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UNE ANNEE D'EXCEPTIONS
2002 s'annoncait comme une des compétitions les plus ouvertes des 74 années d'Oscars. Plus que jamais les studios ont redoublé de charmes, de campagnes marketing et de pressions lobbyistes auprès des votants. L'enjeu est-il si important? Dans le nouveau Théâtre Kodak, dernière extravaganza d'Hollywood et de son centre commercial "branchouille" et kitsch, à deux pas de la Cinémathèque, un tapis rouge fut déroulé pour ce qui devait être un suspens médiatique. Pour le pire et pour le meilleur, le palmarès n'a pas déçu.
Dans les annales on notera les perdants Amélie, Le Seigneur des Anneaux (13 nominations, 4 petits Oscars), In the Bedroom et même Moulin Rouge. L'audace, le risque, l'esthétisme n'ont pas séduit. C'est la première leçon à retenir : un conservatisme opressant a donné un palmarès consensuel et donc mou, sans aucun panache, semant quelques Oscars à chacun des studios, presque tous les films, pour ne pas faire de jaloux. Même Pixar s'en sort bien malgré sa défaite à l'Oscar du meilleur dessin animé, grâce à une chanson très moyenne de Randy Newman (15 fois nominé, première victoire!). Mais tout ce que les nominations avaient apporté de pittoresque a été effacé d'un coup de cérémonie : les deux actrices de Iris, la flamboyante Nicole Kidman, les frasques d'Amélie...
Mais les Américains n'aiment retenir que les sourires des vainqueurs. Et 2002 est une consécration pour le mot "historique". Le premier film Bosniaque en Compétition Officielle au Festival de Cannes s'est retrouvé oscarisé, après son Golden Globe et son César du meilleur premier film. No Man's Land, qui mêle l'humour noir, l'absurdité de la guerre et le cynisme de l'humanité, bat ainsi la célèbre Amélie, 30 millions de $ au compteur aux Etats Unis (et du coup, malgré ses 5 nominations, un score qui ne s'élèvera pas beaucoup plus haut).
Il demeure l'Oscar du meilleur scénario pour Gosford Park et celui du meilleur dessin animé pour Shrek. Deux statuettes méritées. Shrek est ainsi le premier cartoon à recevoir ce nouvel Oscar. Lui aussi avait eu les honneurs de Cannes, une première en 40 ans.
Les Oscars 2002 seront cependant à graver dans nos mémoires pour un doublé : meilleur acteur et meilleure actrice. Denzel Washington avait déjà eu un Oscar du meilleur second rôle (Glory) et a eu de biens meilleurs compositions que celle, un tant soit peu surjouée, de Training Day. Reste que l'année où les Oscars honorent le grand Sidney Poitier (1er Oscar mâle noir de l'histoire, et le seul en 40 ans), la victoire n'en est que plus symbolique. Le fait qu'il soit noir ne devrait rien induire de notre part. Force est de constater, malgré de grands comédiens, que cette minorité n'était pas représentée justement dans les annales de ce panthéon du 7ème Art. D'une pierre, deux coups. Pour la 1ère fois, une actrice noire (enfin métisse), la grande Halle Berry, future james bond girl, succède à Julia Roberts. Les Oscars, souvent accusés de racisme déguisé, en tout cas de non représentativité, ont rendu ainsi un bel hommage aux comédiens, en ne se souciant non pas de leur couleur, mais en s'attachant à leur charisme, leur personnage, leur don pour la tragédie et le drame. Black power accentuée par l'Oscar du meilleur documentaire, où l'on a cité Martin Luther King, et l'égalité des hommes quelque soit la couleur de la peau.
Hélas, l'année d'exception aurait pu s'envoler vers d'autres petits miracles de ce genre. Comme pour se rassurer de ses propres fantasmes, l'Académie a choisit le film le plus médiocre des 5 nominés, et le moins bon des 5 réalisateurs pour couronner Un homme d'exception, film hollywoodien classiscite et sans originalité. 4 Oscars (sur 8). Comme si, face à ce choix si riche, si singulier, on avait nivellé par le bas. La black comique Whoopi Goldberg (Oscar du meilleur second rôle il ya quelques années) avait pourtant clamer "qu'Oscar est le seul homme de 74 ans qui n'a pas besoin de Viagra pour tenir 3 heures". Cette année Oscar a du être un peu mou vers la fin de la soirée, à moins que la belle Halle ne lui ait fait tourner la tête trop tôt.
Vincy
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