ça commence aujourd'hui histoire

"Mais dans quel état ils sont, si petits..."

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  • Synopsis Daniel Lefèvre est directeur de maternelle, à Hernaing, dans le Nord. Fils de mineur, il exerce avec passion son métier d'instituteur, dans une région qui fut riche et qui maintenant est rongée par le chômage.

    Puzzle

    Hernaing, dans le Nord, aux confins de l'Avesnois. Une maternelle, qui ressemble à toutes les autres. Et puis un soir, une maman vient très en retard chercher sa fille à l'école ; au moment de l'embrasser, elle s'écroule sur le bitume de la cour, ivre. Rongée par la honte, elle s'enfuit, abandonnant sa fille et son bébé. Est-elle indigne de son rôle de mère ? La suite du film révélera les difficultés auxquelles son ménage est confronté, entre amour des enfants, chômage et désespoir.

    Bertrand Tavernier s'attache à cette petite commune du Nord, semblable à toutes les autres. Les enfants jouent dans la cour de l'école, rient aux éclats et s'éveillent aux apprentissages de base avec une telle vigueur et une telle innocence qu'on croirait voir les nôtres. Même joie de vivre, même insouciance. A la différence que ceux ci ne sont pas fils de journalistes ou de notables. Ce sont des " ch'tis ", des enfants du Nord, une région ravagée par le chômage depuis la fermeture des mines. Pas de travail - 34% de la population de la commune est au chômage", pas d'argent, et la survie au quotidien. Ici on voit nettement la misère des familles, la promiscuité, les loyers impayés, le téléphone et l'électricité coupés, l'absence de chauffage, le manque d'hygiène, la galère pour se nourrir. Et fatalement le désespoir, l'alcoolisme, le renoncement, la honte, la peur de signaler son cas aux institutions de crainte de voir ses enfants confiés aux services sociaux, le repli sur soi. Alors faute de moyens, certains enfants sont renvoyés de la cantine, et une mère de famille fait vivre les siens une semaine avec 30 F, en achetant des biscuits qu'elle trempe dans du lait. Véridique.

    Côté institutions, le constat n'est pas plus rose : le maire baisse le budget social, et fait de son cheval de bataille de la volonté de chasser de l'esprit commun l'image du Nord associée à Germinal, afin d'attirer touristes et investisseurs. Il se défend en arguant du fait que ses administrés attendent trop de lui, et qu'il ne suffit pas de demander du travail au maire pour décrocher un emploi, que " chacun doit prendre ses responsabilités ". Pendant ce temps, les acteurs sociaux travaillent dans des conditions totalement inadaptées : 1 médecin et 4 puéricultrices pour 5000 enfants et 300 familles en difficultés. Comment assurer le suivi des cas signalés dans ces conditions ?

    Et l'école dans tout ça ? Elle doit assurer sa mission, éduquer et enseigner aux enfants les apprentissages de base : politesse, éveil, comptines ... Et ce malgré le manque de moyens : lenteur administrative, difficultés pour rencontrer les acteurs sociaux, manque de médecins scolaires ... Fatalement, les problèmes familiaux perturbent la scolarité des enfants : il arrive par exemple que, lassés par des années de chômage, les parents ne se lèvent plus pour emmener leurs enfants à l'école, perturbant ainsi le développement de leur enfant et amenuisant ses chances de réussite, et donc de s'en sortir ... Face à ces situations dramatiques, l'inventivité et l'investissement des enseignants sont multipliés, et ceux-ci sont loin de se limiter au strict règlement : qu'importe leur note administrative, fixé par l'inspecteur de circonscription, face à la réalité du terrain et la détresse de ces familles. Loin de l'image de l'enseignant-qui-fait-ce-métier-pour-avoir-des-vacances, on touche de près la réalité du terrain pour bien des enseignants à l'heure actuelle.

    En résumé, Ça commence aujourd'hui est une bombe. Pas un brûlot politique, ni une attaque directe des institutions : la dimension politique, bien qu'évidente, sait rester discrète et ne pas envahir l'écran. Le film se pose simplement comme un constat social. Et c'est bien ce qui est le plus marquant. Comment rester neutre devant la pauvreté et le combat quotidien qu'est la vie de ces enfants, de ces familles ? Bertrand Tavernier émeut et révolte à la fois le spectateur, par un discours qui sonne étonnamment juste, en grande partie parce qu'il ne tombe jamais dans le misérabilisme.
    FML / 13.02.99


    (C) Écran Noir 1996-1999 / Distribué par Bac Films