Signé Téchiné Interview parue dans Studio Magazine, Septembre 1996
A l'occasion de la sortie des Voleurs, le réalisateur s'est épanché sur sa carrière et les acteurs qui ont façonné ses oeuvres. Avec Deneuve il a tourné en 81 Hôtel des Amériques, drame qui compte parmi ses plus beaux films. En 86, elle livre sa passion pour Le Lieu du Crime, qui sera présenté à Cannes. Après un film au Brésil qui n'arrive pas à trouver son financement, l'actrice retrouve Téchiné pour Ma Saison Préférée. Ce film est celui qui a attiré le plus fort concensus: public comme critiques sont unanimes. Enfin André Téchiné reprend ce couple Auteuil-Deneuve pour un policier à la narration spéciale. Les Voleurs est sorti le 21 aout 1996 à Paris. Les droits pour les USA ont été achetés par Sony Pictures pour une sortie prévue en décembre 1996. Hôtel des Amériques c'est aussi votre première collaboration avec Catherine Deneuve... La première image de Catherine, ce sont les films de Demy ou de Bunuel. Je rêvais d'avoir un jour CATHERINE DENEUVE devant ma caméra. La rencontre s'est faîte par l'intermédiaire de Gérard Lebocivi, qui était mon agent à l'époque. Et le sien. Il y avait un désir commun de tenter cette expérience. On ne se connaissait pas et puis, bien vite...la complicité, la confiance...Le miracle de notre rencontre. C'est quelque chose qui n'arrive pas tous les jours, dans une vie de cinéaste. Catherine est devenue comme une soeur. Notre relation dépasse largement le cadre du cinéma. Cela nous permet de nous en éloigner pour mieux y revenir. Ce qui me sidère le plus chez elle, c'est que contrairement à certains acteurs, il n'y a pas de métier. Il y a une absence totale de technique et, finalement, de l'innocence devant la caméra. A chaque fois elle se balance dans une scène comme si elle n'avait aucun repère. Comme si c'était la première fois. Elle tatonne comme une débutante. Dans Le lieu du crime, elle n'était pas mieux armée que l'enfant. Il semble toujours y avoir en elle une réserve dans laquelle on peut puiser. C'est notre quatrième film ensemble, et le mystère par rapport à la caméra reste entier. Elle a encore des choses à donner et à inspirer. Plus que jamais on a envie de la regarder et de dégager des potentiels insoupçonnés. C'est très rare, car elle devait avoir 18 ans au moment des Parapluies de Cherbourg....C'est même un cas unique. Elle est au-delà du savoir-faire. Elle a la grâce et la maladresse d'une débutante. Elle a une capacité de renouvellement infini. On a l'impression que vous la filmez de plus en plus près et que vous n'hésitez pas à la mettre en péril... C'est avec son accord que je la mets en danger. J'essaie de me rapprocher d'elle dans le seul but de la rendre la plus humaine possible. Catherine a une image institutionnelle très lisse et très glamour, alors, je tente de la "déglamouriser" pour montrer les démons et les gouffres qu'elle peut avoir en elle, si on prend la peine de la regarder autrement que comme un objet. Ça lui est arrivé de vous dire non? Non...enfin....je crois qu'il faudrait lui poser la question! On a un tel rapport de confiance. Elle sait que j'ai envie de lui faire du bien et ce n'est pas en la rendant plus humaine qu'elle sera moins grande. Mais ce n'est pas venu du jour au lendemain...Je me suis approché pas à pas. Sur Les voleurs, elle était assez réticente à l'idée de jouer une femme qui aime une autre femme, mais je l'ai convaincue. Je savais que ça lui coûtait. Mais hésiter c'est une bonne chose. C'est toujours mauvais signe quand un acteur vous dit oui tout de suite. C'est qu'il ne s'implique pas assez ou qu'il ne donnera pas des choses intimes. Le travail d'un réalisateur c'est de regarder un acteur. Si cela se fait trop facilement, c'est que, justement, le regard n'est pas assez perçant. La mise en danger d'un comédien est fondamentale, mais elle implique une assistance. On devrait faire payer de lourdes amendes aux cinéastes qui n'assistent pas les acteurs en danger! |
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