Production: Cargo Films, Odeon Pictures
Réalisation: Jean-Jacques Beineix
(Diva, 37,2 le matin)
Scénario: Jean-Jacques Beinex
D'après le livre "Mortel Transfert" de Jean-Pierre Gattegno
Photo: Benoit Delhomme
Son: Pierre Befve
Musique: Reinhardt Wagner
Montage: Yves Deschamps
Durée: 122 mn

Casting:

- Jean-Hugues Anglade (Michel Durand)
- Helene de Fougerolles (Olga Kubler / la prostituée)
- Miki Manojlovic (Erostrate)
- Valentina Sauca (Helene Maier)
- Robert Hirsch (Armand Zlibovic)
- Yves Rénier (Max Kubler)

 

 
Jean-Hugues Anglade
Jean-Jacques Beineix
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  (c) Ecran Noir 96-01
Mortel transfert 
France / 2001 / Sortie France le 10 janvier 2001  
Mortel transfert
 
La psychanalyse n'est pas un métier des plus palpitants. Michel Durand en sait quelque chose et écoule ses journées au rythme lent des récits plaintifs des ses patients. Parmi eux, Olga Kubler, la jeune et séduisante épouse d'un riche promoteur escroc, se révèle être un cas particulier.
Provocante, kleptomane et perverse, Mme Kubler trouble le médecin par l'exposé de ses relations avec son mari, son goût pour la brutalité et les coups que celui-ci lui assène.
Lors d'une séance tardive avec Olga, Michel Durand croule pourtant dans un profond sommeil. A son réveil, le psychanalyste retrouve sa patiente inanimée sur le divan, portant des traces évidentes de strangulation...
 
   Le "transfert" symbolise l'élément primordial qui lie le médecin à son patient. Il s'agit de cet échange, ce lien entre ces deux personnes qui regroupe la totalité des sentiments infantiles que le patient laissera échapper au cours de la séance et qui seront actualisés et analysés par le psychanalyste. Ce "transfert" correspond en quelque sorte à la matière première de l'analyste à partir de laquelle il peut travailler. Le succès d'une cure dépendra donc de ce travail sur le transfert.

La psychanalyse est la plus humaine des sciences, tellement plus à l'écoute de la nature de l'homme, des ses penchants et de ses dérives. Elle permet une libération complète de l'esprit qui se révèle enfin, désinhibé, et qui déballe son vécu comme on va à confesse.
Mais le psychanalyste est humain lui-même, avec ses défauts, ses propres tares. Pourtant, son impassibilité énerve et frustre. Le patient cherche un appui, ou une forme d'autorité quasi-parentale qui distinguerait le bien du mal. Impliquer son analyste, le faire passer à l'acte, voilà le jeu auquel tout patient aimerait se livrer, et auquel excelle Olga Kubler dans le film.
Voilà ce point de non retour que va délibérément franchir Michel Durand et qui va l'entraîner dans un tourbillon incontrôlable qui va le pousser lui-même à s'allonger sur le divan.

Jean-Jacques Beineix s'est éloigné des plateaux de tournage pendant plus de huit ans; huit longues années sans tourner, mais riches en expériences diverses. Le réalisateur s'est laissé happer par une pratique assidue de la peinture et du piano, a énormément voyagé et s'est engagé de façon militante pour défendre le cinéma français. Il a réalisé notamment quelques documentaires tels que Otaku, sur la jeunesse Japonaise, Place de Clichy... Sans complexe, un sujet sur la création d'un multiplexe sur le fameuse place Parisienne, ou encore Assigné à résidence, un documentaire sur Jean-Dominique Bauby, l'ancien rédacteur en chef de Elle atteint d'une paralysie totale et auteur du "Scaphandre et le papillon", écrit en battant d'une paupière.

Depuis plus de 5 ans, Jean-Jacques Beineix développait pourtant un projet ambitieux sur un film de vampires (L'Affaire du Siècle), mais le budget élevé de cette production relevait un défi bien trop risqué.
C'est en lisant le roman de Jean-Pierre Gattégno (auteur du livre qui a inspiré Passage à l'acte de Francis Girod), "Mortel Transfert", que Beineix s'est enfin laissé convaincre de reprendre les commandes d'un long métrage.
C'était l'occasion pour lui d'aborder le monde étrange de la psychanalyse, qui justifiait et facilitait par ailleurs certains débordements visuels de l'histoire, aussi proche du rêve que du surréalisme.
Mortel Transfert permettait donc au metteur en scène de concocter une intrigue policière hors du commun, aussi malade et tordue que l'esprit d'Olga Kubler.
 

 
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Je crois qu'elle essaie d'éveiller en moi des désirs meurtriers.

Mortel Transfert est un film à tiroirs. Aussi insaisissable que saisissant, il nous promène deux heures durant dans les contrées inexplorées de notre propre inconscient de spectateur. On ne sait plus trop quoi penser à la sortie de la projection: les images virevoltent, s'emmêlent et s'entrecroisent dans notre esprit comme dans celui de ce pauvre psychanalyste.

Un tel mélange des genres, une telle cohésion brutale et fluide à la fois, voilà une oeuvre bien délicate à traiter. Pourtant, l'histoire semble évidente, trop peut-être: pas ici de gros efforts de compréhension, les faits nous sont livrés avec parcimonie pour ne pas éveiller les soupçons, bien sûr, mais la forme est suffisamment maîtrisée pour assurer une justesse parfaite dans la narration. Les acteurs sont splendides: Anglade illumine en thérapeute d'une banalité à pleurer, ennuyé de la vie de première; même son nom, Michel Durand, sonne creux.
Hélène de Fougerolles trouve là l'un de ses plus grands rôles en épouse vicieuse et provocante, puis en cadavre encombrant et Yves Régnier est superbe de majesté en mari brutal et amoureux.
Beineix tisse autour d'eux une foule de personnages bizarres et loufoques comme la prof de math dépressive (excellente Catherine Mouchet), l'éjaculateur précoce qui développe une haine des femmes par frustration (Jean-Pierre Becker) ou encore ce DJ sataniste adepte de la nécrophilie et des poupées gonflables.

Mortel Transfert est une oeuvre quasi-indéfinissable, oscillant entre le film noir classique, magnifiquement baigné d'obscurité, de néons clinquants et d'une touche de jazz, puis, d'un bond se fond dans la comédie burlesque aux gags inattendus dignes des oeuvres d'un Jim Carrey en puissance. Le soin apporté aux éclairages, les ambiances colorées et surtout, comme souvent chez Beineix, bleutées, apportent cette touche de surréalisme qui éloigne le spectateur de repères trop précis, le transpose dans une réalité moins évidente. La neige, bien sûr, qui ne cesse de tomber et recouvre la grisaille parisienne contribue à renforcer cette sensation.

Beineix réussit le difficile pari de traiter intelligemment le sujet de la psychanalyse, humanisant le thérapeute, lequel pris à son propre piège devient tour à tour patient et médecin, glissant doucement dans une forme inquiétante de paranoïa aiguë, tombe dans l'alcool, etc. Le psychanalyste est un homme qui promène ses doutes, ses peurs, ses instincts et ses pulsions comme tout à chacun. Le cadavre sous le divan ressemble tout bêtement au cadavre dans le placard typique d'une scène de théâtre de boulevard, et le film est donc plein de rebondissements comiques.
Mais le rire, autrement plus subtil, fonctionne à plusieurs niveaux, autant de niveaux que l'humour peut avoir de degrés; parfois on ne sait plus si la situation est réellement drôle tellement le décalage entre l'aspect dramatique du contexte et les faits et gestes des personnages est disproportionné.

Beineix, fatigué par la critique à la sortie d'IP5 en 92, a déserté le cinéma pour revenir à des activités plus "vraies" et retrouver une liberté perdue. Espérons cette fois que cette nouvelle jeunesse portera encore longtemps cet enfant prodige hors des sentiers battus du septième art.

- Romain