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Conception dossier: PETSSSsss Rédaction: Arnaud - Sabrina © Ecran Noir 1996-2005 |
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| H G WELLS - MAITRE UTOPISTE CHEZ LES ROIS
"Personne n’aurait cru, dans les dernières années du XIXème siècle, que les choses humaines fussent observées, de la façon la plus pénétrante et la plus attentive, par des intelligences supérieures aux intelligences humaines." ("La guerre des mondes", 1898)
e père fondateur de la science fiction moderne, véritable Jules Verne britannique. Il fut formé en biologie par un ami et disciple de Charles Darwin, Thomas Henry Huxley, fut l'ami de Chaplin, le mentor de George Orwell. Il devint très vite maître du roman d'anticipation. Pas moins de 80 œuvres à son actif. Parmi ses tous premiers romans, "La machine à explorer le temps" (1895), "L'île du Dr Moreau" (1896), "L'homme invisible" (1997) et "La guerre des mondes" (1898) furent les plus encensés. Quatre histoires qui, aujourd'hui encore, restent des incontournables de la SF. Des romans courts, axés de vraies intrigues à suspense, au-delà des formes romanesques de l'époque. Ecrivain, philosophe et fervent utopiste moderne engagé en politique, H. G. Welles (1866-1946) dépassa rapidement les contraintes spatio-temporelles de la littérature pour marquer au fer rouge ce qui allait constituer le grand thème de son œuvre : la décadence de l'homme inhérente aux progrès de la science. Il consacra vingt-quatre de ses romans au sujet. Une œuvre prolifique hautement pessimiste, tant marqué par l'utopie scientifique que sociale qui, au fil du temps et de deux grandes guerres deviendra strictement politique. Ces textes dits sérieux qui ne seront pas toujours ainsi appréhendés, malgré la formation scientifique de l'auteur, son appartenance à la Fabian Society de 1903 à 1908 (un groupe de philosophes socialistes londoniens) et son adhésion en 1917 au Comité de Recherche pour la Société des Nations ; instance de réflexion sur la mise en œuvre d'un nouvel ordre mondial après l'armistice. Ses prospections historiques et politiques le mèneront rencontrer Roosevelt et Staline. Ce dernier balaiera une grande part de ces illusions. Wells dressera un état des lieux de ces empires dictatoriaux en 1939 avec "The Holy Terror".
"L'histoire de l'humanité devient de plus en plus une course entre l'éducation et la catastrophe."
Dès ses débuts H.G. Wells conçoit la science fiction comme vecteur d'expression moral, fait pour dénoncer l'abus des avancés technologiques. Il revendique une SF intelligente et, à ce titre, démentira toujours quelconque parenté avec son contemporain Jules Vernes. Verne qui, à son tour, lui rendra la pareille en qualifiant ses récits scientifiques d'invraisemblables, voire de plagiat. Qu'à cela ne tienne : le succès de chacun passa outre les rivalités. Rien de prédisposait ce fils de famille de classe moyenne élevé dans le Kent à connaître telle réussite. Très vite, Wells doit abandonner sa scolarité pour aider ses parents. Il travaille comme apprenti drapier, comptable puis enseignant jusqu'à ce qu'il décroche une bourse et intègre la Normal School of Sciences de Londres. Journalisme et littérature suivront.
"La crise d'hier est la blague de demain."
Profondément marqué par le darwinisme, H. G. Wells n'aura cesse de composer sur le thème de l'Homme-Animal, quel qu'en soit la forme. Homme du futur animalisé ("La machine à explorer le temps"), pouvoirs extraordinaires menant à la déshumanisation ("L'homme invisible"), mutations biologiques ("L'île du Dr Moreau", "Les premiers hommes sur la Lune", "La nourriture des Dieux"), théorie de l'évolution ("La guerre des mondes", "La vie future") : H. G. Wells fut le tout premier à développer ces univers devenus poncifs du genre, tels que le voyage dans le temps, l'invisibilité et, naturellement, l'invasion extraterrestre, très inspiré par l'astronome américain Schiaparelli et ses fameux canaux martiens, formes géométriques observées sur Mars qui, à l'époque, furent considérées comme l'œuvre d'être intelligents. Une littérature noire, se faisant écho d'un imminent chaos, mais empreinte d'espoir, H. G. Wells ayant toujours visé un retour de l'homme à sa raison. De l'avenir de l'humanité à la responsabilité de la science, en passant par la justice sociale, les limites étiques que l'homme devait s'imposer en matière de colonialisme et avancés techniques, sa littérature fantastique fut consacrée à l'éveil des consciences, à l'expression de ses doutes et de ses inquiétudes quant au retour à la barbarie. Des mises en garde et dénonciations émises aux heures les plus glorieuses de l'empire colonial britannique. En 1908, son roman "La guerre dans les airs" lui valu d'être mis sur le banc de touche du côté de l'opinion publique. Doutant des capacités de l'homme à survivre, H. G. Wells pointa fermement cette question du pouvoir scientifique, porte ouverte à de nouvelles formes de domination. L'Histoire confirma ses positions. "L'espèce humaine est en fin de course. L'esprit n'est plus capable de s'adapter assez vite à des conditions qui changent plus rapidement que jamais. Nous sommes en retard de cent ans sur nos inventions. Cet écart ne fera que croître.", écrivait-il dans son dernier texte "L'esprit moderne au bout du rouleau" ; une réflexion sur Hiroshima émise en 1945. Peu auront égalé son sens chirurgical du discernement toujours transcrit en suspense.
MAITRE WELLS ADAPTE
Nombre d'écrivains et cinéastes surfèrent sur ses utopies insulaires, son imaginaire technologique, sur son inventivité particulièrement aiguisée en terme de tension dramatique, création de peurs et éléments d'horreur. Peu reprirent son pessimisme, le mécanisme de ses réflexions politiques y compris ses visées morales et philosophiques. A commencer par son arrière-petit-fils, Simon Wells qui en 2002 adaptait à l'écran "La machine à explorer le temps" sous les traits d'une fresque d'action teintée de romance en péril. Il faut dire que depuis sa toute première adaptation cinéma, - celle de George Pal en 1960, la plus émérite - suivie de la version indienne de Shekkar Kapur en 1992 et du décalé The Erotic Time machine (John Bacchus, 2002), le thème du voyage dans le temps est un abonné du grand écran. Même Alain Resnais s'y sera essayé avec Je t'aime, je t'aime en 1968. Impossible de ne pas penser aux sagas Retour vers le futur, Terminator, à Un jour sans fin, La jetée, Philadelphia Experiment, Nimitz…, Timecop et autres blockbusters plus ou moins recevables. Rappelons qu'en 1979, le cinéaste Nicolas Meyers (Star Treck 2) imaginait H.G. Wells à la poursuite d'un Jack L'Eventreur en cavale dans le San Francisco de 1979 après utilisation de sa machine à explorer le temps. Clin d'œil osé.
Cap sur "L'homme invisible". Chez H.G. Wells, Griffin, homme-momie dopée à la monocaïne, sombrant peu à peu dans la folie. Le roman de Wells le plus adapté : plus de 70 ans que grand et petit écran s'arrachent les frasques de cet homme déchu par ses supers pouvoirs. Une dizaine d'adaptations ouvertement inspirées au grand écran, quantités de versions télévisées et une avalanche de productions dérivées. A l'instar de George Pal et sa machine à voyager dans le temps, le tout premier cinéaste qui s'essayera à mise en boite de notre solitaire invisible sera le plus remarqué : en 1933, le réalisateur James Whale (La fiancée de Frankenstein) met en scène l'acteur britannique Claude Rains dans la peau de Griffin. Son histoire divergera de celle de Wells en de nombreux points, avec un héros gratuitement névrosé, sa disparition en final et quelques protagonistes ajoutés. Whale offrira toutefois un film minutieusement découpé, ironico-tragique, usant d'effets spéciaux mécaniques (au tournage) et optiques (en laboratoire : images en surimpressions) à l'époque révolutionnaires. D'autres versions suivront sans toutefois marquer, sauf multiplication des héros (Frankenstein contre l'homme invisible, Howard Kock, 1958 ; Abbott and Costello Meet the Invisible Man, 1951) ou ère du numérique (Verhoeven et son Hollow Man, 2000). Le retour de l'homme invisible (Joe May, 1940), La femme invisible (Edward Sutherland, 1941), Agent Invisible (Edwin L. Marin, 1942), La revanche de l'homme invisible (Ford Beebe, 1944), le film turc Görünmeyen adam Istanbul'da (Lutfu Akat, 1955), Terror Is a Man (Gerardo de Leon, 1959), Riding with Death (Don McDougall, 1976), L'invisible Docteur Mabuse (Harald Reinl, 1962), … Et on en passe… Nous aurons même droit à un Homme invisible contre la gestapo en 1942, sorti en France en 1949 (réal : Edwin L. Marin). La liste est impressionnante avant La Momie de Stephen Sommers en 1999. Nombre de série B sinon Z et naturellement peu de films fidèles à l'esprit d'H.G. Wells. Il en sera de même pour "L'île du Dr Moreau" dont seule l'adaptation d'Erle Kenton (La maison de Dracula) en 1932 sortira du lot, enrichie du jeu de Charles Laughton (Island of Lost Souls). En 1977, Don Taylor (Nimitz…) offrira une adaptation formatée selon les lois du film d'aventure. Val Kilmer et Marlon Brando étaient quant à eux à l'affiche du dernier remake en date réalisé par John Frankenheimer (Ronin) en 1996. Un film très moyennement apprécié par la critique.
Autre incontournable : "La nourriture des dieux" (1903), apanage de Bert I. Gordon qui en livrera deux adaptations éloignées de l'original en 1965 (Village of Giants) et 1976 (The Food of Gods). Il enchaînera avec Empire of Ants, d'après "The Empire of Ants (and Another Stories)" sorti en 1925. Que d'histories avec de redoutables animaux prédateurs géants, créatures qui déjà avaient fait le succès des "Premiers Hommes sur la Lune" (1901), roman succédant à "De la terre à la Lune" de Jules Verne (1865). Deux hommes sur notre satellite piégés par ses habitants, les Sélénites : dès 1902, l'aventure fera le bonheur du prisonnier du 7art, Méliès qui réalisera un film 13 minutes hautement ambitieux pour l'époque, composé de dix tableaux et dix-huit décors. Une synthèse des romans de Verne et Wells. Le tout premier film de SF dans l'histoire du cinéma, tant plébiscité en France qu'Etats-Unis. Pas moins ! L'œuvre originale de Jules Verne y sera toutefois pour beaucoup. Un obus géant planté dans l'œil de la Lune : souvenez-vous de cette image de Méliès devenue légendaire ! Secundo de Chomon s'essaiera à un remake de 7 minutes en 1909 (Excursion sur la Lune). En 1919, le comédien Bruce Gordon (The Lady From The Sea) se collera au voyage lunaire de Wells à l'occasion de son unique réalisation, en tandem avec J. L. V. Leigh. En 1964, l'as du fantastique, l'américain Nathan Juran (20000 lieux sous les mers, Le septième voyage de Sindab, Jack le tueur de géants) offrira une singulière adaptation des "Premiers hommes sur la Lune" avec ses deux astronautes s'imaginant pionniers sur notre satellite avant de découvrir la préexistence d'une expédition lunaire britannique en 1899. Savant fou, enquête et aventures au programme, loin des Sélénites d'H. G. Wells.
Qu'en est-il de ses œuvres de mœurs, plus ou moins satiriques selon les époques ? "Kipps" (1905) - roman avec lequel Wells acquiert le statut d'écrivain sérieux, chroniqueur témoin de son temps - et "L'histoire de Mr Polly" (1910) ne seront pas en reste au grand écran. Le premier fut adapté à deux reprises : en 1921 (réal : Harold Show) et vingt ans plus tard par l'illustre cinéaste britannique Carol Reed (Le troisième homme, Trapeze, Les révoltés du Bounty). L'anglais Anthony Pelissier (co-réalisateur de Encore - Cannes 1952, Meet Mr Lucifer) portera le second à l'écran en 1949. La même année, David Lean (Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago, La route des Indes) et son Passionate Friends, adapté du roman éponyme de Wells (1913), seront en compétition à Cannes. Une romance contrariée sur fond de clivages sociaux loin de l'extraordinaire "Homme qui faisait des miracles" (1936), comédie fantastique adaptée par Lothar Mendes (Perdue sous les tropiques) la même année. L'histoire d'un homme aux pouvoirs surhumains qui vient sauver la terre menacée par un ouragan à grande échelle… Archétype du héros sauveur de l'humanité que l'on retrouvera dans "La vie future" (1933), roman d'anticipation où l'homme anéanti par une seconde guerre mondiale doit coloniser l'espace, notamment la Lune, pour survivre. L'œuvre sera objet de deux adaptations : en 1936 chez William Cameron Menzies (Les envahisseurs de la planète rouge) et en 1979 chez Georges McCowan (Frogs). Terre en péril, guerre, fin de la civilisation humaine, vie interplanétaire, liberté : autant des thèmes fondateurs de "La guerre des mondes", repris à l'entre-deux guerres. Une œuvre noire mais non exempte d'utopie. Qu'ils soient d'ordre politiques ou philosophiques, les plaidoyers d' H.G. Wells ont toujours ciblé un réajustement de l'humanité. Clé de son succès : une écriture étonnamment moderne. Ses récits fantastiques ont jusqu'ici fait rêvé quatre générations de lecteurs et spectateurs. Il aura autant inspiré que Jules Verne. Aujourd'hui encore, L'homme invisible de James Whale et L'île du Dr Moreau d'Erle Kenton restent des incontournables de la SF. De Méliès à Spielberg, même souffle créatif, même enthousiasme pour cet écrivain dont on aurait tant aimé qu'il conte notre temps.Sabrina |
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