Production : Inside Track, Icarus Productions, John Calley Productions, Avenue Pictures Productions
Distribution : Columbia TriStar
Réalisation : Mike Nichols
Scénario : Patrick Marber, d'après sa pièce
Montage : John Bloom, Antonia Van Drimmelen
Photo : Stephen Goldblatt
Décors : Tim Hatley
Costumes : Ann Roth
Directeur artistique : Mark Raggett
Durée : 114 mn

Casting :

Julia Roberts :Anna
Jude Law :Dan
Natalie Portman :Alice
Clive Owen : Larry

 

 
Julia Roberts
Jude Law
Natalie Portman
site officiel
Tout contre, la pièce
  (c) Ecran Noir 96-05
Closer, entre adultes consentants 
USA / 2004 / Sortie France le 19 janvier 2005 
 
 
Dan ne voit qu'Alice dans la foule. Alice est américaine, elle regarde du mauvais côté et se fait renverser par un taxi. il l'accompagne à l'hôpital. Ils tombent amoureux.
Quelques mois plus tard, Dan se fait photographier par Anna, séparé de son mari. Il a le coup de foudre. Alice le devine.
Dan, sous le nom d'Anna, converse sur un "chat" avec Larry. Il lui fait croire qu'il est une bombe sexuelle à gros seins. Ils se donnent rendez vous à l'Aquarium le lendemain.
Larry y est. La seule Anna qui s'y trouve est une photographe très jolie. Ils deviennent rapidement un couple.
Mais Dan est toujours amoureux d'Anna...
 
   Closer est l'adaptation d'une pièce de théâtre de Patrick Marber. Jouée à Londres dès 1997 et reprise à Broadway (avec déjà Clive Owen dans le rôle de Dan), c'est un immense succès critique et public. En France, elle est traduite et produite au Théâtre Fontaine à Paris, avec, comme interprètes, Gad Elmaleh, Anne Brochet, Jean-Philippe Ecoffey et Caroline Sihol. La pièce est aussi éditée par Actes Sud en 1999 pour ceux qui souhaitent lire le texte original de "Tout contre".
Logiquement, le projet est proposé à Mike Nicholas. Réalisateur oscarisé, on lui doit quelques grands classiques : Qui a peur de Virginie Woolf?, Le Lauréat, Working Girl, Primary Colors, le remake de la Cage aux folles ou encore la série archi-primée Angels in America. Ses récentes oeuvres explorent justement l'intimité, la dérision et les moeurs de ses contemporains. Il a aussi une grande réputation au théâtre, avec 6 Tony Awards pour ses mise en scène à Broadway ("Pieds nus dans le parc", "Drôle de couple", "Annie", ...). Mike Nichols, en fait, appartient à un club très particulier. Il est l'un des quatre artistes à avoir gagné au moins un Oscar, un Emmy (TV), un Grammy (Musique) et un Tony (théâtre). Les trois autres sont Barbra Streisand, Mel Brooks et Rita Moreno.
Natalie Portman avait déjà travaillé avec lui pour "La Mouette", représentation extraordinaire en plein Central Park. Belle année pour la demoiselle. Après Retour à Cold Mountain, elle a connu un succès plus personnel grâce à Garden State, avant de connaître le carton mondial anticipé de Star Wars III. Avec Clive Owen, elle est celle qui récolte les récompenses pour ce film. Si le National Board of Review a préféré primer l'ensemble du casting, les critiques de New York, Toronto et Las Vegas ont plébiscité Owen comme meilleur second rôle de l'année, tandis que ceux de San Diego ont choisi Portman en meilleur second rôle féminin. Les Golden Globes ont nommés Portman, Owen, mais aussi le scénariste, le réalisateur et le film (catégorie meilleur drame). Les Golden Satellite, rivaux des Globes, ont choisi uniquement les deux seconds rôles, le scénariste et les monteurs.
Clive Owen semble donc être la révélation du film. A 40 ans il était temps. Ce britannique connaît sa première consécration personnelle. Pourtant il était admirable dans Bent (en artiste berlinois gay déporté) et Gosford Park. On l'a aussi remarqué dans La mémoire dans la peau, la série pub online de BMW (The Hire) et l'été dernier en Arthur (King Arthur). On le retrouvera dans le très attendu Sin City.
Qui présenterait encore Jude Law. Plus populaire pour sa belle gueule qu'en tant qu'acteur, ce déjà nominé aux Oscars, est en passe de devenir incontournable : en quelques mois, il sera rôle principal, second rôle, invité vedette de 6 films - dont aucun n'a vraiment bien marché!
Et qui oserait détailler la filmo de Cate Blanchett? Il n'y a pas Cate Blanchett? Ah non, il est marqué une certaine Julia Roberts... Blanchett devait jouer Anna. Mais, enceinte d'un second bébé et déjà surchargée de tournages, elle passa le relais. Sony proposa alors LA star. La plus chère, la plus célèbre. A quelques mois près c'était elle qui tombait enceinte. Juste avant sa retraite provisoire, la Julia saisit l'occasion de jouer dans un film d'auteur, avec un réalisateur prestigieux, dans une histoire qui n'a rien à voir avec son registre habituel. Sans aucun projet à date, Julia Roberts cartonne dans Ocean's Twelve actuellement.
Closer est parti pour des scores moins hauts. Logique. Aux USA il a rapporté 30 millions de $, soit un peu plus que son budget, ce qui devrait rentabiliser ce film art et essai. D'autant que Nichols n'a pas fait le racoleur. Il a retiré les scènes où Portman se dénudait. Il estimait qu'elles étaient gratuites alors que l'actrice avait accepté de les tourner. En Amérique, le film est néanmoins interdit aux adolescents à cause de ses dialogues crus et fortement sexuels. De quoi limiter son impact public.
 
 
LOIN DU COEUR, ...

"- Je t'aime et j'ai envie de pisser."

Ne m'en voulez pas. Mais il n'y a que les anglo-saxons pour parler des choses de l'amour. Les badinages franchouillards (Un petit jeu sans conséquence) font pâle figure à côté, question écriture et modernité. Closer est un film contemporain (actuel), dont les dialogues "smart" décrivent avec délectation nos moeurs libidineuses (cf Sex in the City). Ils s'approchent très près de la réalité, nous accrochent avec virulence, et nous reprochent quelques petits défauts.
C'est cru. Chaud. Direct. Franc. Violent. L'intimité est passée au scalpel. dans un décor londonien qui n'a plus rien à voir avec Notting Hill. De la froideur (cimetière, gratte ciel, hôpital, aquarium, espace d'exposition trop vaste...). Mais de la dérision aussi. Ca mord. Les jeux sont cruels. Où est l'amour dans ces liaisons périlleuses?
Situé dans les mensonges, trahisons, tricheries, masques, tristesses, solitudes? Comme dans les photos d'Anna, visages pas si heureux, mais rendus beaux par la magie de la photo...? Les mecs sont perdus, se laissant mener par leurs envies. Coqs en érection. Une folie sourde chez l'un. Une douce immaturité chez l'autre. Les femmes assument leur sexualité, même le scabreux, au nom de leur liberté. La psychologie est précise. Nickel. Ce sont des animaux prisonniers de leurs pulsions qui cherchent à mettre l'autre en cage. Difficile d'affronter la vérité quand on autant de possessivité en soi. Seul vice visible. Les autres n'ont rien de honteux dans ce Kama Sutra verbal. Closer est une histoire d'éclosion : celle de la vérité qui mène à l'identité. Le discours est clinique, le sexe mécanique, les sentiments listés. D'ailleurs, à y regarder de plus près, il n'y a pas de sentiments dans ce film : aucune émotion. Juste ces existences qui nous interpellent face caméra, comme si nous nous regardions dans le miroir. Pourtant ils ne regardent jamais la caméra.
C'est bien filmé. Mike Nichols a su adapter cette pièce en nous faisant croire qu'il s'agissait d'un film alors que ça se lit comme un livre. Il a inventé des scènes, s'est laissé hypnotisé par ses stars, pour notre plus grand plaisir. Le texte faisant le reste. Il revient à ses chroniques des rapports amoureux. On se souvient du Lauréat. "J'étais en patte d'eph quand t'es née." Entre Virginia Woolf et le roman moderne. La morale est d'ailleurs plus européenne qu'américaine.
C'est bien écrit. Ca fonctionne avec des hyperliens. Chaque duo, chaque trio se croisent ponctuellement. Le temps entre chaque intersection n'existe plus, anéanti par un fondu au noir. Le vécu n'intéresse personne. Tout le monde le connaît. Le changement, les mouvements forment le coeur du film. On clique de la sophistiquée Julia Roberts à la provocatrice Natalie Portman, de l'élégant Jude Law au primaire Clive Owen. Quatuor échangiste. Bien joué. Crédible. Le scientifique et le romantique se font une sale guerre d'amour propre. Tous les mecs seraient-ils des salauds? Ou des minables, juste "deux mecs se branlant dans le cyberespace." Ca va loin dans les manigances et sous entendus. Mais si ça a le goût, l'odeur, la manière de la baise, ça n'a jamais la saveur du sexe. Film frigide. On en parle, on le fait pas. C'est virtuel. On ne voit rien mais on y croit. Logique. Le film traite des fantasmes et des insatisfactions. La meilleure scène est une drague factice sur Internet. Ca en dit long sur nos subconscients.
Nous sommes finalement tous des étrangers et des inconnus, les uns pour / contre les autres. Tous les comédiens incarnent avec justesse leur personnage. Du quadrille, on dénote souvent Owen et Portman. Parce qu'ils sont à l'image du texte : âpres, violents intérieurement, menaçants, sans concessions, manipulateurs, intègres, intégristes, francs, absolus. Ils sont cyniques et l'assument, n'acceptent pas la nuance, la subtilité, le compromis. "Vous n'avez aucune idée de ce qu'est l'amour car vous ignorez tout du compromis." Tout est dit, ou presque. Car ce n'est pas pour rien qu'il y a attraction entre Roberts et Law; ils nous attirent avec leur beauté, leur suavité. Ils sont identiques. Ils aiment les mecs comme Owen ou les filles comme Portman, leurs contraires. Ils font face aux problèmes de la même façon, sans heurts, avec douleur. Mais eux sont dans le flou, ne cassent rien, se laissent flotter, quitte à tanguer entre les tentations, à encaisser les coups du destins. Alors qu'Owen et Portman sont les révélateurs, les requins. Désarmante Natalie Portman : dure, allumeuse, songeuse...
De soupçons en offenses masquées, la mauvaise conscience bourgeoise et cette satanée culpabilité créent les rebondissements, les dramatisations. Car, si les adultes sont consentants, l'adultère semble toujours non consenti.
Closer est un thriller psychologique et romantique fascinant. L'amour y est dévalorisé car nous n'avons plus de repère. C'est une monnaie d'échange, avec corps interchangeables. On ne construit plus rien. On ne se construit jamais. Maillons faibles. Il suffirait de comprendre pour se protéger. Mais, trop lâches, chacun s'expose aux blessures irréparables. "- Vous anéantissez ma vie." lui dit-il. Elle, philosophe, relativisant déjà le temps qui passe : "- ça passera." Et nous, ça nous reste.

- Vincy