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De quoi encore la désaimer...
Bad love, roman de Catherine Breillat
Editions Léo Scheer, 145 pages
publié le 3 septembre 2007
Si Catherine Breillat parle si mal d’amour, c’est qu’elle n’y croit pas. Catherine Breillat croit à la haine, aux rapports de force, au mépris. A l’empire de l’égo. Comme nombre de ses contemporains, elle est poursuivie par l’obscure terreur de se faire surprendre en flagrant délit d’innocence, ou de niaiserie, c’est selon. L’amour n’est donc pour elle, comme pour tant d’autres, qu’un instant de répit, une courte trêve nécessaire pour reprendre des forces et repartir à l’assaut. Le romantisme préfreudien et la psychanalyse banalisée n’ont pas tué dieu, c’est l’ouverture à l’autre et la spontanéité qu’ils ont poussés à l’agonie.
Tout Bad love pourrait se résumer en cette anecdote située à la fin du livre : lorsqu’il pose pour une photo avec une fiancée, Louis a la fâcheuse manie de faire les cornes avec ses doigts, « le V de la victoire » qui tend à vouloir matraquer un recul ironique et rend les liaisons désespéramment banales et prosaïques. Chez Breillat, on pense beaucoup mais on ne pense qu’à soi. A force de vouloir déjouer toute espèce de lieu commun amoureux, elle en tue aussi toute la vérité. Comment croire un instant en une histoire d’amour où les intéressés sont sans cesse en train de gloser sur eux-mêmes et de s’épier comme des insectes à écraser ? Même le désir en est absent. L’autre ne fait figure que d’objet de convoitise. Quand il n’est pas un danger à abattre pour préserver son individualité, ou à tenter pour satisfaire une sourde pulsion d’autodestruction. On sait tous que Breillat se gausse des contes de fées. Son Cendrillon ne semble motivé que par le goût de la conquête difficile et de la revanche sociale, sa princesse par celui du danger et de l’humiliation.
Ce roman est avant tout un projet de film, avec dit-on Christophe Rocancourt, ex-escroc médiatique à qui le livre est dédicacé, et Noémie Campbell ex-top model. Breillat est une cinéaste de caractère, radicale et brillante, en témoignent Brève Traversée, A ma sœur ou encore Sex is comedy. Elle n’a jamais exploré qu’un seul type de féminité et qu’un seul type de masculinité mais elle y a excellé à chaque fois, en entretenant une équivocité certaine entre critique de ces schémas identitaires imposés par la culture judéo-chrétienne et adhésion. Bad love ne ressemble en rien à une histoire de passion amoureuse. Il ne constitue que la tentative de confrontation entre ces deux figures antagonistes et complémentaires qui l’occupent depuis des années : la féminité masochiste et la masculinité conquérante. Or, de son propre aveu, Breillat avait déjà tout dit après Anatomie de l’enfer. Elle ne pouvait, il est vrai, aller plus loin. Bad love est donc à prendre pour ce qu’il est. Au pire un roman insignifiant, au mieux un synopsis amélioré, un document pour les fans impatients de voir le prochain Breillat sur les écrans.
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