LOUIS DE FUNES

IL ÉTAIT UNE FOIS SERGIO LEONE




  A-C  D-K  L-O  P-Z







 (c) Ecran Noir 96 - 24


Décembre 2008

JULIETTE BINOCHE : PORTRAITS IN-EYES
« Nous marchions ensemble comme si la vie était ailleurs »

Livre : Portraits In-Eyes de Juliette Binoche
auteure et peintures, 160 pages, 68 illustrations
ouvrage bilingue édité par Place des Victoires

Point de vue subjectif : cela fait dix ans que Juliette Binoche ne nous impressionne plus au cinéma. Elle a beau joué avec Haneke, Assayas, Ferrara, Klapisch ou Gitaï, le jeu même de la comédienne n’est plus aussi « épatant » Panerai Replica Watches. La comédienne, survivante à toutes les modes, en a sans doute une conscience aigue. Elle a parfois faillut arrêter, préférant peindre ou voyager. Tandis que la Cinémathèque française lui rendait hommage pour ses 25 ans de carrière, l’actrice oscarisée s’éclatait sur scène, à Londres et Paris, en train de danser avec Akram Khan. Et puis il y a un livre, entre exposition itinérante et événément institutionnel lié à la présidence française de l’Union européenne.

"Portraits in-Eyes" est une série de 68 portaits sur papier : le cinéaste face à l’interprète telle qu’elle se voit. A chacun des visages correspond un texte poétique faisant revivre les émotions, les températures d’alors. Cela commence avec Jean-Luc Godard. « Somnambule de ton film, je rase les murs. » Doillon où elle se découvre « l’annonciatrice d’une femme à venir ». Téchiné, Carax. Pour l’un elle se donne, pour l’autre elle s’offre. Les visages sont gouachés, longilignes, regards dévorants le monde, airs enfantins. Elle est encore « maladroite de son corps », portant en elle cette insoutenable légèreté de l’être, plein de « honte et de vie ». Car Binoche se révèle jouisseuse.

Les années 90 la font revenir à ses premiers amours. Carax, l’amant. « Suffocant, je cherche l’autre souffle, celui qui emporte dans la réalité des rêves, on s’accroche, on se brise, on renaît. » Elle se dessine borgne, évidemment. Le regard de Carax a changé : il est moins triste, plus intense. Suivent des sentiments inexplorés, en gestation : le feu brûle la glace. Le texte le plus âpre, le plus violent est sans doute celui rattaché à Louis Malle, où, elle, « femme d’une autre matière », fragile et dure, entre accusation et pardon.

A chaque fois, le texte imprime une volonté de croiser les yeux du filmeur, une envie de travailler des morceaux entiers de son inconscient. Les silences de Kieslowski, les distances de Rappeneau, les faiblesses d’Ackerman. Et puis Minghella : « me hissant aux fresques de ton imagination », parabole de l’image sublime du Patient Anglais où elle découvre à la bougie la voûte d’une chapelle. « Tu m’as appris à être plus humaine. » Le tournant sera là. Binoche aura moins la foi, mais aura gagné sa voie. « Avec joie. »

Elle retrouve ainsi Téchiné,best replica watches entre passé et avenir, désir contrôlé et mouvement relâché. Le dessin est toujours oblique, triste, intriguant. Téchiné n’a pas tant changé. Mais Binoche est plus émaciée, plus fermée. Les tournages semblent plus amers : Kurys, Leconte, Thompson, Haneke qui « rit malheureux » et elle qui rit avec lui. Elle cherche la rencontre, l’amour, la fusion, l’union indicible entre un créateur et son modèle, entre un personnage et sa réalité. Elle aspire à être l’amie proche de chacun, qu’il s’appelle John Boorman, marsupilami lunaire, ou conquérir la place singulière laissée par Hou Hsiao Hsoen, fantôme effacé (voire illustration) ; elle est en quête du souffle nouveau d’un Amigorena à qui elle avoue : « je vois ton cœur sur ton front. »

Les traits deviennent plus confus, les ombres plus marquées. Plus obscures. Il y a une innocence perdue. Du coup, elle se réjouit des secrets, des hésitations, des intuitions. La rage des débutants a laissé de l’espace pour le calme et l’oubli. Klapisch, Kiarostami, Assayas… tous défilent. De manques en orgueils, Juliette songe que ces dessins et ces poèmes résistent davantage aux temps que les tournages, lieux éphémères. Plus que fixer les yeux de ses sculpteurs, elle essaye de dénicher les origines d’un art bien mystérieux où tout n’est qu’alchimie et souvenirs subjectifs. Un beau livre, un peu à part.

- aristo-fan