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Rentrez dans le "l'art"
Théâtre du Rond Point des Champs Elysées
15 septembre-6 novembre
mise en scène, auteur : Jean-Michel Ribes
avec Annie Grégorio, Christian Hack, Patrick Dutertre, Eric Verdin...
Ribes aime les situations absurdes, l'écriture par sketches, le regard qui croque sous la dent, les mots acides et savoureux. Finalement Musée haut Musée bas est à l'image de ses oeuvres : un décor qui en met plein les yeux, même épuré, un bordel humain galvanisant, un comique qui navigue entre l'humour noir, la répétition aliénante, et une dérision burlesque.
Si l'ensemble paraît un peu long, si certains "morceaux" sont plus ou moins égaux, plus ou moins bien écrits, la pièce devient rapidement un divertissement haut de gamme et une création plus intéressante que la moyenne contemporaine. Pas seulement sur son sujet. Qu'on connaisse ou non Kandinski, peu importe. C'est à la fois la perception qu'on a de l'art moderne et l'observation des "consommateurs" de cet art qui est au coeur des textes. Et ça égratigne sec. De l'absence de limites des artistes (et la complaisance du public) jusqu'au snobisme de l'élite, en passant par les dérives du consumérisme artistique, chaque scène révèle un art malade, qui se cherche, dans des lieux a priori fermés.
Pourtant ces lieux vivent : la nature est toujours la plus forte jusqu'à les envahir, les publics y dialoguent, s'y agitent, les employés y dansent (à la Demy). Métaphore (involontaire?) du théâtre, parfois lieux morts mais toujours habités par le spectacle vivant.
Et le spectacle ici est bien vivant (même si l'on décompte une morte, devenue oeuvre d'art avec la mite tuée deux secondes plus tard). Pas de tabous. Juste du discours. Et le jeu des acteurs qui prennent un vrai plaisir à cabotiner, s'amuser, délirer. Avec quelques comédiens aux avant postes, la pièce, bien montée, nous démontre surtout que l'art est social, humain, économique, psychologique, communicatif. Bref essentiel. Qu'il soit enfermé dans un musée ou pas, moqué dans un théâtre (et soutenu par le public), l'art est avant tout le reflet de nos vies, nos détresses, nos désirs.
Issu d'une génération adepte des surréalistes, Ribes explore sur un autre support cet effet de miroirs déformants. L'art, comme la vie, sont finalement très fragiles. En secouant trop, ça peut casser. Ici, ça passe.
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