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SOIREE YOUSSEF CHAHINE
IntroductionLes 8 ème Rencontres Cinématographiques de Seine Saint Denis accueillent depuis sa création son invité dhonneur. Cette année, cest Youssef Chahine, le réalisateur égyptien qui a remporté la palme dor au dernier festival de Cannes. Ce grand cinéaste était présent à Bobigny le lundi 24 novembre 1997. Au coeur des Rencontres CinématographiquesLa Préfecture de Bobigny, le lundi 24 novembre 1997 à 19 heures. Une réception est organisée dans les salons de létablissement public en lhonneur de Youssef Chahine. Parmi les invités, Thierry Decourcelle, des journalistes de la radio FM TSF, Marie Donnio, la jeune réalisatrice du court métrage Allées et venues , Michel Noisy, le directeur de lEcran de Saint-Denis, des personnalités locales et du conseil général.
Le président du conseil général, Robert Clément fait le discours suivant : Monsieur Youssef Chahine au-delà dêtre comblé, je veux vous dire lhonneur et plus encore lémotion sincère et profonde que nous ressenttons avec Daniel Mangeot, premier vice-président du conseil général chargé des affaires de la culture de la jeunesse et des sports en vous recevant aujourdhui à lhôtel du département de la Seine-Saint-Denis. Il y a une semaine, la folie terroriste a frappé une nouvelle fois avec un acharnement qui fait vacillé toute raison. Les mots sont bien dérisoires pour dire lhorreur, pour dire laffront lancé à toute lhumanité de voir de jeunes hommes dépossédés de toutes libertés desprits, être les instruments dune idéologie de la mort. Et pourtant, il faut chercher à comprendre comme Averroès dans "Le Destin" pourquoi le jeune garçon a tenté dassasiner le poète. Ce combat contre lintégrisme, le combat de lintelligence, de la liberté de penser, de lautonomie de chaque conscience. Cest bien car vous êtes porteur de cette unité humaine que vous ressentez comme insupportable, cette volonté bestiale de faire taire ceux qui cherchent à penser par eux-même. A chacun ses armes dans ce combat. Ce dont vous vous servez est la caméra et votre réponse à lintégrisme consiste naturellement, dites-vous à réaliser des oeuvres contre lintolérance. Je veux simplement vous demander monsieur daccepter de considérer que nous sommes à vos côtés et que la réception de ce soir est pour nous la confirmation dun engagement. Celui de tous les progressistes de Seine-Saint-Denis et plus largement des français, de faire ce qui est en leur pouvoir pour dire aux démocrates algériens, intellectuels, aux artistes qu'ils ne sont pas seuls. Comme tous, je pense ce soir aussi à lAlgérie. Mais en retour comment ne pas dire, quun film comme "Le Destin" nous parle aussi à nous français alors que nous sommes confrontés à la montée dune idéologie raciste et xénophobe, que chez nous aussi, le nom de Dieu est parfois trop souvent mis au service dune idéologie obscurantiste qui légitime des crimes racistes et contre lhumanité. Par delà les frontières, par delà le temps, il me vient à lesprit le fou de Leza, lun des chefs-doeuvre dAragon, qui pour parler de la France de lépuration faisait revivre la brutale répression de la culture arabe le jour où Grenade fût prise. A lheure où la mondialisation nest que le déchaînement des inégalités, des rivalités, des déséquilibres sans rivage et de leurs corollaires, les chauvinismes bornés, des sources affirment pour dire que la tolérance, la coopération, le partage sont des choix possibles pour un monde rendu à lêtre humain. Votre film est celui dun monde optimiste, celui où lamour de la vie, où le plaisir de la vie trace le chemin. Ce goût du bonheur, vous nous le faîtes partager, et permettez-moi devant vous de remercier au nom du conseil général toutes celles et tous ceux grâce à qui ces rencontres cinématographiques existent en Seine-Saint-Denis. Le thème retenue pour cette huitième édition est lengagement. Engagement bien sûr de lassociation Cinéma 93, avec son président Jean Marboeuf qui ma prié de lexcuser ce soir, et du conseil général de Seine-Saint-Denis en partenariat avec 19 villes avec les salles publiques du département. Ces rencontres programmées du 18 novembre au 2 décembre, prouve la vitalité dun cinéma vivant, un cinéma de création, dun cinéma engagé dans la recherche dune vrai citoyenneté. Dun cinéma qui dit que le bonheur existe. Ce cinéma reçoit un accueil enthousiaste de la part dun public qui était manifestement en attente de telles oeuvres. Monsieur Youssef Chahine, jai le plaisir de vous remettre le trophée de la Seine Saint Denis et de vous faire citoyen dhonneur de notre département. Mais sâchez que tout lhonneur, que tout le plaisir sont davoir lhonneur et le plaisir pour nous de recevoir un ami.
Youssef Chahine réagit avec une émotion particulière à cette déclaration touchante du président du conseil général :
Je ne ne sais pas comment commencer, dhabitude... et je vais remercier. Vous dire que je peux faire partager ma grande joie et ma surprise car je ne mattendais pas à ça. Je suis membre de la grande famille française. Ça, ça plaît assez. Ça va énerver ma collègue française, parce que cest ma femme. Je doit être un peu plus français quelle parce que Paris est un département que jaime beaucoup, parce qu'il me ressemble. Après la réception, Youssef Chahine se dirige vers le Magic Cinéma qui annonce complet pour le film "Le Destin". Une autre salle est ouverte où est diffusé un autre film de Youssef Chahine "Le Moineau", afin dy accueillir dautres spectateurs qui étaient venus voir le dernier film récompensé à Cannes. 22h45, fin du film. Le cinéaste arrive dans la salle comble sous une tonne dapplaudissements. Le débat peut commencer. Lanimateur de la soirée invite les spectateurs à poser des questions au cinéaste. Un admirateur demande au réalisateur : Est-ce que le cinéma est larme idéal pour discuter avec le peuple pour transmettre des grands messages tels que nous avons vu ce soir? Réponse de Youssef Chahine : Si on fait du cinéma simplement pour divertir le peuple (...) Je me pointe pas ici pour vous donner ici deux heures de votre vie pour vous embêter, je vous propose un film pour vous divertir, mais certainement que je ne ferai pas un film qui ne dis pas quelque chose à lautre, quil peut pas quelque chose à lautre. Le public est impressionné par le cinéaste égyptien et hésite à lui poser des questions. Une jeune femme se lève en prenant la parole : Quels sont vos projets pour votre nouveau film et quelle a une suggestion à lui proposer, sur lidée du jugement dernier?. Linvité répond : Depuis longtemps déjà cest fini le jugement dernier, et comme je deviens de pire en pire depuis deux années, je ne sais pas si on veut que je monte le jugement dernier.
Juste à ce moment, une panne de micro intervient. Lanimateur sexclame cest à cause de lAmérique, la salle rie de vive voix. Le cinéaste réplique à nouveau au public : Le film est assez contemporain, parce que moi vivre dans lhistoire avec Avéroes, cest un peu moi et cest un peu tous les gens qui on dû faire face aux extrémistes. Mais il faut aussi répondre à cette question à nos pays qui ne sont pas des pays libérés, on dit que lon est démocrate, mais on ne l'est pas. Et cest pas par hasard que tous les régimes arabes sont régis par des moins dangereux, par des autocrates pour ne pas dire des dictateurs (applaudissements). On fait de notre mieux pour parler du présent de faire nimporte quoi je men fout, même à travers une fantaisie, parce que sinon ils sont bêtes (les gouvernements arabes), mais pas tellement bêtes. Et ils ont le pouvoir dinterdire votre film ou bien de pousser des intégristes à interdire votre film, parce que il y a une connivence entre le pouvoir et les intégristes. Youssef Chahine explique ensuite ce qui la amené vers Avéroes du film "Le Destin" : Oui effectivement, comme pour Avéroes, on lui avait brûlé ses bouquins, moi on voulait minterdire encore une fois, je dis ça puisquà Alexandrie (Egypte) pourquoi on ma interdit depuis très longtemps, le Caire est encore interdit jusquà maintenant. Jétais interdit quelque part dans les grands pays arabes, on a brûlé mes bouquins, traîné dans les tribunaux où il y a aussi des intégristes parce que ils ont infiltré la justice chez nous, comme ils ont infiltré beaucoup de syndicats chez nous. Alors, sils se croient malins, moi aussi jessaye de dire ce que jai à dire. Après le débat, le réalisateur se dirige vers le cocktail organisé en son honneur. Il est suivi par les invités du Magic Cinéma de Bobigny. ImpressionsQuel bonheur davoir rencontré un réalisateur engagé dans la lutte contre lintégrisme. Défenseur de la liberté dexpression au sein de son propre pays. "Le Destin" restera sans aucun doute une référence cinématographique majeure dans lengagement de Youssef Chahine. |