(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Palmarès
- LOUVE D’OR - Prix du long métrage
Dias de Santiago, Josué Méndez (Pérou, 2004)
- Prix du scénario éQuinoxe/Radio-Canada
L’ESQUIVE, Abdellatif Kechiche (France, 2004)
- Prix du Public Radio-Canada
QUAND LES TORTUES VOLENT (LAKPOSHTHA HÂMM PARVAZ MIKONAND), Bahman Ghobadi (Irak, Iran, 2004)
Bilan
"Cette 33e édition a été marquée par la venue d’invités internationaux de prestige tels Béatrice Dalle, Catherine Breillat, Olivier Assayas, Todd Solondz ou Peter Greenaway, venus à Montréal pour faire partager au public leurs passions et leurs visions du cinéma ; par des découvertes internationales empreintes de fraîcheur et d’espoir avec, par exemple, les œuvres de Josué Mendez, Éléonore Faucher et Gennadi Sidorov ; mais aussi par la participation de nombreux artisans du cinéma québécois et canadiens : Don McKellar, Wajdi Mouawad, Chris Landreth, André Forcier, Jean Leloup, John L’Écuyer, Danny Lafferrière ou encore Denys Arcand…"
"Avec une programmation forte réunissant 208 titres, rassemblant 47 premières mondiales et nord-américaines : longs métrages de fictions et documentaires, courts métrages, œuvres nouveaux médias, venant de 42 pays différents, (...) le Festival a attiré un public plus important comme le démontre l’augmentation de la fréquentation des salles de 10% avec près de 70 000 spectateurs."
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Toutes sortes d'images
Le Festival du Nouveau Cinéma (ancien FCMM) a un défi à relever. Prouver qu'il est le meilleur festival de Montréal. Ca ne devrait pas être trop difficile. Car l'enjeu est de taille pour cette 33ème édition. Et même si tout se jugera sur le nombre de spectateurs, la qualité des invités présents et l'impact médiatique, le FNC a déjà gagné la première bataille : la programmation.
Dans un contexte houleux où le rival, le FFM, longtemps festival le plus prestigieux d'Amérique du Nord, subit toutes les attaques (collectivités, médias, professionnels), les organisateurs du FNC mise sur une fusion des deux événements, à leur profit. Un seul festival international de cinéma? L'idée a du sens. D'abord parce que le FFM est artistiquement mort : sa compétition n'a plus d'intérêt (son palmarès n'a même aucune valeur dans le marketing des distributeurs), son organisation est archaïque, et la concurrence est plus vive que jamais. Coincé entre Venise et Toronto, dépassé par ce dernier, moins attrayant que Locarno ou San Sebastian, Montréal est devenu une plateforme régionale après avoir été internationale. En comparant les deux programmes, celui du FFM et celui du FNC, il n'y a aucun doute sur la valeur du second, qui privilégie Comme une image aux Choristes, Kusturica à Angelopoulos. Rappelons que le FFM récompense indifféremment une Sandra Bullock et une Isabelle Adjani.
Clean
Si le FNC ne bénéficie pas encore d'une notoriété nécessaire pour attirer suffisamment d'avant premières (au moins continentales), il a su, avec une bonne date dans le calendrier et une curiosité artistique, séduire les films qui comptent cette saison : Clean, La vie est un miracle, La mauvaise éducation, Whisky, Or (Mon trésor), Brodeuses, Exils, Land of Plenty, 5x2, quelques mangas ou encore Ruiz, Spike Lee, Godard, Gitaï, Solondz, McKellar, ... De Mondovino à la version restaurée de Peau d'Ane, du fameux Tarnation à la trilogie bollywoodienne (La famille Indienne), toutes les formes de cinéma vues à Cannes, Venise, Toronto et Locarno sont présentes, de l'expérimental aux grands noms.
Très présent sur les cinémas asiatique, européen, et canadien, le FNC s'intéresse autant au cinéma numérique (pour preuve la projection de Garçon stupide, à l'écriture filmique passionnante) qu'aux documentaires (une trilogie Robert Greenwald, qui, hélas, ne comprend pas le dernier opus sur Fox News). La meilleure synthèse est évidemment cet événement Peter Greenaway qui présentera enfin l'entièreté de son projet The Tulse Luper Suitcases, incluant la partie internet et une masterclass. Classe!
Dîtes 33!
Tandis que les festivals se cherchent (artistiquement), se positionnent (commercialement) et tentent de survivre parfois (coupes budgétaires, sponsors frileux) le FNC n'hésite pas à innover (CinéOké, sorte de karaoké cinématographique), fouiner (lectures de scénarios de courts métrages), explorer (Cyberpitch pour observer les nouveaux médias). L'objectif est d'ouvrir les yeux sur les créations visuelles de notre époque. En cela, le festival se rapproche plus de Locarno (qui n'a pas de marché non plus) que de Toronto. Il faut s'interroger sur la pertinence d'une compétition de type cannoise dans un festival de cinéma. Hormis 4 festivals (Cannes, Venise, Berlin, Sundance), aucun palmarès n'a de valeur aux yeux des professionnels et du public. De plus, si Montréal veut de nouveau être un rendez-vous qui compte, il faut peut-être envisager un décalage dans le calendrier. Depuis des années, certains plaident pour un "déménagement" en plein été, dans la période des grands festivals culturels de la ville, entre Cannes et Venise / Toronto. Cela permettrait plus d'avant premières. Rester en automne a des avantages : le FNC n'aurait certainement pas eu Almodovar ou Ozon s'il avait été situé plus tôt.
Mais l'enjeu est beaucoup plus important qu'on ne le croit. Car il est de plus en plus difficile de profiter de la diversité cinématographique : l'hégémonie hollywoodienne, la concentration des multiplexes, l'exploitation réduite à quelques semaines ne permettent plus à un film différent de s'installer et de séduire un public curieux. La multiplication des supports (DVD, télévision) devrait nous inciter à réfléchir sur la distribution même du cinéma : est-ce qu'une salle est le meilleur endroit pour certains films, soit trop ardus, soit trop formaté pour la télé? face aux mastodontes (souvent vide côté scénario mais remplis d'effets visuels) américains, comment sauver un cinéma alternatif, ou disons plus "profond" (car il y a une vraie demande dans tous les pays du monde pour un cinéma "éclairé")? Comment les médias vont-ils pouvoir traiter équitablement autant de sorties en salles dans les années à venir alors que la critique comme l'analyse disparaissent au détriment du people ou du pure informatif?
Comme des loups
Si de nombreux films mériteraient une diffusion directe à la télé ou une sortie DVD en première exclusivité, certains films d'auteur, certains premiers films ou encore certaines productions visant un public souvent oublié des cibles marketing méritent une sortie en salle. C'est là qu'un Festival comme le FNC a un véritable rôle à jouer, et pas simplement précurseur. Des réactions du public à la confrontation à de nouveaux regards, un festival peut défricher le terrain et permettre de repérer les perles cinématographiques qui pourront s'opposer au marketing des grands studios et défendre une véritable diversité culturelle.
Il est rare qu'un bon film échappe aux programmateurs des grands festivals de la planète, et tout aussi rare que les palmarès ou le public passe à côté d'un bijou. Les festivals qui auront gagné cette crédibilité auprès des professionnels (ceux qui achètent et distribuent les films) et du public (comme on a confiance dans un Ours d'or ou un Lion d'or) survivront aux aléas du marché et des bailleurs de fonds. Ils apposeront un label qualité qui rassurera et facilitera le travail des producteurs indépendants.
En cela, le FFM a déjà perdu. En revanche, l'avenir est ouvert pour le Festival du Nouveau Cinéma.
vincy
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