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PORTrait
par Chris et Vincy - Mai 1999 / Mai 2003 L'année 1999 sera marquée par le retour en force d'un homme. Cet homme qui exerce ses talents d'acteur, réalisateur et producteur dans le cinéma depuis plus de trente ans fut également journaliste et humoriste. Un homme brillant et curieux qui a toujours eu un humour sarcastique sur notre société. Au point d'en faire une chronique chaque matin sur RTL, mélange d'absurde et d'humour pince sans-rire. Ce personnage atypique, et fainéant de son propre aveu, c'est Jean Yanne. Pour mieux comprendre qui il est, il faut revenir sur son passé. Le petit Jean Gouyé (c'est son vrai nom) est né dans une famille d'ouvriers en 1933, une mauvaise année. Enfant, on disait de lui qu'il était un enfant très calme. Mais avec l'arrivée de la guerre, son père est fait prisonnier, son oncle a été raflé. En ce qui concerne sa scolarité, le petit Jeannot ne se découvre aucun goût pour les études. De fait, à l'armée, on lui indique qu'il a un Q.I. de 21! Pourtant, il se retrouvera tout de même au Centre de Formation des Journalistes (rue du Louvre, Paris). C'est là que sa vie va commencer à changer... Grâce à une rencontre fortuite, il va rentrer très vite dans le monde du spectacle avec sa bouille d'enfant de choeur, qui trace des graffiti dans les confessionnaux. Des sketches au ton sarcastique qu'il avait écrit l'amènent au cabaret, puis à la radio et à la télévision, notamment avec Jacques Martin. Mais ce bougon s'ennuie. Aussi, le cinéma lui lance un appel auquel il répond sans hésiter. De Godard à Pialat, de Chabrol à Lelouch, il affronte les plus grands. Son premier film marquant sera Week-end (1967), de Jean-Luc Godard, qui saura utiliser à merveille sur le côté "râleur" de Jeannot. En 1972, il tourne avec Pialat Nous ne vieillirons pas ensemble, une oeuvre autobiographique du réalisateur. Un tournage qui ne se passera pas si bien autant avec le cinéaste qu'avec son épouse, conseillère technique. Pourtant, ce film lui apportera un Prix d'interprétation à Cannes, le troisième attribué à un Français depuis les débuts du festival. 1972 sera aussi l'année à partir de laquelle Yanne choisi de se mettre en scène lui-même, afin de faire partager sa vision sur la société. Il persifle la radio publicitaire (Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil qui remporte un énorme succès), ou les méthodes du capitalisme qu'il retourne contre le capitalisme (Moi y'en a vouloir des sous). Puis, en 1973, il réveille la cohorte des vieilles idées réactionnaires sur le péril jaune pour illustrer une parodie d'occupation de la France (Les Chinois à Paris). Par la suite, il dirige ses flèches satiriques contre le monde du spectacle (Chobizenesse, 1975) et les variétés télévisées (Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, 1978). Son humour acerbe porté sur les phénomènes de masse contemporains laisse présager, un temps, un renouvellement du cinéma comique. Il se contente en fait de faire l'éloge du système D, d'un esprit fort (le sien puisqu'il est aussi acteur dans ses films) méprisant le commun des mortels. Dès lors, il est considéré comme une sorte d'anarchiste de droite, cristallisant, d'ailleurs, un certain mécontentement de la clientèle du pouvoir, non décidé à opter pour la gauche. Il fut pourtant traîné dans la boue par de nombreux critiques, même si le public a toujours été présent à ses côtés. En 1982, Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ a tout de même fait 390.000 entrées à Paris la première semaine! Jean Yanne était abonné aux rôles de salauds mais n'a rien pu faire contre l'affection d'un public large et fidèle, et contre le succès. Dans les années 1980, ce pourfendeur du capitalisme s'exile même à Los Angeles pour des raisons fiscales. Il y monte la société Cinequanon qui gère la logistique pour les tournages cinématographiques français aux Etats-Unis. C'est évident: "Je vis à Hollywood parce que je suis dans le showbiz. Si j'étais dans le nougat, je vivrais à Montélimar". Pour renflouer ses entreprises calamiteuses de producteur-réalisateur, l'acteur est toujours là, avec son sourire d'imprécateur sentimental qui aimerait tant que la farce de la vie soit bonne. Ainsi, Yanne, en 1986, est un atout parmi les atouts du film de Michel Deville, Le Paltoquet, et en 1987, domine sa lassitude chaleureuse Attention bandits de Claude Lelouch. Quelques films plus loin, Yanne a arrêter la réalisation mais poursuivi la comédie. Tout récemment, on l'a vu malmener son ex-épouse Catherine Deneuve dans Belle-maman (de Gabriel Aghion) ou jouer le petit escroc avec Guillaume Canet dansJe règle mon pas sur le pas de mon père (de Rémi Waterhouse). Ainsi, de Que la bête meure à Hygiène de l'assassin, Jean Yanne a interprété beaucoup d'ordures ou de salauds, avec un certain cynisme jubilatoire. Et ce qui a souvent amené les metteurs en scène à le choisir pour ce type de personnage, cela vient sans doute de sa voix, de sa corpulence, de sa tronche... Le cinéma français en use et en abuse, de la comédie sentimentale (Vertiges de l'amour) à la grosse production (Le Pacte des loups). Mais Jean Yanne est avant tout un acteur placide. A 69 ans, Jean Yanne nous tire sa révérence. Sa voix bourrue nous aura malmenés pendant près de 40 ans: grinçant, fort en gueule, d'une agressivité presque réjouissante... |
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