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Parfum de Femme
Extraits de l'article paru dans Voir Montréal le 30 Janvier 97
Les Voleurs
«André (Téchiné, NDR) et moi, ç'a été une vraie rencontre, une relation professionnelle qui s'est bâtie sur une amitié.
On se connaît depuis quinze ans, et j'ai toujours beaucoup aimé son cinéma, bien avant que je le connaisse.
Travailler avec André, c'est plus du désir et de la complicité que de la fidélité, parce que la fidélité implique que c'est aveuglément - bien que, dans ce cas-ci, Daniel Auteuil et moi ayons signé sans scénario.
C'était une confiance totale parce que je savais qu'André ne pouvait pas écrire quelque chose qui ne m'aurait pas intéressée. Ce n'était pas vraiment à l'aveuglette, mais c'était le désir, après Ma saison préférée, de refaire un film tous les trois ensemble.»
L'univers de ce film
«C'est un polar, mais avec des personnages de Téchiné, des gens d'univers complètement différents, et qui n'ont rien à faire ensemble. Ce n'est pas le fil conducteur de l'intrigue policière qui nous réunit, c'est le hasard de la vie.
Ce sont toujours des raisons sentimentales qui nous relient.»
Deneuve par Téchiné
«J'essaie de révéler chez elle un potentiel intime, secret» explique le cinéaste.
«Je ne cherche pas à l'idéaliser, mais à l'humaniser. Quand j'ai écrit sa partition, j'avais envie d'en faire une marginale. Ça me paraissait intéressant de prendre ce côté icône, ambassadrice du cinéma francais, et de le confronter à un personnage marginal. Ça m'intéressait de voir cette femme de raison basculer dans l'irrationnel.»
«C'est vrai qu'avec une actrice comme Catherine, il faut un peu plus de temps au spectateur pour croire au personnage. Il faut en tenir compte quand on écrit. Le risque, bien sûr, quand on veut faire bouger une image, c'est que les gens n'y croient pas.»
Le personnage par l'actrice
«Mon personnage est le plus vulnérable parce qu'il lui manque une agressivité naturelle qui lui permettrait de résister à la violence des autres. C'est quelqu'un qui essaie de tout comprendre, et qui n'envoie jamais d'appels au secours; elle ne prend jamais les autres comme témoins de sa détresse.»
L'homosexualité du personnage
«Au départ, j'avais pas mal d'appréhension. J'ai déjà joué des personnages d'homosexuelles, mais sans qu'il y ait de scènes explicites. Sauf dans Les Prédateurs, mais c'était un film de vampires, alors on était dans la fantaisie totale. J'aime beaucoup les femmes, en général, mais là, j'étais perplexe, et un peu réticente, parce que c'est quelque chose que je ne connais pas.
Je me suis demandé: «Comment je vais aborder la relation amoureuse avec une femme?» Les histoires homosexuelles sont souvent reliées au sexe, alors que là, c'est très sentimental. C'est vraiment une histoire passionnelle. Et puis, je me suis rendu compte que d'être amoureuse d'un homme ou d'une femme, finalement, c'est pareil. C'est le sentiment amoureux qui l'emporte.»
L'Image de Deneuve
«Ce n'est pas l'image qui est lourde à porter, c'est l'image par rapport au rôle qu'on veut défendre. C'est aussi tous les films qu'on amène dans une première scène, et qu'on essaie de faire oublier au cours du film. Il ne faut pas que ce soit une détermination de ma part, mais il faut que ça arrive.»
Le choc entre l'image et le rôle
«Au début, je me disais: «Quel soulagement de ne pas être maquillée, pas être coiffée!» Et puis, finalement, même si on est tout à fait d'accord avec le fond, ça pèse. Non pas de ne pas être coiffée ou maquillée, mais d'arriver à un certain dénuement. Et puis, on est plus vulnérable dans les scènes difficiles.»
Le métier d'actrice, et non la performance
«J'ai horreur que l'effort se sente. Il faut se méfier du métier: c'est une arme à double tranchant qui peut amener à faire des choses très confortables, mais qui manquent de chair, de vie, de fragilité. C'est très délicat; il faut être très attentif.
C'est pour ça que les acteurs ont besoin d'être dirigés. Ce qu'il y a de pire à dire à un acteur, c'est: «Tu es formidable, tu peux très bien te débrouiller tout seul.»
Ça veut dire qu'on ne cherche pas à l'amener vers quelque chose de plus original. J'essaie, sur un plateau, d'être dans l'état le plus proche possible de l'innocence. C'est traître, l'expérience; c'est comme un trapéziste qui sait comment se redresser quand il sent le danger. Alors que, dans notre métier, à certains moments, il faut tomber...»
La scène suprimée par le cinéaste
De Téchiné: «Il y avait, par exemple, une scène très longue entre Catherine Deneuve et Laurence Côte que j'ai supprimée. C'était une scène très utile du point de vue narratif, mais je n'étais pas en forme ce jour-là, ou bien elles n'étaient pas en forme, et le miracle n'a pas eu lieu. Et je ne peux pas garder une scène, même très utile, si la vie, la surprise, l'inattendu ne sont pas au rendez-vous.»
Parcours de Mademoiselle Dorléac, dîte Deneuve
«J'ai eu une enfance très normale, très gaie, j'ai le souvenir d'avoir été très aimée, très entourée. Ma soeur Françoise avait une réelle vocation d'actrice, mais moi, pas du tout. Je ne sais pas si j'aurais fait du cinéma s'il n'y avait pas eu Les Parapluies de Cherbourg. La rencontre avec Jacques Demy a vraiment été ma naissance au cinéma.
Avant, je n'avais pas d'idées particulières sur ce métier. J'étais assez timide, je n'avais pas le feu sacré. Ce film a été un moment capital, et m'a donné un regard sur moi et sur le cinéma.»
Sur Truffaut et les révélations de sa correspondance...
«Ç'a été une histoire très importante, très difficile, douloureuse même. Une histoire très privée qui aurait dû le rester. Et comme ça s'est écrit à travers des lettres, c'est vraiment le viol d'une intimité. Il y a, par ailleurs, des choses très intéressantes dans ce livre, mais les journaux se sont jetés tête en avant sur l'aspect «vie privée du séducteur du cinéma français».
Ce que je trouve extrêmement réducteur quand on pense à l'oeuvre de Truffaut. Réducteur et vulgaire. Et je ne peux pas imaginer, connaissant son goût du secret, qu'il aurait été d'accord avec ça.»
On écrit pour elle...
«C'est vrai que c'est difficile de trouver des personnages féminins vraiment intéressants, mais je ne peux pas me plaindre, je tourne avec des metteurs en scène qui écrivent pour moi: Nicole Garcia a écrit Place Vendôme, un film avec une intrigue assez sombre et violente qui se passe dans le milieu de la joaillerie.
Il y a le prochain film de Régis Wargnier; et aussi un projet avec Léos Carax, mais il est très compliqué comme bonhomme!»
Sa philospohie des Récompenses...
«Je n'ai pas besoin d'être flattée. Ça fait longtemps que je ne lis plus tout ce qu'on écrit sur mes films; je résiste assez facilement à cette tentation-là. Les compliments ne m'atteignent pas autant que les critiques; tout dépend, bien sûr, de la justesse du propos. Si on me dit des choses très précises sur un rôle, oui, je peux y croire, mais ça ne m'affecte pas. Je ne suis pas très sensible aux compliments parce que je suis mon premier critique, et je suis très sévère.»
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