|
Grelots grelots dans la case
Compagnie Les Chiffonnières et le Quarantième rugissant
inspiré de Moby Dick de Melville, Le Crocodile de Dostoïevski, Le Pêcheur de Tolède de Tchekhov
création collective le Cinérama et les Chiffonnières
musique Natacha Muet, Piero Pépin
textes des chansons Camille Trouvé
sous la roulotte-théâtre du Cinérama installée dans le square au thépatre de la Commune (là où l'a vu) :du mardi 25 avril au samedi 20 mai 2006 à 21h ; en tournée : Mirepoix, Aurillac, Charleville-Mezieres, Antony, Champs-sur-Marne
Cela fait longtemps que vous avez été voir un spectacle de marionnettes ? Oubliez vos préjugés : il ne s’agit ni de guignol ni d’histoires simplettes. Les Chiffonnières et le Cinérama ont adapté trois histoires de Melville, Dostoïevski et Tchekhov. Trois histoires de fous, évidemment. Non dénué de noirceur humaine, ces monstres que sont les héros – un capitaine psychotique, une animatrice télé sans vergogne, un inquisiteur despotique – manipulent amoureux et rêveurs, curieux et audacieux.
Mais au-delà des ces récits romanesques et baignés d’imaginaire (des océans de Moby Dick à l’Espagne du pêcheur de Tolède en passant par le zoo du Crocodile), les troupes nous offrent un spectacle majestueux et ambitieux, où les petits effets se succèdent, sans jamais décevoir. Toutes les promesses sont tenues et lorsqu’on s’interroge au fil du temps sur l’inspiration qui pourrait être en panne, brutalement, ils répondent avec un plaisir évident en déjouant nos inquiétudes et livrant, sans surenchère superfétatoire, un supplément de magie.
Drôle et incisif, émouvant et créatif, nous sommes embarqués (bien que mal assis dans cette roulotte de saltimbanques) dans un voyage irréel où les marionnettes ne manquent pas de caractères, animées par une troupe qui ne désarme jamais. Parfois cela vire à la satire (Mickey qui déprime grave parce que Minnie est parti avec Donald) ou à l’absurde (une bête qui rêve de clamer du Racine). Mais le sous texte est plus grave, pointant la folie de l’illusion, des médias, de la religion.
Avec ce triptyque tout public, ponctué d’intermèdes gouailleurs et musicaux, Le bal des fous nous émerveillent avec ces grands classiques qui ne manquent pas de dimension cinématographique, prenant du relief tantôt avec une baleine qui grossit, tantôt avec un mystérieux crocodile ; ou mieux encore avec ce géant venant du ciel, envahissant la petite salle et voulant nous faire peur avec ses dogmes ridicules mais démentiels.
Il y a des morales à cette histoire. L’amour ne triomphe pas toujours, la célébrité n’est qu’un pis aller, tous ces leurres masquent nos peurs. Imaginatif, mais un peu désespéré. Cet artisanat précis et séduisant pousse à chaque fois son cri de détresse : «Qui nous manipulera demain sans intermittents ? » Sans les rêveurs, place aux dictateurs. Le Roi lear disait "c'est un malheur du temps que les fous guident les aveugles." Le bal n’est pas si fou. Il vaut même le coup.
|