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Contes de la folie ordinaire
Théâtre du Rond Point
Nathalie Baye, Zouc par Zouc, l'entretien avec Hervé Guibert
du 10 octobre au 30 décembre 2006
Hilda, de Marie NDiaye
du 19 octobre au 25 novembre 2006
Elle est belle. Radieuse. En pleine lumière. Ne le dîtes à personne. Sa langue fourche. Son texte cafouille. Peu importe. Nathalie Baye attaque son monologue, prend des risques, se plante. Les gros mots sont trop élégants. La vulgarité n'est pas habitée. De fait. Si l'on attend que Nathalie soit Zouc, ce sera raté. Elle n'est pas grosse, ni même
enfant, la voix est clairement différente. Plus grave, plus séduisante. Trop? Baye est une sorte de Zouc muée en fantasme, métamorphosée en couverture de magazine. Un peu la citrouille qui devient carrosse. Si vous attendez du Zouc, c'est perdu d'avance.
Nathalie Baye ne fait que réciter un texte alliant la folie apparente à l'ultrasensibilité évidente. Si l'on aime la comédienne, l'heure de
monologue passera comme un Paris-Lille. Si l'on ne supporte pas ce genre d'exercice, l'impression sera plus proche d'un TER Paris Chartres.
On note surtout la très belle langue de Zouc, une
écriture lucide et imagée. Un regard sur les gens, les choses. Anti bourge, anti curé. Les malades sont des êtres humains comme les autres. "Je les aimais parce que j'aimais leur souffrance."" Baye n'a plus d'air. Asphyxiée par cette Zouc omniprésente. Une toux inopinée lui sauve son jeu, elle respire un grand coup, se lache, enfin. Le corset pète.
Ce que l'on peut reprocher à Nathalie Baye ce n'est pas tant d'être elle même et de bien dire les mots, ce n'est pas tant de ne pas être Zouc,
c'est finalement de rendre trop sage cette folie. la faute à une mise en scène trop chic, trop froide, trop égocentrée. Pas assez démesurée. Nathalie est assie, alors qu'il faudrait qu'elle soit debout. Baye plie son mouchoir quand elle devrait s'époumoner.
... L'inverse de Hilda, au même Rond-Point. Quand tout empêche Baye de sortir de cette posture de femme assise interviewée, voguant dans
ses pensées, disparates, la pièce de Ndiaye pousse les murs, tord les mots, nous entraîne dans une oppression aliénante. La prison pour l'un et la cage de l'autre. Chacun ses barreaux, chacun son bourreau. Pas convaincu par le jeu de l'actrice principale, on est séduit puis envouté par la disposition des actes, la scénographie imagniative, la force d'Ali Esmili, tout en silence et en détresse. Les débuts nous perturbent. La fin nous anéanti. Nous découvrons alors à quelle emprise nous avons succombé. Quel piège s'est refermé. La possessivité, l'envie, la jalousie : les névroses contemporaines font de Hilda (autrefois incarnée par Zabou Breitman) une pièce où le féminin détruit le masculin, et se détruit avec. C'est à la fois tragique et sordide. Epuré, cérébral. Mystérieux. Peut-être, dans les deux cas, cette haine d'une bourgeoisie arrivée, et cette liberté désirée des femmes et des hommes croyant encore à un avenir rouge et lumineux.
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