Septembre 98
SOMMAIRE Opinions Cannes Rappel historique : le verbe divertir contient plusieurs acceptions :
1/ détourner, éloigner 2/ soustraire à son profit 3/ distraire en récréant En philosophie, le mot distraction signifie occupation qui détourne l’homme de penser aux problèmes essentiels qui devraient le préoccuper.
[© Volute productions 1996-1998]
Des Vessies pour des Lanternes... (I)
A l’époque de la Renaissance, les oeuvres les plus prisées du public étaient les peintures en trompe-l’oeil. Pendant ce temps, de Vinci, Michel-Ange, Van Eyck, Botticelli, Mantegna, Raphaël peignaient...
La culture de l’oubli
A l’image des journalistes américains qui se sont contorsionnés en euphémismes pour ne pas nommer une tache de sperme sur la robe bleue de la grosse Monica, les pontes des studios Hollywoodiens continuent de nous faire avaler leurs vulgaires produits marketing pour des films qui font l’événement.
"Dans les années 70, les films catastrophes jouaient sur la faillite de la toute puissance de l’homme imbu de lui-même (...), la chute de tout son système technologique (...) le conduisait droit à l’abîme." L’homme en ressortait meurtri, marqué par l’événement mais plus humble.
"Aujourd’hui, l’homme n’est plus tenu pour le responsable des catastrophes. Déresponsabilisé, il ne lui reste qu’à s’inventer son super héros, un deus ex machina", Ph -J. Catinchi (le Monde - 06/08/98)
Différence sémantique de taille !
Dernier avatar de cette idéologie conservatrice, nationaliste et ringarde surfant sur la vague pseudo-millénariste, l’Armageddon s’inscrit dans la suite logique de la série catastrophe qui a débuté avec ID4, et qui s’est poursuivie avec Rock, Twister, Godzilla, Deep Impact... Dans ces films la destruction est spectacle et le spectateur, un témoin oculaire dégagé, repu dans son fauteuil ; avec pour seule morale lénifiante : les américains sont les seuls à pouvoir sauvés le monde. Amen.
La représentation du monde qu’impose ce type de cinéma de marché est d’autant plus normative qu’elle reflète la vision craintive et puritaine d’un monde politiquement unipolaire, dirigé, comme chacun sait, par les Etats-Unis. Et il semble qu’Hollywood ait du mal à aborder le monde autrement que de son point vue mercantile...
Face à cette politique du divertissement contrôlé, il devient difficile de déceler quelque soupçon de sens critique chez le public. Et ceci pour deux raisons.L’ère du sous-vide
Ce cinéma de fête foraine participe de la culture consumériste qui fait d’un film un produit digéré et aussitôt oublié par le spectateur.
Mâché tel un chewing-gum pour son goût éphémère puis jeté dès la sortie de la salle, le film fait partie d’une chaîne alimentaire dont la devise pourrait être : "vide ton cerveau et remplis ton estomac!" Pop-corn et boissons pendant la séance, Mac Do à la sortie, produits dérivés, jeu vidéo et enfin la K7 vidéo du film quelques mois après.
La logique, poussée jusqu'à sa fin, justifie elle-même ses moyens comme l’explique très précisément Carlos Prado (Le Monde Diplomatique - Mai 1998), "le film est lui-même devenu une sorte d’espace publicitaire par le biais de l’utilisation, au cours de la narration, d’objets et produits de marques (...) Le nec plus ultra en la matière réside dans le mariage entre le placement de produits lors du tournage et le tie-in : promotion croisée entre la campagne d’une marque, présente ou non dans le film, et celle du film lors de l’exploitation de ce dernier. Ray Ban a ainsi triplé les ventes du modèle de lunettes porté par les héros de Men in Black". Independance Day et le dernier James Bond répondent de cette politique de promotion.
En l’absence de scénarios, ces films de producteurs répondent généralement au diagramme type connu et rodé aux Etats-Unis depuis les années 50 : la matrice fonctionne sur un pic émotionnel (scènes d’actions, d’amour, d’humour en alternance) toutes les 7 minutes (ou multiple de 7) entrecoupée de scènes dites mineures de progression de l’intrigue (voir Lethal Weapon Quatrième du nom par exemple...).
A ce stade de cynisme, le mot cinéma n’a plus lieu d’être.SUITE de l'EDITO: Portrait robot du spectateur
C.L.C.