(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Ecran ROSE
site internet du festival
Variété(s)
Soyons gourmands. Comme l'incite l'affiche. Plus de films, plus de jours, plus de projections. 53 séances durant 9 journées orgiaques. Devenu rendez-vous incontournable de la fin de l'année, en contre-programme idéal (pour ne pas dire contre-culture) des sorties familiales et grand public à l'approche des fêtes, le Festival offre un menu international (en provenance de Sundance, Venise et Berlin), aux saveurs variées et inédites. Tous les goûts étant dans la nature.
L'ouverture avec Party Monster nous permet de revoir Macauley Culkin (Maman j'ai raté l'avion) dans un film "underground" et déjà culte sur la vraie vie de Michael Alig. Début soft pour mettre en apétit.
Les films abordent tous les sujets de société actuels, les itinéraires individuels les plus paradoxaux, et portent un regard dénué de jugement sur les choix de chacun : un gay qui souhaite adopter un enfant avec sa coloc, des hétéros irlandais qui vendent leurs charmes dans le Londres gay, une Bridget Jones version lesbienne, un jeune gay entre fantasme et répulsion, des Allemandes en meute contre le FMI, ... Les fictions présentées évitent la caricature souvent dépeinte au cinéma.
Les portraits "du réel", illustrés dans les documentaires, nous amènent à observer la vision parfois moins drôle, mais toujours très intéressante, des gays et lesbiennes dans des environnements parfois hostiles : l'URSS de Brejnev, des scènes de concert rock, la campagne allemande...
Du court métrage à l'expérimental, du docu au long, les homosexuels sont les héros d'aventures plus universelles qu'on ne le croit. Car avant de parler de sexualité et parfois d'extravagances, il s'agit de sentiments et de personnalités. La programmation du festival a l'intelligence d'ouvrir les débats en rapport à notre monde hyper-sexué, nos esthétique quasi pornographiques en nous interpellant sur la beauté, les relations parentales, les interdits et leur transgression...
Pasolini (qui enquête sur la sexualité des Italiens), Collard (qui nous renvoie ses Nuits Fauves, Maillot ou encore Philip Brooks sont évidemment conviés au banquet. Des soirées à la Nuit Canal, le fetsival réchauffera aussi les premières nuits hivernales parisiennes.
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* Samedi. Ouverture. Ou enterrement. Philip Brooks, fondateur du festival, est mort cet été. Moment fort, la lecture d'une lettre rédigée par son ami au Ministre Mattei. Déclaration d'amour. Rage contre une loi imparfaite. Bribes de mots qui cherchent à faire survivre un amour condamné par la maladie. La réponse du Ministre viendra après la mort de Brooks. Espérons que cette amertume donnera lieu à une modif de la loi. C'était juste un mec qui voulait donner un bout de foie à la personne qu'il aime. Universel.
* Dimanche. Vernissage de l'expo Del LaGrace Volcano. Tout est dans le nom. Couleurs vives. Gros plans. Masculinisation des femmes. Hommes portés en ridicule avec leurs airs de gros bras ou de gros lourds. Des calebutes tue-l'amour. Mais un regard certain sur l'identité sexuelle. À ne pas laisser entre tous les yeux. Cette oeuvre sur la transformation du corps et l'indentité sexuelle transgenre trouve son summum esthétique avec une simple fellation hétéro en gros plan.
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Mardi. En chiffres. 5 millions d'humains contaminés par le HIV cette année. 3 millions de morts du SIDA. La plupart en Afrique, mais beaucoup aux USA (les homos), en Russie (les drogues), et désormais en Chine. En Europe, les hétéros sont davantage visés. Au total, un tiers des victimes sont des femmes. Les pubs pour les capotes (et leur prix) n'incitent pas à mettre du latex sur le sexe. Un peu de d'audace crue, que diable!
* Jeudi. Hommage à Jacques Maillot (Nos vies heureuses). Froid comme l'été est son dernier film, produit pour ARTE. La chaîne culturelle aime les histoires troubles à deux visages réalisées par des cinéastes de renom (voir Son frère de Chéreau). Ici, deux femmes (et même une troisième, lesbienne), qui vont se croiser à la fin du film. L'une est coupable d'infanticide, transparente, monstrueuse parce qu'on la juge, humaine parce qu'on essaie de comprendre. L'autre est flic et cherche à tomber enceinte. Une mère indigne et une femme incomprise. Nos vies malheureuses, en quelque sorte. Les portraits de trentenaires par Maillot sonnent souvent justes, malgré quelques baisses de tempo. Au delà de l'image choc du bébé mort, on retient les belles performances des comédiennes et les rapports troubles entre l'adulte et l'enfance. Un peu d'émotion....
* Tous les soirs. Dingue ce que les mecs qui distribuent les cornets de glaces et les bonbons qui donnent des caries semblent être sortis du Club Med Gym du coin. Ils pourraient tous être en couverture de Têtu. Qui a fait le casting?
* Après la projo. Il y a parfois débat. C'était le cas avec Jacques Maillot dans une salle paritaire entre hommes et femmes, peu importe leur sexualité. Coup de gueule donc contre les intégristes (3 sur 200). "Comment osez-vous lier la mère indigne au lesbiannisme?" Cette question montre que le spectateur juge là où le cinéaste ne fait que regarder. Comme répond le realisateur, il n'y a pas de relations de cause à effet, d'autant qu'elle tue le bébé avant de vivre une histoire d'amour (en l'occurrence avec une femme, mais ça n'a aucune importance finalement). Et pourquoi ne pas accepter que des personnes homosexuelles, comme toutes les autres, peuvent être capables du pire comme du meilleur? Déjà au temps de Gazon maudit, le lesbiannisme extrême avait reproché à Balasko la vision caricaturale de son personnage...
* Pas de fioritures. Pas de cérémonial. Malgré les nombreuses marches, les queues interminables, le Festival est avant tout un lieu convivial. C'était la séquence "ambiance".
* Mil Nubes. Ou exactement Mil Nubes de paz cercan el cielo, amor, jamás acabarás de ser amor. Pour ceux qui ne parlent pas espagnol, genre moi, cela se traduit ainsi : Mille nuages de paix encerclent le ciel, amour, jamais tu ne finiras d¹être amour. Et pour ceux qui ne lisent pas l'anglais, inutile de vouloir le voir pour le moment. Ce film présenté dans sa version originale sous titré englais avait donc tout contre lui : un titre impossible à retenir, du noir et blanc comme uniques couleurs... Mais voilà. Un Teddy Award en main (l'Ours d'or pour les films gays et lesbiens du Festival de Berlin), ce film mexicain de Julian Hernandez a séduit les foules, au point de le diffuser dans une salle supplémentaire. La salle est donc pleine. Peu de femmes. N'en tirons aucune conclusion.
* Vendredi donc. Mille nuages. Le film mise tout sur sa beauté intrasèque. Ce film, presque expérimental, joue avec les clichés de l'esthétique homo, jusqu'à son paroxysme. histoire d'un Mexican Gigolo. Pas tout à fait, mais. L'histoire est floue. Peu importe l'histoire. C'est un poème. Avec des images volontairement floues parfois. Et peu de dialogues. Des phrases rares mais qui résument l'obsession du jeune mâle. L'errance parfois érotique traverse ce calendrier de beaux garçons latinos, de femmes très maternelles et passionnarias. Album photo avec zoom sur les mains ou les regards, de profil. Car au Mexique, pays viril et catho, on ne peut aimer sans se cacher. essayer d'aimer jusqu'à en faire son idéal. Jusqu'à en mourrir de ne plus être aimé. Quête d'absolu qui mène notre "héros" dans les bas fonds. Tandis que La Passion de Saint Mathieu sonne, l'ange noir apparaît, celui de l'homophobie. Quand Gerry s'éloigne de son histoire d'amour avec Bruno, dans ces chemins de traverse, tout nous semble pathétique. le sexe en devient minable. La sensualité disparaît. Une mélancolie contemplative fait alors écho à Happy Together de Wong Kar-Wai. Dans ce monde immaculé, où la blancheur rappelle celle des nuages, de ce paradis à atteindre, ce septième ciel d'où l'on est tombé en se faisant mal, une phrase résonne : "Les gens devraient savoir qu'ils ont l'obligation d'être heureux." ça ne chasse pas le spleen...
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