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Le Diable bouffe chez Nobu
The Twins of Tirbeca, Projection très privée à Tribeca
de Rachel Pine, éd: Marabout (coll : Girls in the City)
500 pages ; traduit par Sylvie Del Cotto
L’écriture est facile, futile, peu porteuse d’émotions. On en viendrait à maudire la traduction tant le style souffre de simplismes littéraires. Journal manière Bridget Jones, s’étalant sur un peu plus d’un an, entre une embauche à la veille de la Cérémonie des Oscars et une fin qu’on ne vous révélera pas. On imagine juste la bête de travail qui écrit complètement lessivée, essorée, asséchée. Le livre sert-il de thérapie ?
Rappel des crimes et délits. Une employée s’ennuie chez CNN. On lui propose un poste d’assistante de la direction de la communication d’un studio de cinéma new yorkais, indépendant, produisant aussi bien des films comme Le pilote étranger (et sa tonne d’Oscars) que 86, Flicville (avec « Fly ») que Le Corbeau II. Les frères Waxman remplacent finalement les frères Weinstein. Projection très privée à Tribeca est un condensé « light » de la vie inhumaine à Manhattan, de la folie pathologique du 7e Art, et de l’humiliation subis par les employées de nos jours.
L’industrie du rêve dévoile sa réalité cauchemardesque. Au fur et à mesure que nous visitons les coulisses - on y croise De Niro, Woody Allen, Jackie Chan et autres Ralph Fiennes – l’enfer nous est décrit : harcèlement moral, esclavage, caprices, soumission et domination, incompétence, et la listes des manipulations est infinie. Le Diable s’habille en Prada, il faut croire qu’il s’est dédoublé. Il y en a une chez Vogue (elle fait d’ailleurs une apparition dans le livre) et deux autres chez Miramax. Ils semblent faire des émules.
Sur les méthodes de travail (hallucinantes et anarchiques) comme sur les processus de mise en marché des films, l’ouvrage s’avère plus intéressant que son témoignage de midinette assez superficiel. La manière dont sont gérées les sorties comme les Oscars définit le cynisme mercantile de cette profession, le pouvoir du producteur américain, l’attitude d’enfants gâtés de cette élite.
Les presque 500 pages se lisent d’une traite. Niveau blog en littérature. Les fans de cinéma de cette époque (1996/1997) seront ravis de rentrer dans les petits secrets de ce studio magique (en extérieur). Morale de l’histoire identique à celle du Diable s’habille en Prada : l’exploitation professionnelle est toujours plus forte que les ambitions et autres fantasmes glamour. Elle laisse de trace mais nous fait aussi comprendre où se place notre liberté. En anglais, le roman s’intitule The Twins of Tribeca. Tribeca se situait à l’ombre des tours jumelles du World Trade Center. Il s’agissait du QG des deux jumeaux qui avaient fondé Miramax (leur portrait est monstrueux). Comme les deux Tours, ils se sont effondrés, revendant leur empire à Disney. Colosses aux pieds d’argiles. Voilà la seule morale de l’histoire, pleine de dollars et d’indécence.
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