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Tous dans le même Sachs
de Molière (musique de Lully)
Au Théâtre de Paris, du mardi au samedi à 20h30
Mise en scène : Alain Sachs
Avec Jean-Marie Bigard, Catherine Arditi, Grégori Baquet, Charles Ardillon, Nadège Beausson-Diagne, François Camus
Sans préjugé aucun, revisiter Molière pour lui donner de nouveaux atours, contemporains, n'avait rien de présomptueux. Las, si le texte est respecté, l'ensemble cible davantage les amateurs de télévision que de théâtre. Trois griefs par ordre croissant.
Le décor. Un Décathlon sur scène, non seulement moche, mais en plus mal foutu pour les chorégraphies. N'est pas Demy qui veut.
La direction artistique. On surfe sur les tendances du théâtre public et des banlieues. Après le mélange hip-hop/Rameau, voici le mix gothique/rap. Vision noire et blanche de la jeunesse. Méprisante. Cliché. Un peu comme on exhibe les djeunz chez Drucker. Aucune originalité,www.cheapmenswatches.org que du plagiat. Aucune transgression, juste de la soupe populaire où l'on va bousculer le bourgeois avec des airs de MC Solaar et un look à la Matrix. Lully n'est même pas revu par un DJ électro. Vague remix seulement. Si bien que le gentilhomme Bigard (qui clame comme du Bigard, et fait ce qu'on attend de lui, pour le bonheur de son public) n'est pas "choqué" ou "déboussolé" mais juste en phase avec cette culture de supermarchés.
Enfin accusons Alain Sachs, qui après avoir opportunément adapté La Locandiera, s'assure un gros coup médiatique avec un projet qui prose plus haut que son cul. Lifter pourquoi pas, mais dans ce cas, allons jusqu'au bout et avec intelligence. plutôt que de flatter le peuple dans le sens du poil, relevons la subversion de la pièce. Même si ce n'est pas le meilleur texte de Molière, il y avait matière à provoquer quelques réflexions. Au lieu de cela, la pauvre Catherine Arditi est transformée en bobone cocue au foyer d'un autre temps, les jeunes sont précarisés dans la joie et la bonne humeur, le Bourgeois cherche à "rajeunir" mais pas à "s'élever" ou se cultiver (pauvre société!). Mais le pire est à venir : dans ce décor consumériste (tout un symbole pour une pièce clientéliste), les Turcs sont vêtus de belles étoffes du XVIIème siècle. Anachronisme esthétiquement contestable (ça va très mal avec les baskets et raquettes de tennis) et politiquement insupportable quand on imagine le potentiel d'un tel message aujourd'hui. On aurait aimé voir une troupe arabisante, Emirs ou banquiers, bien chics en Prada ou en Cerruti, draguer ce patron franchouillard. De peur de froisser les sarkozystes et autres populistes du public, on fait passer les Turcs pour des "enturbannés" d'un autre temps.
Mis en scène avec les pieds, à l'aise dans ses baskets malgré les énormités du concept, ce Bourgeois est aussi prétentieux que son personnage. Et malgré les apparats du "modernisme", la pièce semble d'un autre temps. Sachs a loupé son coup, et pris un coup de vieux, en ne liftant que les rides. La jeunesse c'est dans la tête.
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