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Dreams are my reality
Les caramels fous recréent La bête au bois dormant
Théâtre Le Trianon, 80 bd Rocehchouart, Paris 18e
Du 8 au 24 novembre 2007 (jeudi, vendredi, samedi)
Réservations : 01 48 24 40 61
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La troupe des Caramels fous revisitent ... leur propre création : nouveaux personnages, lifting du décor et des costumes, nouveau casting, deux chansons différentes... La bête au bois dormant a en effet été monté pour la première fois en 1999, autant dire la préhistoire : ni Pacs, ni Delanoë ou Steevy, pas même de "Six Feet under" ou de "L word". Et cela se voit dans le public : aujourd'hui, Les Caramels fous attirent vieux briscards et gamins candides, gays typés et métrosexuels non identifiables, couples hétéros et homos. Le culte tend à dépasser son cercle d'initiés. La reprise de cette Bête au bois dormant s'avère une choix judicieux tant le spectacle est bon public ET grand public. Au delà du respect pour ces amateurs qui ont tous l'air de pros, des costumes aux lumières, du livret (bien mieux écrit que certains actuellement sur la scène parisienne) à la mise en scène, nous ne pouvons que nous incliner devant leur passion à s'amuser pour nous. Car le spectateur en sort ragaillardi, enchanté, heureux. Dans la grande tradition de l'humour grivois français, entre comédie sarcastique et parodie poétique, la pièce mélange Charles Perrault ("La belle
au bois dormant", "Peau d'âne") et Jean Cocteau (La belle et la bête), non sans arrière-pensées politiques (le mariage gay entre autres).
Tous les ingrédients du conte de fée y sont. la recette de ce gâteau révèle quand même quelques surprises, jusqu'à inviter Merlin l'enchanteur, un amour très masculin, un bouquin Harlequin et même un bilboquet, parfait objet d'initiation sexuelle. Malgré la pléthore de personnages, quelques allégories et digressions, l'histoire ne déraille jamais, et le public, volontiers, s'en mêle pour y participer en claquant des mains. L'esprit bon enfant ne doit pas masquer ce qui se trame : déjouer les sortilèges de la fée Carabosse et passer outre le moralisme des trois fées bienveillantes. Jusqu'au bout - il y a un bonus après le baisser de rideau - Les Caramels fous s'en donnent à coeur joie pour unir Henri et Henriette, pour le meilleur et pour le plaisir. Les jeux de mots fusent à profusion, les sous entendus sont bien vus. On s'enthousiasme, on tape des pieds : tout est chanté, dansé, coloré.
Et si les musiques empruntent parfois au registre de la variété (Farmer, Sanson, Vilard, Trénet, Aznavour, Lio... du gay friendly en stock) et du classique (Offenbach, Verdi), c'est bien son héritage en provenance du cinéma et de la comédie musicale qui rend La bête au bois dormant si "belle". West Side Story, Starmania, Peau d'âne, La boum, Les demoiselles de Rochefort, Grease, Kiss me Kate : de Broadway à Demy, cette re-création est aussi une récréation entre différentes sources d'inspiration. Artistiquement, Disney lui même est détourné.
Depuis 1999, tant de chemin parcouru pour cette troupe (notamment une nomination aux Molières!). Leur esprit n'est pas altéré par le succès. Puisque la situation mérite explication, Michel Heim (par ailleurs au Point Virgule avec L'opération du saint-Esprit et bientôt aux Variétés) n'oublie pas, après le "premier" final, de glisser quelques vacheries sur Boutin et notre conservatisme ambiant. Ne pas s'endormir, ne pas être bête. Car le conte de fée ne suffit pas, le combat doit être suivi d'effets. La fête n'empêche pas les faits.
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