A-C D-K L-O P-Z
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Octobre 2007
PARANOID PARK
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Il est introduit avec une citation de Fiodor Dostoïevski dans Crime et châtiment. «Jeune homme, reprit-il en se redressant je crois lire de l’affliction sur votre visage. »
On croirait voir le visage du skater filmé par Gus Van Sant. Le roman de Blake Nelson commence un 3 janvier à Seattle. « Me voici arrivé dans la maison de plage de mon oncle Tommy. Il est environ neuf heures du soir. Je suis à l’étage, tout seul. J’ai mon style, mon cahier à spirale... » Les images reviennent. Le film réapparaît sous nos yeux. Si ce roman a des airs de journal intime, il en a même le style parfois un peu parlé, il se délie surtout dans ses dialogues. La confession croise les faits, le subjectifs s’emmêle avec l’objectif. Même le dépucelage est banal. Une description précise de gestes minimalistes. La fille piaille, toute fière de « l’avoir fait ». Lui s’est « levé » : « J’ai retrouvé mon caleçon et je l’ai mis. Jennifer tiré la chasse d’eau et est sortie.»
Tout le brio de Gus Van Sant a sans doute consisté à être extrêmement fidèle au livre, tout en le mettant en scène à sa sauce. Même les allers et retours dans le temps sont transposés à l’écrit comme à l’écran. Le crime laisse « les pognes pleines de sang ». Le lecteur est dans la tête du skater, « dans la merde ». Nous passons par tous ses doutes, toutes ses angoisses, tout ce qu’il peut imaginer. Le langage est cru, âpre, un brin argotique, bref populaire, pas bourgeois, même pas jeune, juste familier. « Mon cerveau est en chaos, et mon corps se trouvait en proie à une panique totale. » Résultat d’une horreur involontaire, d’un homicide inattendu, avec les entrailles qui suintent, la puanteur du cadavre.
Il en conclu à une grosse blague cosmique, à un foutage de gueule divin. Initiation à travers un rituel macabre, exploration intérieure de soi. L’homme change à travers ses actes, ses paroles, ses propres faits divers. « Au moins je suis libre. (…) Mais était-ce vraiment la liberté ? Avec tout ce noir que je broyais, toutes ces choses qu’il m’était impossible de confier, ou de raconter à quiconque… ? N’importe quel lieu pouvait être une prison (…) si on n’était pas bien ans sa tête. » Son stylo et son cahier à spirales lui servent ainsi de confesseur, de rédempteur, de juge. Le film offre la sensation d’évasion en plus.
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- aristo-fan
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