| | |
|
LE DERNIER METRO Le film aux 10 Césars. Un trio magique.
|
|
Sortie en France en 1980
Production: Les films du Carrosse, Sédif prod., TF1 Films
Réalisation: François Truffaut
Scénario: François Truffaut, Suzanne Schiffman, Jean-Claude Grumberg
Photographie: Néstor Almendros
Musique: Georges Delerue
Montage: Martine Barraqué (133 minutes)
Casting:
Catherine Deneuve (Marion Steiner)
Gérard Depardieu (Bernard Granger)
Heinz Bennent (Lucas Steiner)
Jean Poiret (Jean-Loup Cottins)
Andréa Ferréol (Arlette Guillaume)
Paulette Dubost (Germaine Fabre)
Jean-Louis Richard (Daxiat)
Maurice Risch (Raymond Boursier)
Sabine Haudepin (Nadine Marsac)
|
HISTOIRE
L'occupation Allemande chamboule les habitudes des Parisiens. L'électricité est aprfois coupée. Et il ne faut surtout pas manquer le dernier métro. Pour un théâtre, il faut aussi ajouter la censure, les critiques des journalistes collabos, et la chasse aux Juifs. C'est dans ce cadre que Lucas Steiner, célèbre dramaturge, s'enfuit.
Il laisse le théâtre à sa femme, la belle Marion, éloignée des plateaux de cinéma, obligée de diriger son petit monde, d'être dure quand elle aimerait juste s'abandonner.
D'autant qu'elle n'est pas insensible au charme de la nouvelle recrue, le doué Bernard Granger.
CRITIQUE
LES TROIS COUPS
Il ne sert pas à grand chose de s'apesantir sur une telle oeuvre. Certes, on s'étonnera toujours que Truffaut ait réalisé un film à ce point classique, si peu cinématographique. Et pourtant tellement cinégénique. Car l'alchimie est parfaite.
En un quart d'heure, le cinéaste place tous ses éléments. Paris occupé, un théaâtre, une pièce à répéter sans son metteur en scène (en fuite), un nouvel acteur et enfin le coeur de tout ceci, de Paris, du théâtre, des désirs de cet acteur et de l'amour du metteur enscène : une femme.
Car tout ce film ne raconte que la fascination du metteur en scène pour un idéal féminin, incarné à la perfection par son modèle, Deneuve, toute en dureté et en fragilité. La voix cassée, à certains moments. La voir est un plaisir mais c'est aussi une souffrance car elle semble inatteignable. Marion Steiner, son personnage, attise les regards de Paris, de son public, des hommes qui rodent autour d'elle. A travers elle, toute la faiblesse masculine se révèle. Bestiale chez Depardieu, cérébrale chez Bennent, amicale chez Poiret.
Truffaut en profite pour dénoncer une France nausabonde et dévoiler les prémices de la Résistance. Depardieu s'offre le beau rôle du héros, romantique et fougueux. La façon qu'il a de prendre Deneuve contraste avec la douceur trop sensuelle, mais admirablement érotique, de son mari. Mais le cinéaste en profite aussi pour filmer, avec passion, le Théâtre. Etrange paradoxe pour ce fou de mouvements. Il soigne le cadre et la lumière, impose une musique académique et s'enferme dans un huis clos. le film ne s'éère jamais. Les plus grands espaces sont aussi les plus terrifants : le QG des Allemands, l'hôtel où réside Marion... Elle s'y fait toujours harceler. Tandis que ce théâtre est un cocon rassurant, protecteur. De la cave aux escaliers, tout semble à l'étroit. A l'instar des sentiments (étouffés) qu'éprouve le personnage de Catherine Deneuve.
Cette allure factice contribue à un cinéma plus Bergmanien, où les duels ne sont que ceux des mots, des visages, des regards. Cette mise en scène de la mise en scène n'est surtout que l'illustration et la traduction de la vie qui traverse ces personnages ballotés par les tourments de l'histoire : la leur et celle qui les entoure. Au point que les textes des pièces se confondent avec les pensées intimes, les non dits et les désirs refoulés.
En trois coups - Deneuve, Depardieu et le Théâtre, Truffaut signe avec maestria son oeuvre la plus immobile, la plus référencée, la moins originale. Mais aussi la plus belle. Jusqu'à se perdre dans cette fin ouverte à tous nos fantasmes.
(Vincy)
BUZZ
10 Césars. Sur 12 nominations. André Férréol et Heinz Bennent sont les suels à être repartis bredouilles. Il faudra attendre Cyrano pour égaler le score. On ajoute une nomination à l'Oscar et au Golden Globe du meilleur film étranger, et un Donatello de la meilleure actrice étrangère pour Deneuve.
Lorsque le film sort en 80, c'est l'occasion d'un sacre pour l'actrice. Le Truffaut devient son plus gros succès populaire, battant Benjamin ou les mémoires d'un puceau, son plus gros hit à cette date là. Il faudra 22 ans pour que Deneuve fasse mieux, avec 8 femmes.
C'est aussi la seconde collaboration avec Truffaut, 11 ans après La sirène du Mississipi. C'est aussi la deuxième fois qu'elle joue face à Depardieu, qui débute ainsi sa décennie flamboyante, un an après Je vous aime.
Le rôle de Marion Steiner a été écrit pour Deneuve. Truffaut voulait la voir en objet de désir, mais surtout en femme de tête, entre séduction et sérieux. Dans Elle il y a peu de temps, elle revenait sur ce film : "entre Depardieu, si féminin, et Truffaut, si pudique, j'avais presque l'impression que c'était moi, le garçon."
C'est aussi là qu'elle prend conscience de sa répulsion pour la scène. Au delà du trac, elle ne prend aucun plaisir à tourner ces scènes, face à un public de figurants.
Mais au moins, la voilà enfin reconnue. On la voit comme une actrice, et non plus une simple figure esthétique. Mieux, les rôles qu'elle aura par la suite, chez Téchiné, Corneau, Mocky, lui permettront d'orienter sa carrière différemment. Clairement, il y a un avant et un après. Ses personnages sont bien plus passionnants depuis 1980.
|
|
|