Filière Quali

Les films pour ados sont au cinéma ce que les farines animales sont à l'élevage bovin.
Il suffit de broyer les vieilles carcasses de series B des années 70 en les vidant de leurs propos politiques et subversifs, de pomper les recettes des films d'horreurs des années 60 ; le tout en agitant le label filière qualité marketing, et le tour est joué ! Intoxication visuelle immédiate !
Contrairement à la maladie des bovidés, le temps d'incubation de ces images prédigérées est très rapide. D'où le succès actuel de Scary Movie, BlairWitch, des mélos à 1,312 euro (soit 2 francs !), des films de kung-fu pour jeux vidéos ; toujours en tête du box office...
J'en entends déjà certains s'affoler : Alors même le pop corn est transgénique ? Ça, c'est fait depuis longtemps. Vous pouvez continuer à grossir sans remords !
Ceci serait plutôt un édito dissident désireux d'éveiller le discernement chez mon lecteur-spectateur par des questions du style : allez-vous au cinoche par défaut, parce qu'il faut bien boucher le trou du samedi soir en prenant plaisir avec un cinéma régressif et scato pour ados attardés ou..., décidez-vous d'aller voir un film pour être émerveillé, dérangé, pour remettre en question vos préjugés, titiller votre désir, éveiller votre curiosité, changer de point de vue ? La deuxième proposition n'empêche pas les larmes, la peur, le rire. Bien au contraire. Elle demande juste un peu plus d'exigence dans le choix des films. Bref, une autre façon de consommer le cinéma.
Hélas, je crains que le public actuel n'aille au cinéma comme il va aux putes. On lui propose même de baiser au forfait ! Un peu comme le téléphone portable : moins il a de choses à dire (où à voir), plus la durée des forfaits augmente et plus le tarif à la minute baisse !
Votre chroniqueur préféré, adolescent à la fin des années 80, a été nourri aux Affranchis de Scorsese, aux Liaisons Dangereuses et Arnaqueurs de Frears aux ressorties des films de Kubrick, au Robocop Verhoeven, aux films de Coppola, Lynch, Cronenberg, Sautet, Rappeneau, Annaud et j'en passe...
A l'époque pas un seul film pour ados. Si ? Ah oui, pardon. On me signale le Grand Bleu de Luc Besson. Désolé. Mes condoléances. En tout cas pas un seul multiplexe qui diffusait en masse ces nanars et pas de forfait à prix cassé pour se goinfrer sans réfléchir. Eduqué au films adultes (d'esprit adulte, je précise pour les obsédés !) j'ai donc évité de justesse la lobotomisation en masse de la génération des années 90 par la méga-giga Jeun's culture de la World Compagny du producteur Kreutsfeld-Jacob.
Car à l'heure où les plus grands groupes dits de communication (AOL-Time Warner, Vivendi Universal,..) investissent dans ce qu'ils considèrent comme la matière première du commerce international, l'image, engendrant un peu plus le nivellement de l'imaginaire par le bas, il est devenu plus qu'impératif d'aiguiser son sens critique.
C'est pourquoi, en guise d'antidote, je vous prescris le re-visionnement de Zombi, film de George Romero datant de 1978 qui montre la décomposition par contamination d'une société de consommation où les individus se transforment petit à petit en morts-vivants, poussant leurs Caddie dans les allées d'un supermarché. "Ils faisaient la même chose de leur vivant" précise le dialogue...

Bon appétit !

C.L.C. 22/11/00  
 


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