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Un artiste polymorphe et monocorde
Exposition Sacha Guitry Une vie d'artiste
du 17 octobre 2007 au 18 février 2008
réalisée par la Cinémathèque française et la BnF
accompagnée d'une rétrospective intégrale de l'oeuvre filmée de Sacha Gutry
du 17 octobre 2007 au 31 janvier 2008
Lieu : La cinémathèque française
Livres ; Catalogue de l'exposition ; Sacha Guitry, l'homme orchestre ;
Dvd : Coffret Guitry ; Coffret l'age d'or du cinéaste ; Coffret inédits ; et tus les films déjà édités.
Difficile d’aborder un artiste aussi complet que Sacha Guitry, et assez mal aimé qui plus est. Exposition conjointe entre la Bibliothèque nationale de France et La cinémathèque française, l’alliance se justifie d’autant plus qu’il était autant comédien qu’écrivain, hommes de lettres et d’images, joueur de mots et directeur de scènes. Bien sûr il n’avait pas l’inventivité et la grâce d’un Cocteau, le génie dédoublé de Carné et Prévert, ou tout simplement l’humanisme poétique de Renoir. Mais il ne manquait ni de caractère, ni de style, ni de bons mots. Suffisamment pour imposer son personnage à notre patrimoine. On reconnaît du Guitry à la voix de Sacha, mais aussi à son verbe virtuose, qu’il soit émis de lui ou des plus grands qui les ont dits.
Si nous ressortons insatisfaits de cette exposition très muséale, c’est peut-être, paradoxalement, par cette absence lexicale. Pour profiter de la langue « guitryenne » il faudra se réserver des séances à la rétrospective intégrale. Les extraits sonores et visuels sont parcimonieux et un peu diffus dans ce parcours qui a des allures de mausolée. Les mots auraient pu être écrits, et donc lus. Ce sont surtout des objets : livres, lettres, scripts, ... sous verre.
Pourtant, au travers de cet itinéraire chronologique, où fourmillent quelques précieux fétiches et des joyaux de collection, nous devinons les tourments, frustrations du bonhomme. Sa fascination pour les Arts, son amour des artistes, les plus grands si possible, tout ce qui l’a amené à couper le cordon paternel et l’a façonné. Il est devenu Sacha Guitry, considéré comme misanthrope ou misogyne, despote infernal ou perfectionniste aliéné, parce qu’il avait cette soif de reconnaissance, cette envie d’exister à travers son talent. Comédien relativement bon mais pas vraiment doué comparé aux statures de l’époque, l’écrit restera son refuge, sa manière de dominer un jeu où le je ne s’exprimait pas comme il le rêvait.
Cette vie en sept chapitres met en scène tous les visages d’une époque bien révolue (qui nous paraît même étrangère). Sarah Bernhardt, Jules Renard, Colette, Yvonne Printemps. Il est un homme de variétés, fréquentant aussi bien Trenet que Fréhel, Mouloudji que Montand. La chanson doit être légère. Exclu des dramaturges, il s’approprie le cirque, le mime, le music-hall, les sketchs, l’opérette. Travailleur acharné, créateur inspiré, il jubile dans la frénésie et on regarde avec ébahissement le nombre d’œuvres, de traces, d’esquisses produites. Il est écrivain chez la prestigieuse Gallimard mais aussi ouvert aux produits dérivés et à la publicité, ne se gênant pas pour imaginer du « merchandising » pour ses livres et ses films.
Toute sa vie aura été une quête de lumières. Et nous voici immergé dans l’ombre, l’obscurité d’une scénographie où toutes les époques se parlent, où les métiers se font écho par le jeu de la transparence. Il n’y a jamais d’unité. Ce n’est que multiplicité.
Il collectionne les œuvres des plus grands – Monet, Rodin. Cette grandeur de la culture française s’invitera dans ses films les plus connus à la gloire de l’Histoire et avec son casting de star. Entre théâtre et cinéma, histoire et mélo, il se déguise en se glissant dans les costumes des génies d’antan. Ludique et facétieux, sceptique et parfois cynique, Guitry modèle pourtant un seul personnage le sien, celui qui finira reclus au 7-18 avenue Elisée Reclus.
La cinémathèque alors devient une annexe : une antenne délocalisée de ce musée personnel et intime. Nous cherchions la source d’un talent énigmatique et opaque, il fallait en fait s’amuser à chercher les trésors.
Jusqu’au bout Guitry ne pourra pas être un monument, mais bien le bouffon qui se moque de nos admirations.
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