateur
1978 - Perceval le Gallois
1975 - Die Marquise Von O (La marquise d'O)
1972 - L'amour l'après-midi
1970 - Le genou de Claire
1969 - Ma nuit chez Maud
1967 - La collectionneuse
1963 - La carrière de Suzanne
1962 - La boulangère de Monceau

Prix
Osella d'Or du meilleur scénario original pour Conte d'automne
à la 55e Mostra de Venise



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BIOgraphie
par Christophe Train

Réservé, secret, Jean-Marie Maurice Scherer a été professeur de lettres avant de se consacrer au cinéma. A partir de 1948, il écrit dans diverses revues dont Les Cahiers du Cinéma où il se lie avec les Jeunes-Turcs de la critique, les Truffaut, Godard et autres Chabrol. L'un d'eux, le romancier et bientôt scénariste Paul Gégauff le décrit avec humour : "Rohmer, c'est un honnête, un intègre, très prof".

Le "prof" entre le premier dans la carrière, réalisant, en 1950, Journal d'un scélérat, un court métrage. En revanche, il rate le départ de la "Nouvelle Vague" : Le Signe du lion, tourné en 1959 mais sorti en 1962, demeure confidentiel. Eric Rohmer doit attendre 1967 et le succès, public et critique, de La Collectionneuse pour connaître la notoriété de ses cadets. Devenu célèbre, il est toujours aussi discret. A l'évidence, l'homme entend s'effacer derrière le cinéaste et laisser son oeuvre s'exprimer pour lui : "Au fond, je ne dis pas, je montre, je montre des gens qui agissent et parlent. C'est tout ce que je sais faire, mais là est mon vrai propos".

Contes moraux.
"Tandis que le narrateur est à la recherche d'une femme, il en rencontre une autre qui accapare son attention jusqu'au moment où il retrouve la première". C'est ainsi que Rohmer résume le sujet de ses six Contes moraux : La Boulangère de Monceau (1962), La Carrière de Suzanne (1963), La Collectionneuse (1967), Ma nuit chez Maud (1969), Le Genou de Claire (1970) et L'Amour l'après-midi (1972). Dans ce dernier, le narrateur, Frédéric/Bernard Verley, est plus que jamais amoureux de sa femme Hélène/Françoise Verley. Dans un contexte social et religieux où la monogamie est la règle, Frédéric se prétend comblé : "En étreignant Hélène, j'étreins toutes les femmes ; je rêve que je les possède toutes". Et, pourtant lorsqu'il retrouve Chloé, l'amie d'autrefois, il se prend à envisager "vivre deux vies en même temps" avec l'épouse et avec la maîtresse. "Je rêve d'une vie qui ne soit faite que de premières amours et d'amours durables ; c'est dire que je veux l'impossible". Aussi Frédéric revient-il vers Hélène, au nom de principes moraux qui condamnent la polygamie. Et ainsi ont fait, avant lui, les personnages des Contes moraux. Heureux, sages, ou résignés ?
Comédies et proverbes.
"On continuera à parler beaucoup dans ces Comédies. On essaiera moins d'établir une attitude morale que des règles pratiques. On n'y débattra plus guère des fins, mais des moyens..." (Eric Rohmer). De La Femme de l'aviateur (1981) à L'Ami de mon amie (1987), le cinéaste observe, avec l'apparent détachement du scientifique, les errances d'une jeunesse à la recherche de repères moraux sur une carte du Tendre dont la société a perdu la boussole. "Il ne faut pas chercher à connaître une époque par ce qu'on en dit. A mon avis, on la connaît d'autant plus si l'on s'attache au particulier et non au général. En prenant des gens qui vivent maintenant, ils sont forcément situés dans le présent, mais également dans l'éternité, dans l'immuable, parce qu'il y a des soucis qui ont toujours existé" (Eric Rohmer).
Le rayon de la lune.
De ces soucis, La Marquise d'O (1976) et Perceval le Gallois (1979) avaient dit la permanence d'hier à aujourd'hui, au coeur du Moyen Age comme au début du XIXe siècle. Le prétexte en est "tout simplement cette chose totalement imprévisible qu'est l'amour" et dont "le feu doit prendre tout de suite, comme par surprise" (Marion/Arielle Dombasle, Pauline à la plage, 1983), ou se révéler "profond et durable parce que comme la vie [il] est dans le temps (Pierre/Pascal Greggory) ; l'amour dans lequel entre "une part de volonté" (Sabine/Béatrice Romand, Le Beau mariage, 1982) alors que pour Louise et Rémi (Pascale Ogier et Tchéky Karyo), à l'inverse, il apparaît et disparaît Les Nuits de la pleine lune (1984), comme si l'astre de la nuit était le seul maître du destin des hommes.

L'amour dont l'absence condamnerait Delphine (Marie Rivière) à la solitude si n'apparaissait à l'horizon de l'infini Le Rayon vert (1986), dont la fulgurante lumière impose le silence aux morales, aux certitudes, aux proverbes, à tous ces dérisoires remparts de mots qu'érige l'être humain pour se protéger de l'inconnu. Un silence semblable à celui de L'Heure bleue qu'attendent la fille des champs et celle des villes (Joëlle Miquel et Jessica Forde, Quatre aventures de Reinette et Mirabelle, 1987), entre la nuit et l'aube, lorsque, dans la paix de la nature, tout paraît possible, même le bonheur.

 
 

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