Production : Arte France, Arcapix
Distribution : Haut et Court
Réalisation : Emmanuel Bourdieu
Scénario : Emmanuel Bourdieu, Denis Podalyès, Marcia Romano
Photographie : Yorick Le Saux
Son : François Guillaume
Montage : Rose-Marie Lausson
Décors : Mathieu Menut
Costumes : Charlotte Betaillole
Musique Originale : Grégoire Hetzel
Durée : 88 mn

Casting :

Natacha Régnier (Isabelle Larrieu)
Denis Podalyès (Lucas Duhaut)
Clovis Cornillac (Simon Tuscat)
Emmanuelle Riva (la mère de Lucas)
Catherine Salviat (la mère de Simon)
Nicolas Silberg (Henri Larrieu)

 

 
Natacha Regnier sur EN
  (c) Ecran Noir 96-04
Vert Paradis 
France / 2004 / Sortie France le 18 février 2004 
 
 
Lucas, doctorant en sociologie, retourne dans son village d’origine du Béarn pour y faire une enquête sur le célibat paysan. Il y retrouve Simon et Isabelle, deux amis d’enfance qu’il avait perdus de vue. Voilà de longues années que Lucas n’était plus revenu dans la région. Bientôt, il apprend que, dix ans plus tôt, Simon et Isabelle étaient sur le point de se marier. Faute d’entente entre leurs deux familles ils ont dû se séparer. Leur projet d’union est resté secret. Aujourd’hui, Isabelle vit à Paris, est mariée et employée de nuit dans un centre de tri postal. Quant à Simon, resté au village, il vit seul avec sa mère et s’occupe de l’exploitation familiale.
Persuadé qu’Isabelle et Simon s’aiment toujours, Lucas tente de les rapprocher. Mais il ignore que c’est de lui qu’Isabelle, désormais, est passionnément amoureuse. Pris entre leur solitude et la rémanence de leurs tendres années, les trois amis vont, chacun, s’aventurer dans une quête chimérique : le " vert paradis des amours enfantines ". Un moyen, peut-être, de se réapproprier leurs propres viesÉ
 
   Fils du très célèbre sociologue Pierre Bourdieu, Emmanuel Bourdieu, Docteur en philosophie, mène une carrière d’universitaire en linguistique et philo, de 1991 à 1998, avant de se lancer dans l’écriture et la mise en scène de pièces de théâtre. A ses côtés, Denis Podalyès : ensemble, en 2000 et 2002, ils travailleront sur les pièces " Tout mon possible " et " Je crois ? ".

Parallèlement à sa carrière théâtrale, Emmanuel Bourdieu co-signe les scénarios de Place Vendôme (Nicole Garcia, 1996) et La Nouvelle Eve (Catherine Corsini, 1998). Plus récemment, il travaillait sur le premier film de Valeria Bruni-Tedeschi, Il est plus facile pour un chameau , sorti en avril 2003. Fidèle collaborateur d’Arnaud Desplechin, avec lequel, en 1996 et 2000 il avait déjà co-écrit Comment je me suis disputéÉ (ma vie sexuelle) et Esther Kahn, Emmanuel Bourdieu a dernièrement co-signé le scénario de Léo en jouant dans la compagnie des hommes ; film sorti le 28 janvier dernier et présenté l’année dernière à Cannes, dans la catégorie Un Certain Regard.

Derrière la caméra, sa carrière débute en 1996, avec son court métrage Venise. En 2001, suivront deux autres films courts : un documentaire, Les trois théâtres et Candidature (récompensé du Prix Jean Vigo la même année). En 2002, le Festival de Cannes accueillait son dernier court métrage, La vie comme elle est, dans la sélection Jeunes Talents - ADAMI. Il réalise ici son tout premier long métrage. Du moins, pour ce qui est du grand écran, puisque Vert Paradis n’est autre que l’adaptation cinéma de son téléfilm Cadets de Gascogne (Prix Fipreschi au Festival Cinéma Tout Ecran de Genève 2003) ; une production Arte, elle aussi, qui était diffusée sur la chaîne en décembre 2003.

L’aventure Cadets de Gascogne/Vert Paradis est partie d’une série articles sur le célibat en milieu rural ; une enquête de Pierre Bourdieu, menée dans les années 60. Très inspiré par le travail de son père, le jeune réalisateur s’est ainsi lancé dans l’écriture et la réalisation des deux Ïuvres. Deux productions, conjointement tournées, différentes, d’un point de vue formel, mais convergentes sur un point : le développement de questions anthropologiques.

Réunion de Denis Podalyès, Natacha Régnier et Clovis Cornillac : un trio pour le moins surprenant, dont la composition reste étroitement liée aux différentes notions que le film explore. Emmanuel Bourdieu nous explique : "Denis, Natacha, Clovis et moi sommes très différents, mais nous avons en commun une même approche des sentiments. Nous avons un même fond romanesque, presque fleur bleue, et en même temps, la conviction que ce n’est pas important de déballer ça, tel quel, mais qu’on a intérêt, au contraire, à la contenir le plus possible, à le masquer, et, si ça transparaît malgré tout, à s’en excuser, comme de quelque chose de gênant, que l’on craindrait d’imposer aux autres. J’aime les gens qui, quand ils sont pris d’un accès passionnel violent, au lieu d’en faire part à leur entourage, font tout ce qu’il peuvent pour ne pas lui faire subir ". Tout est dit ! De quoi parfaitement traduire l’interactivité des sentiments et émotions qui anime Vert Paradis.
 

 
RIEN A PERDRE

"- Vos amis, leur vie, elle est aussi tragique que banale ! "

Trentenaires égarés cherchent vies rêvées. Ils aiment, doutent, fantasment, subliment leurs vies, veulent réparer leurs erreurs, leurs silences et absences... Une chronique sentimentale, sur fond de portrait socio psychologique, alliant humour et drame humain, en toute simplicité. Vert Paradis est une fresque philosophique qui jongle avec des thèmes vieux comme le monde : la vie, l’amour, la réalisation de soi et, bien évidemment, le temps qui passe sans retour. Modernité et archaïsme cohabitent, à l’image du décor dans lequel le film est solidement planté (commentaires off à l’appui) : ce sacro-saint combat entre vies rurales et mondes urbains. Prévoyez quelques clichés tels l’incontournable bal du village, ou encore ces fameuses rivalités entre familles d’exploitants agricoles. Un peu trop télévisuel et réchauffé, quelquefois. CQFD. Mais l’essentiel n’est pas là puisqu’il s’agit, ici même, de bâtir une atmosphère génératrice d’un déclic. Déclic à l’issu duquel chacun des personnages va chavirer.

Trois jeunes amis errants pour cause de souffrances ordinaires. En quête d’absolu, ils se plaisent à rêver d’une vie qu’ils pourraient enfin maîtriser. Il règne ici un certain mélange d’inéluctable et d’irrémédiable, plus moins bien dosé, selon l’évolution du récit : deux ambiances tantôt conjointes, tantôt alternées. Complémentarités, contradictions, redondances et métaphores.. Emmanuel Bourdieu manie adroitement les figures de style, autant d’un point de vue scénaristique que filmique : Un peu conventionnel, quelquefois, eu égards aux décors et à l’axe du film, très catégorisant socio professionnellement, mais efficace pour ce qui est de l’intrigue sentimentale. Bien sur, chez le spectateur, la formule est identique : ressentis et attentes sont placés sous le signe de l’ambivalence. Pas toujours très captivant ! Le problème majeur, ici : le rythme. On se lasse très vite de ces longs plans panoramique illustrant le désert campagnard, saturé d’humidité par temps nuageux. Des séquences récurrentes, hélas, auxquelles on s’attend continuellement, y compris au détour des scènes les plus belles et bouleversantes, où le gros plan décortique la psychologie de chaque personnage. Un intimiste étroitement et avant tout lié aux performances exceptionnelles que réalisent les trois comédiens principaux. Individuellement, en duo comme en trio, tous trois crèvent l’écran. Que de superlatifs ! Natacha Régnier, d’abord : sublime ! Elle incarne à la perfection cette jeune femme à la fois forte et fragile, désespérée mais irrévocablement animée d’un exceptionnel dépassement de soi. Clovis Cornillac, ensuite : bouleversant et surprenant comme jamais ! Le comédien se met véritablement à nu. Son jeu est entier dans ce rôle de jeune béarnais prisonnier d’une vie qu’il n’a pas choisi. Et enfin, Denis Podalyès, sincère, authentique, téméraire et enveloppant, à l’image de ce personnage qui, rattrapé et emporté par son passé, n’a d’autre choix que de faire front à sa propre vie.

Générosité, pureté des émotions, de l’amertume au rire : Vert Paradis est une histoire de retour aux sources à la fois voulu et subi ; dans tous les cas obligatoire. Personnages et intrigues évoluent ici au rythme de l’absolu. Coups de cÏurs, coups de gueule, coups de folie : le " vert paradis des amours enfantines " est un lieu aussi léger et futile que grave et déterminant. Alors on adorera ou on détestera... Dans un sens comme dans l’autre, on ne restera pas indifférent.

- Sabrina