Production : DreamWorks pictures, Paramount, Parkes/MacDonald, Nickelodeon Movies
Distribution : UIP
Réalisation : Brad Silberling
Scénario : Robert Gordon, d'après les livres de Lemony Snicket
Montage : Michael Kahn
Photo : Emmanuel Lubezki
Décors : Rick Heinrichs
Musique : Thomas Newman
Effets spéciaux : ILM
Durée : 100 mn

Casting :

Jim Carrey :Comte Olaf
Liam Aiken : Klaus
Emily Browning : Violette
Kara Hoffman, Shelby Hoffman : Prunelle
Jude Law :Lemony Snicket
Timothy Spall :Mr. Poe
Catherine O'Hara : Juge Abbott
Billy Connolly : Oncle Monty
Meryl Streep :Tante Agrippine
Dustin Hoffman : le critique

 

 
Jim Carrey
Jude Law
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Lemony Snicket's A series of Unfortunate Events
Les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire d'après Lemony Snicket 
USAi / 2004 / Sortie France le 22 décembre 2004 
 
 
Les Baudelaire sont trois enfants éveillés, intelligents, cultivés. L'ainée, Violette, est très ingénieuse. Klaus a tout lu. Et la benjamine, Prunelle, qui ne sait pas encore parler, sait jouer de mauvais tours.
Mystérieusement, un jour, leur maison flabme, avec leurs parents à l'intérieur. Il est décidé de les faire emménager à 34 rues de chez eux, dans le manoir peu accueillant de leur oncle, le Comte Olaf, comédien raté, trop heureux d'avoir trois esclaves, et impatient de les tuer pour toucher leur fortune.
Mais à la suite du premier complot, les enfants sont placés chez quelqu'un d'autre. Un autre oncle. Eleveur de serpent. Etrange, car les orphelins Baudelaire n'avaient jamais entendu parler de cette étrange partie de leur famille. Ê
 
   Il est censé y en avoir 13. Pour l'instant il n'y en a que 11. Onze romans où d'adorables chérubins innocents subissent les pires calamités. Un hit dans les livres jeunesse. 27 millions d'exemplaires vendus de 1999 à nos jours. La tentation pour Hollywood était trop importante pour être irrésistible. Le producteur Nickelodeon (Les Razmokets, Bob L'Eponge, ...) a acquis les droits des trois premiers livres - The Bad Beginning, The Reptile Room, The Wide Widow - pour en faire un scénario cohérent, appelant une éventuelle suite.
Il faudra 125 millions de $ et les effets spéciaux d'ILM pour en venir à bout. Le retard à l'allumage provient aussi d'un conflit budgétaire entre le studio et le producteur Scott Rudin qui avait engagé Barry Sonnenfeld (Men In Black).
En 2003, le film prend forme. Avec l'aide des producteurs des récents Spielberg et du scénariste de Men in Black II et Galaxy Quest, Robert Gordon, le réalisateur de Casper, Brad Silberling, prend la responsabilité de cette énorme production calibrée pour Noël. Ils ne prennent aucun risque. Le directeur photo (Emmanuel Lubezki) est celui de Sleepy Hollow et du Chat Chapeauté. Le chef décorateur (Rick Heinrichs) a signé ceux de Burton (de Pee Wee à La Planète des Singes). Michael Kahn est le chef monteur attitré de Steven Spielberg depuis Rencontres du Troisième Type. Colleen Atwood est la chef costumière de ... Burton (Edward, Mars attacks, Big Fish...). Ces gens-là savent de quoi ils parlent. Même quand ils choisissent une voiture, ils vont chercher une Tatra 603, vieux modèle tchèque de la guerre froide. Merci Tim.
Comme si cela ne suffisait pas, le casting est tout aussi garanti "box office énorme". Jim Carrey, entre nomination aux Golden Globes (Eternal Sunshine) et hit mondial (Bruce tout Puissant) est au sommet de sa forme. Jude Law est plus ou moins visible dans 6 films cette année (du très bon Closer à l'insipide Alfie, en passant par une apparition chez Scorsese). Timothy Spall a joué les rats dans le dernier Harry Potter, mais ne s'est pas gêné pour brader son talent dans Le dernier samouraï. On le préférait sans doute chez Mike Leigh. Billy Connolly était aussi de l'aventure du Dernier Samouraï. Homme de théâtre, il fut surtout remarqué au cinéma avec La Dame de Windsor. Quelques seconds rôles comme Catherine O'Hara (Maman j'ai raté l'avion), Cedric The Entertainer (Big Mamma), Luis Guzman (Traffic) complètent l'ensemble. Côté enfants, notons surtout l'ascension de Liam Aiken qui était le fils de Tom Hanks dans Les sentiers de la Perdition. Enfin pour finir, il y a Meryl Streep et Dustin Hoffman, le couple de Kramer contre Kramer. Les deux reviennent en force depuis 2 ans. Elle avec Adaptation, Un crime dans la tête, Angels in America, Stuck on you, The Hours... Hoffman aussi varie les registres : mafieux dans Confidence, avocat dans Runaway Jury, loufoque dans I heart Huckabees, producteur dans Finding Neverland, critique ici, beau père burlesque dans Meet the FockersRacing Stripes...
Rien que pour ça ces Désastreuses aventures ont la classe nécessaire pour croquer une grosse part du gâteau des fêtes. Pour le moment aucune suite n'est annoncée.


 

 
LES METAMORPHOSES DU VAMPIRE

"- C'est le Comte dans son jet privé!
- J'ignorais qu'il avait un tel budget.
"

Horreur sympathique ou invitation au voyage? Cette série d'événements malheureux ne fait pas que des heureux. Mais il n'y a pas désastre à bord. La formule n'est pas compliquée : vous prenez le Grinch, vous le transformez en Beetlejuice, vous dosez avec des décors à la Burton, des personnages à la Harry Potter, des situations à la Sonnenfeld et même un début plagiant ouvertement Shrek. Bref, rien de nouveau à l'Ouest (ici Boston et environs). Burton devrait juste réclamer quelques droits d'auteur.
Le manque d'imagination nous permet de soupçonner un manque de sincérité dans cette entreprise de préemption d'héritage (cinématographique) : faire des recettes sur des recettes éprouvées. Hollywood a un sérieux problème à se renouveler et pire, à transposer la magie littéraire sur le grand écran. Pourtant nous sommes prévenus. Avec un ton censément complice, la voix off, représentant l'auteur, ombre chinoise incarnée par l'omniscient Jude Law, apporte le véritable humour du film : regard distant et dérisoire, commentaires ironiques, ... Hélas, Les désastreuses aventures.... ne dépasse pas cette écriture parlée et l'image n'en est alors que l'illustration graphique. C'est assez agréable, rarement ennuyeux, mais jamais envoûtant. Trop artificiel et trop déjà vu. Le comble pour un ouvrage qui se veut déplaisant, cauchemardesque, remplie de sangsues dévorantes et de serpents domestiques. Le problème est double : J.M. Barrie a été bien plus intéressant pour traiter de la cruauté et de l'imaginaire des enfants; et les productions hollywoodiennes sus mentionnées ont banalisé complètement l'aspect visuel de cette "fable".
Le cinéma, impuissant à traduire le sentiment de perte, d'abandon, de mort? Il faut le croire. Puisque c'est dit. Par pudeur, la caméra s'éloigne et observe la scène à distance, plutôt que d'échouer à nous faire ressentir la moindre trace d'émotion. Cruel aveu de faiblesse. Aussi ces aventures demeurent divertissantes, mais n'atteignent aucune intensité, car elles ne sont jamais poignantes. Juste une série de petites histoires malencontreuses où l'intelligence, l'ingéniosité, la culture des gamins éclairés (c'est le bon côté des choses) triomphent de la cupidité et de la vanité du comte Olaf, sorte de Vampire assoiffé d'argent.

Notons que c'est un bébé qui vole la vedette à l'ensemble du casting, plutôt bien choisi. Cela fait plaisir de voir Meryl Streep dans un rôle "désintellectualisé" (quoique, elle serait bonne pour la dictée de Pivot) ou même Jim Carrey s'essayer à égaler Peter Sellers dans un rôle polymorphe, passant de Robin Williams (Popeye) à Christopher Lloyd (Qui veut la peau de Roger Rabbit?). Le Mask n'est jamais très loin. On le paye pour ça : excentrique, égocentrique, il se la pète. Et même s'il encaisse un "Vous êtes trop nul comme acteur", reconnaissons qu'il fait très bien l'oiseau préhistorique. On le préfère en amoureux ou en candide dans des films plus dramatiques. Même si la nature diabolique de son personnage, ici, lui permet de sortir de son costume habituelle. De toute façon, Prunelle l'emporte toujours avec ses remarques sarcastiques. "Navré je ne parle pas ouistiti", lui annonce son adoptant. Le spectateur lui aura le droit à la traduction, souvent hilarante. On se demande qui a 18 mois d'âge mental entre Jim Carrey, sa troupe de dégénérés et elle.
Pour le reste, les gags fonctionnent sur le principe du "double take". A retardement. On les voit venir - souvent - comme on anticipe - hélas - le dénouement des scènes dotées de suspens (la caméra expose ostensiblement les solutions avant même que le problème ne survienne). Monté comme un album de vignettes, le film ne sort pas des sentiers battus du genre. La mort des parents est sujet à divers fantasmes et songeries terrifiantes pour des gamins baladés de familles d'accueil en familles d'accueil. 5 enfants et moi, Harry et cie ne sont jamais que des cousins de ces orphelins Baudelaire.
Les décors et les effets spéciaux ne sont pas à jeter aux sangsues. Le message et la morale de l'histoire sont un peu flous, et le film ne parvient pas à nous expliquer vraiment sa légitimité. Entre arsenic light et dentelles de synthèse, Les désastreuses aventures... flirte avec les contes d'Halloween ou l'étrange Noël de Monsieur Jack, sans la magie et la poésie des uns et des autres. Cette production à sketches promeut la science et la lecture, ce qui n'est déjà pas si mal.
A force de lire des choses horribles, les choses horribles arrivent. Tout se veut irrationnel, défiant la gravité (et les lois de la gravité). Finalement, ce n'est qu'un "pestacle" qui comblera les petits sans ennuyer les grands. La fin, convenue, n'élève pas l'ensemble vers autre chose que ce qu'il est ; un grand guignol, avec ses marionnettes. Loin d'être une gravure fantastique, hélas.

- Vincy