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Retour au jardin d'eden
Ce passionné de jardinage n'a pas survécu à l'hiver 2002, après 81 printemps (il est né le 19 mai 1921 dans la douce région d'Angers).
Breton affirmé, amateur de poésie, il doit son succès autant à la télévision, qu'au théâtre et au cinéma.
Gélin a décidé d'être comédien à 17 ans. Cours Simon, Conservatoire, il croise Jouvet et débute au cinéma en 39 avec Miquette, de Jean Boyer.
Son physique avenant, et même séduisant, va vite en faire un jeune premier idéal pour un cinéma français qui aime les jolies gueules. Il enchaîne donc quelques films : Premier Rendez-vous, avec Darrieux, L'Assassin habite au 21 avec Fresnay, Lucrèce avec Feuillère.
Il tourne pour Decoin, Clouzot, Allégret. Et rencontre Danièle Delorme, qu'il épousera et avec qui il aura un fils, Xavier (réalisateur et producteur). Delorme épousera en seconde noce un réalisateur disparu récemment, Yves Robert.
Jacques Becker (Rendez-vous de juillet, Edouard et Caroline) puis Max Ophüls (La Ronde, Le Plaisir) lui ont donné ses premiers grands rôles où le regard intense, la beauté physique lui permettent de marquer les esprits. Nous sommes au début des années 50. Il joue admirablementle jeune amant fougueux, le râleur aimant, la comédie comme la tragédie. Il arrive comme un chien dans un jeu de quilles, au milieu de personnages bourgeois.
Mais Gélin est un homme de culture. Au théâtre il jouera du Molière comme du Moravia. Au cinéma, il fait face à Pierre Brasseur dans l'adaptation des Mains Sales de Sartre. Il sera des aventures de Cocteau sur les planches et dans Le Testament d'Orphée.
Il réalisera aussi : Les dents longues est un scénario d'Audiard et de Camus! Avec Louis Seigner et Delorme. Il ne se refuse aucun genre, aucun style, et, avec gourmandise, travaille énormément. Il tournera ainsi pour Guitry, Duvivier, Verneuil, et même Hitchock (L'Homme qui en savait trop où il meurt poignardé sur la grande place de Marrakech). Avec Morgan, Moreau, Bardot... Il traine ainsi cette image de tombeur romantique.
Daniel Gélin accepte toujours les petits rôles dans des grands films (Le jour le plus long, Compartiment Tueurs, Paris brûle-til?). Mais en 65, sa vie va être transformée. Par le petit écran.
Il devient le mari de Micheline Presle, bougon mais affectueux, français moyen par excellence, dans une sitcom culte : Les Saintes chéries. 39 épisodes durant 3 saisons qui en font un monument du patrimoine audiovisuel. Et un fidèle de la télé. On le verra dans des téléfilms (Le Crime, Maigret) ou dans des séries (Madame le Proviseur, Marc et Sophie) ou même des émissions (Les Nuls) et des épiosdes (Arsène Lupin).
Ce va et vient entre les formats est très rare en France. Il a su, pour pallier une carrière cinématographique sans doute trop peu satisfaisante, en faire un véritable atout.
Il pouvait jouer Anouilh, Sartre, Havel, Simenon sur les planches. Et accepté des personnages de comédie pour Yves Robert (Nous irons tous au Paradis) ou Claude Lelouch (Itinéraire d'un enfant gâté). Il passait du Souffle au coeur de Malle à La Nuit de Varennes de Scola. Parlant l'anglais, on le retrouvait dans des éries B ou des téléfilms américains. Un répertoire aussi volumineux qu'intéressant.
Ces dernières années, il était aussi présent dans les magazines pour ses conseils en jardinage que sur les grands écrans. Les Marmottes avaient eu un certain succès. Les Nuls l'avaient panthéonisé dans le registre du rire culte, en projectionniste assassiné (La Cité de la peur).
Mais rien ne vaudra Chatilliez qui lui aura faire dire et répéter la phrase de sa vie, la réplique inoubliable, qui montrait tout le génie de Gélin dans le jeu à plusieurs degrés. "Ah la salope. La salope. Mais la salope." Un véritable exercice de diction à la Queneau.
Delorme, à l'annonce de sa mort, se rappelait : "C'était une merveille de drôlerie cet homme, il avait un humour extraordinaire et ça, c'est un cadeau du ciel pour tous ceux qui l'ont connu et aimé. Il était tellement amoureux de la vie, amoureux de la famille et des enfants: c'était un homme qu'on ne pouvait pas ne pas aimer et il le savait trop d'ailleurs et il en profitait."
Vincy / 29.11.02
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