A.I.
Final fantasy
"Virtuel". Ce simple mot au contenu immatériel et impalpable s'immisce un peu plus chaque jour dans les conversations, sur les couvertures de magazines ou dans les informations. Peu importe le contexte d'ailleurs, il trouve sa place partout et personne ne peut aujourd'hui nier son existence. Mais qu'est ce que le virtuel ?
Par définition, le virtuel s'oppose au réel, en ces termes qu'il constitue un espace peu connu qui sort des limites de nos cinq sens. En effet, l'approche du monde réel ne nous est donnée que par la conjugaison de l'odorat, du toucher, de la vue et de l'ouïe. Ils nous permettent ainsi d'appréhender le réel de manière sensible et sans distance par rapport à celui-ci.
En se lançant à corps perdu dans l'aventure du virtuel, l'homme aimerait-il s'émanciper de sa propre condition ? Les progrès technologiques ne permettent pas encore l'immersion absolue dans ce "second monde", mais leurs richesses actuelles et leur rapidité d'évolution laissent à penser que l'avenir ouvrira cette porte sur un univers qui, comme le nôtre, est en pleine expansion.
Le cinéma actuel s'appuie sur les connaissances techniques les plus pointues pour mettre à jour l'illusion grâce au sacro-saint "virtuel" des images de synthèse, dans un désir furieux de matérialiser l'imaginaire du spectateur jusqu'alors limité par la suggestion. Mais en puisant dans l'imaginaire collectif et les nombreuses questions que pose l'avènement progressif du virtuel, le cinéma devient surtout le reflet le plus significatif pour anticiper ce dont le futur pourrait être fait.

La réalité virtuelle comme nouvel espace de liberté

Les frontières entre le virtuel et le réel s'amenuisent au fil des mois dans de nombreuses applications grâce à la puissance croissante des ordinateurs qui implique un bouleversement dans notre entourage immédiat, qu'il s'agisse du travail, mais aussi de nos loisirs.
Le virtuel appliqué à l'industrie permet la mise en oeuvre artificielle de différents essais, tests dangereux, et même de pousser la simulation d'appareils dans des environnements extrêmes.
Pourtant, et c'est là la nuance à saisir, la simulation virtuelle ne se confond jamais avec le réel. Le simulateur laisse l'opérateur qui se prête à l'expérience en dehors de l'ordinateur, or, la Réalité Virtuelle plonge celui-ci au sein de la machine informatique. En ces termes, Tron (1982) est le premier film dans lequel l'homme est mis à l'épreuve dans cette réalité virtuelle, propulsant nos héros au coeur des microprocesseurs. D'autres films plus ou moins réussis suivront en exploitant le même thème (Le cobaye ou bien sûr l'excellent Matrix).
La Réalité Virtuelle résulte donc de l'intégration de trois notions primordiales que sont l'interaction, l'immersion (5 sens) et l'imagination.
Un individu ainsi projeté dans cet environnement virtuel atteint en apparence cette quatrième dimension décrite maintes fois au cinéma et dans la célèbre série du même nom. Les principes premiers sont exactement les mêmes puisque l'individu immergé dans la réalité virtuelle se dégage des contingences du temps et de la réalité de l'instant. Il peut alors vivre et revivre un instant à sa guise, contrôlant chaque paramètre de son environnement et de son incursion.
Outre retranscrire le monde réel dans des données conçues et repensées, certains spécialistes envisagent d'utiliser plus intelligemment ce nouvel espace en saisissant l'opportunité de créer de nouvelles réalités, des réalités artificielles sans antécédents réels et physiques. Voilà le grand défi de l'imagination du XXIe siècle. Ce travail n'est pourtant pas réservé qu'aux scientifiques mais aussi aux artistes et aux cinéastes.
En se projetant dans un futur plus ou moins proche, les films d'anticipation apportent leur lot de questions et d'interrogations intéressantes auxquelles tout le monde prend part et qui dépassent le simple divertissement des masses. C'est tout le propos de Jurassic Park de Steven Spielberg, dont le troisième épisode sort cet été aux Etats-Unis. Avec ce film, Spielberg nous projette dans une situation qui n'existe pas (du moins aujourd'hui) et dans laquelle la science est parvenue à ressusciter les dinosaures sans réussir pourtant à les contrôler.
Le mythe de l'apprenti sorcier est à son paroxysme. Et s'il en était de même avec le virtuel ?
Dans cette quête à l'immersion totale dans un univers plus vrai que nature, ne risquons-nous pas de nous perdre ?
Saurons-nous indéfiniment garder le contrôle de nous-même, mais aussi de cet environnement ?

Les jeux vidéos

Cette quête de sensations dans un environnement virtuel s'exprime au quotidien devant les jeux vidéos. Les joueurs se projettent ainsi dans la peau d'un personnage dont ils contrôlent les mouvements et les autres fonctions, se transformant le temps d'une partie en espion, en samouraï ou en pilote de Formule 1. Sans être totale, l'immersion gagne en profondeur puisqu'elle flatte l'imaginaire de chacun et attise avec force le désir de vaincre à mesure que les difficultés du jeu se renforcent. C'est avant tout cette sensation de puissance et de domination qui prime dans l'utilisation des jeux vidéos.
Certains films exploitent intelligemment ce propos, comme Tron, déjà évoqué plus haut, dans lequel l'ordinateur qui abrite malgré eux des êtres humains ne leur laisse la vie que s'ils remportent les épreuves des jeux vidéos qu'il produit. L'homme est projeté au sens premier du terme à la place du personnage du jeu. Plus récemment, c'est David Cronenberg qui s'est penché sur l'utilisation des jeux vidéos et de la réalité virtuelle en réalisant eXistenZ. Ce film nous invite à la fusion du corps et de la machine, développée ici par l'utilisation d'un "pod", sorte de console de jeu reliée à un cordon que les personnages se connectent dans le dos. Ce port est enclavé au niveau de la colonne vertébrale et directement relié au système nerveux. C'est via cet instrument que les protagonistes peuvent atteindre la complète virtualité du jeu, sans distinction aucune avec la réalité. Le film soulève donc le problème de la relation houleuse entre le monde virtuel et le monde réel. Aujourd'hui, bien que le niveau des graphismes et des possibilités soit loin de la perfection, certaines personnes sont dépendantes de ces jeux qui peuplent leur quotidien. Qu'en sera-t-il demain ? Les mondes virtuels pourront-il supplanter la réalité ? Le virtuel ne risque t-il pas de prendre le pas sur le réel, comme c'est le cas pour les personnages d'eXistenZ, qui ne savent plus où s'arrêtent le jeu et où commence la réalité. Les images de synthèse sont encore longues à produire, mais leur coût baisse de mois en mois (il suffit de constater leur prolifération au cinéma). Lorsque ces technologies seront suffisamment avancées, les mondes virtuels pourront tromper les sens humains et devenir à terme aussi réels que la réalité physique dans laquelle on évolue.
La science progresse chaque année à grands pas et lance actuellement ses recherches sur les possibilités d'interfaces neuronales qui permettraient un lien direct entre l'homme et l'ordinateur. D'autre part, l'intelligence artificielle n'atteint certes pas encore un niveau particulièrement satisfaisant, mais elle se développe rapidement. Nombreux sont les films qui traitent du sujet avec des visions plus ou moins pessimistes (Daryl, Terminator..etc) et l'on attend impatiemment le nouveau Spielberg (encore lui), "A.I" , qui relate l'existence d'un garçonnet humanoïde à la sensibilité grandissante.

Cinéma et jeux vidéos

Prothèses virtuelles

La prothèse est l¹exemple le plus complet de " prolongement " du corps puisqu¹elle permet à la fois de compenser les fonctions de celui-ci (lors d¹un handicap), mais aussi de permettre au corps d¹accéder à une quelconque surpuissance ou élargissement de ses possibilités physiques et sensorielles (ex: le cyber-sexe).
On ne parle plus ici du corps comme machine puisque la machine assiste le corps, l¹épaule, tout en obéissant à ses désirs et à sa volonté (jusqu¹à quand ?).
Reste encore à dissiper les quelques illusions relatives à ces nouvelles périphéries du corps et à cet habillage technologique qu¹il faut bien considérer comme une nouvelle idéologie dominante. L¹écran d¹ordinateur qui englobe désormais l¹ensemble des médias est un englobant nouveau dans lequel il faut remettre le corps en perspective pour cerner l¹ensemble de ses mutations. Ce n¹est donc pas ce corps qui va devenir " technologique " mais au contraire se paramétrer par rapport à cette technologie de ce nouvel englobant.
C¹est ainsi que les casques et gants virtuels permettent au corps d¹accéder à une autre réalité et donc à des sensations falsifiées par la machine tout en y évoluant par la motricité de ses propres fonctions corporelles : Le corps trouve de nouvelles marques. Le cyber-sexe qui a fait grand bruit au milieu des années 90 s¹est développé dans le cadre de la sacro-sainte " interactivité ". Le spectateur est projeté dans un univers purement fantasmatique et stimulé par des prothèses sexuelles qui agissent sur sa sensibilité par des stimulis électriques ou autres. Malgré les enjeux investis par les industriels de la pornographie, le cyber-sexe apparaît d¹ores et déjà comme le résultat d¹une grande fumisterie qui se limite aujourd¹hui à la vente (en chute libre) de CD-Rom pornographiques à l¹interactivité plus que limitée (pour l'instant).
C'est ainsi que dans Thomas est amoureux, le personnage central s'isole hors du monde et ne vit sa sexualité que par l'intermédiaire de ces prothèses.

- Romain

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