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La première question concerne votre film Capitaine Conan. Pourquoi vous êtes vous penché de nouveau sur la Guerre 14-18?
C'est pas exactement que je me suis repenché, je me suis repenché sur un livre que j'ai trouvé extraordinaire...C'est vrai que ça faisait longtemps que j'avais depuis longtemps envie de faire un second film sur la guerre de 14-18, mais le déclic ça été l'extraordinaire dualité du livre de Roger Vercel (1) et
surtout les personnages à la fois complexes, dramatiques, touchants, qu'il mettait en scène...cette histoire d'amitié entre Conan et Norbert, moi m'a complètement re-fasciné..; car c'est un livre que j'ai découvert avec passion quand j'avais 15 ans.
Donc vous avez pris connaissance de ce morceau d'Histoire de France...câest une partie de l'Histoire de France qui est très peu connue. Personnellement je ne l'ai jamais apprise dans mon lycée....
Bah vous savez, s'il fallait faire une sorte de hit parade des moments oubliés de l'Histoire de la Guerre de 14-18, qui est elle-même tristement oubliée, je crois que celui-là arriverait en tête. C'est le moment oublié d'une guerre oubliée. Et c'est un moment oublié pour beaucoup de raison: d'abord parce que le gouvernement français a tout fait pour qu'on l'oublie.
Puisqu'il a quand même maintenu dans un état de guerre, tout à fait hypocrite, plusieurs dizaines de milliers de soldats alors que l'armistice était signé depuis plusieurs mois...ça veut dire qu'il ya des gens qui sont morts alors qu'on était en paix.
Oui oui, tout à fait.
Donc il avait tout intérêt à ce qu'on ne vienne pas poser des questions puisque ces soldats qui sont morts ne figurent sur aucun monument aux morts...ils sont pas morts, ils sont pas morts en guerre en principe. Ce sont des victimes de temps de paix. C'est des gens qui ont été tués par l'absence de guerre...c'est formidable!
C'est quand même assez extraordinaire... Il y a toujours chez vous un côté pédagogique dans votre cinéma...même quand vous faîtes des zooms sur la société comme dans L'Appât ou L.627, on a presque l'impression de voir un film fait par un professeur ...
...Dans le bon sens du terme, dans le bon sens du terme...j'ai connu d'excellents professeurs...
Je ne me sens pas professeur, j'ai envie de...je me sentirais plutôt explorateur...je ne me sens pas plus professeur que Zola ne pouvait se sentir professeur quand il faisait Germinal ou Renoir quand il allait évoquer des bouts de l'Histoire peu connue dans La Grande illusion.
C'est qu'on a envie aussi de parler de personnages historiques....c'est vrai que j'ai envie de parler de personnages d'époque, de milieux sociaux qui ne sont pas forcément à la mode, qui ne sont pas forcément ceux dont tout le monde parle. J'ai envie, plus qu'être professeur, de faire partager aux gens ce qui provoque ma passion, parfois ma colère, mon ironie ou ce qui me fait rire ou ce qui m'énerve. J'ai envie de le faire partager; c'est pas forcément professoral. J'ai pas envie que les gens apprennent des choses. J'ai envie qu'ils découvrent. Ce qui n'est pas la même chose.
A nous après dâaller plus loin si on a envie d'apprendre...?
Oui, et après à vous....Le film est tout sauf pédagogique puisque Capitaine Conan épouse le point de vue de gens qui n'ont qu'une vision fragmentaire de la situation. Donc le film lui-même n'est qu'une vision fragmentaire. Parce que si on veut faire un film historique qui soit juste, y a que comme ça qu'on peut le faire. Enormément de films historiques sont fait par des gens qui arrivent à exposer une situation avec beaucoup de clareté parce qu'ils donnent des explications a posteriori, qui ont été fabriquées 30 ans plus tard.
Mais les gens qui l'ont vécu n'avaient pas ce genre de conscience. Si vous voulez c'est Fabrice à Waterloo, c'est très simple, c'est Fabrice qui n'a jamais conscience de son rôle à la bataille de Waterloo (2), si on est en train de gagner, si on est en train de perdre...moi j'ai toujours été sensible à ça. Surtout quand on fait un film historique, surtout quand on veut épouser le point de vue des gens qui sont en bas, qui sont des gens qui souffrent, qui ceux qui réellement font le boulot, et bien à ce moment là, il ne faut pas filmer ça comme un Général.
Capitaine Conan c'était en 1918. Aujourd'hui nous sommes en 1997, on a le même problème de désinformation je dirais: on essaie encore de nous cacher certaines choses...
Oui! Regardez par exemple la Guerre du Golfe...
Oui...
C'est quand même sidérant...Parce qu'on vous dit: quand même, Conan....L'Histoire est un des moyens formidables pour amorcer la réflexion. Pour provoquer les déclics. Quand on peut se raccroche à l'Histoire, tout d'un coup, c'est comme si on jetait des coups de projecteurs aussi sur le présent.
Capitaine Conan, l'arrière plan historique de Capitaine Conan a été occulté par une vaste désinformation. Ça c'est vrai. La Guerre du Golfe, qui est soi-disante la Guerre la plus couverte médiatiquement,...c'est seulement maintenant qu'on commence à apprendre qu'il y a eu en fait des masses de victimes qui ont été blessées, abîmées par des armes chiniques. Ça nous avait été soigneusement caché. Y avait toutes les télés du monde. Et on s'aperçoit que la trop grande..comment dire...la trop grande condensation, la trop garnde densité d'informateurs au mètre carré n'est pas garante d'une qualité de l'information. Ni de sa véracité.
Pour changer de sujet...vous êtes actuellement à Québec pour pomouvoir votre film, dans le cadre du Festival du Film Français...est-ce que vous pensez qu'il sâagit d'un bon moyen pour défendre la francophonie aujourd'hui dans le monde? Parce que je sais que vous en êtes un ardent défenseur....
C'est un des moyens...je pense que de toutes les façons il faut le faire. Je pense que de défendre ...Défendre le cinéma Français c'est aussi défendre le cinéma Québécois. Je pense que toute défense du cinéma Français passe par une défense du cinéma québécois. Et réciproquement.
Donc, parce que finalement on est assez proche, parce qu'on doit résister face à l'espèce d'hégémonie américaine, et parce qu'il faut que les gens aient accès à d'autres imaginaires que l'imaginaire américain. Alors y a des dizaines de moyens comme ça, y a des moyens légaux, une manière de faire des films, peut-être un peu différents, qui se posent un certain nombre de questions, mais il y a aussi ces manifestations: parce que non seulement ces manifestations provoquent tout un écho, une couverture médiatique, mais aussi elles entraînent des rencontres entre les professionnels, entre les créateurs et de ces rencontres naissent des réformes, naissent des idées de co-productions...donc on a tout à gagner...tous à gagner.
Le téléphone est en train de se casser la figure...
C'est la réalité là.
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