Annaud en seigneur
Pourtant Berlin refuse de s'avouer vaincue. Sony y a construit son siège
européen, à deux pas la Berlinale. Et Vivendi conserve encore quelques
temps les fameux studios Babelsberg.
Un quart de la production audiovisuelle allemande se tourne à Berlin. Si la
TV a investit la MediaCity d'Adlershof, le cinéma a préféré l'héritage de
la citadelle Babelsberg, dans les environs champêtres de Postdam. Plus de
100 firmes travaillent autour. Une superbe école de ciné ultra-moderne
verra le jour dans l'année. Cité dédiée au cinéma, Babelsberg a récemment
érigé un bâtiment consacré aux effets spéciaux et numériques (studio DVDŠ),
le F/X center. Il héberge aussi une des salles de cinéma du studio.
Evidemment, entre les bâtiments de brique et une rue de Berlin entièrement
reconstituée (26 façades), le plateau Marlene Dietrich impose sa structure
grise et gigantesque. Pas loin, des artisans travaillent à des objets ou
des décors du film de Jean-Jacques Annaud. " Enemy of the Gates " retrace
la bataille de Stalingrad, avec le plus gros budget de l'histoire du cinéma
européen (500 millions de FF). Jude Law et Joseph Fiennes en sont les deux
héros. Le tournage était en pause alors que des menuisiers reconstituaient
la vieille ville de Stalingrad.
90 ans après sa naissance, Babelsberg, qui fut un temps le plus grand
studio du vieux continent, a vu naître Metropolis de Fritz Lang ou encore
Carmen d'Ernst Lubitsch. En ajoutant un studio de son en 1929, Babelsberg
accoucha en 1930 de l'Ange Bleu de Von Sternberg, avec Dietrich. C'est le
plus gros succès de l'histoire du studio.
Depuis Berlin a servi de décor pour des films d'espionnage ; Belmondo et
Indiana Jones y ont fait un détour musclé. Surtout ce fut le magnifique
théâtre d'une ode lyrique et esthétique signée Wenders, Les Ailes du Désir,
qui magnifie l'ancienne ville, divisée en deux, déchue de son statut de
capitale...
En construction
Berlin ressemble à un immense chantier. Des grues dans le ciel, des
immeubles inachevés, du moderne pour lifter le stalinien, des trous béants,
Berlin y perd sa géographie. Ville entre deux époques, effaçant la
cicatrice la guerre froide, amnésiant sa mémoire, hésitant à passer le cap
du millénaire, Berlin se projette dans le siècle prochain en essayant de
devenir l'un des pôles cinématographiques et de divertissement européens.
Le web n'a pas envahit les affiches publicitaires. Les berlinois ne sont
pas scotchés à leurs cellulaires. Les métros sont vieux et jaunes. Il y a
un contraste époustouflant entre Berlin Est et les nouveaux quartiers. Il y
a ceux qui accueillent la 607 de Peugeot, les Galeries Lafayette, les pubs
d'NRJ uniformisation, quand tu nous tiens.
Berlin cherche à ressembler à un décor - plateau ? - de cinéma. Et la
Berlinale lui apporte stars, films et dollars. C'est en fait la seule
grande ville d'Europe qui réunit toute la chaîne du cinéma, des studios à
un festival majeur.
50 ans de culture dans un contexte politique mouvementé, au milieu d'un
pays peu reconnu pour sa cinéphilie, c'est un acte de résistance, de
bravoure; tel un Ours face à un Ogre hollywoodien.
Correspondant: Vincy Design: PETSSSsss