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Le geste d'adieu
La chorégraphe Pina Bausch s'est éteinte le mardi 30 juin 2009, à 68 ans,
après une carrière qui l'aura conduite, avec sa troupe, sur les plus
grandes scènes internationales. Née en 1940, Pina Bausch était l'héritière
des expérimentations chorégraphiques du début du 20e siècle et du théâtre
expressionniste. Elevée dans la Ruhr, où ses parents tenaient un
hôtel-restaurant, elle s'est formée auprès de Kurt Joos avant d'aller à New
York.
Danseuse exceptionnelle, elle revient en Allemagne où elle prendra la
direction de l'Opéra de la triste ville sidérurgique de Wuppertal en 1973.
C'est avec sa compagnie de Wuppertal qu'elle se confrontera à des oeuvres
"classiques" comme "Orphée et Eurydice" de Gluck ou "Le Sacre du Printemps"
de Stravinsky pour leur apporter une nouvelle lecture. La chorégraphe
explorera, également, ce théâtre en mouvements avec ses propres créations
comme "Café Muller", "Nelken" (oeillets), "Masurca Fogo", "Palermo,
Palermo",...
Ses pièces étaient des assemblages de saynètes quotidiennes ou
anecdotiques. La chorégraphe reconstituait alors un univers total, son
univers composé de passions, de violences, d'émotions, de tensions et
d'impulsions. Ses voyages étaient le prétexte à de nouvelles découvertes.
Car le Tanztheater de Pina Bausch n'est pas un monde idyllique. Ce n'est
pas le ballet féérique mais une plongée dans ce qu'il y a de plus obscur
chez l'humain.
Sa silhouette fine et allongée apparait fugitivement dans le Parle avec
Elle d'Almodovar dans l'une des scènes les plus bouleversantes du film. La
danse de Pina Bausch va au-delà de la virtuosité du geste. Sa grammaire
chorégraphique, alternant douceurs et provocations, était un dialogue avec
son public, un échange. Son regard sur le monde était livré frontalement,
pour donner à penser. La vie, les chocs et les émotions, laissent des
traces dans la mémoire. Pina Bausch aimait révéler ces mystères, lever les
voiles sur ce que l'on souhaite cacher.
"Longtemps j'ai pensé que le rôle de l'artiste était de secouer le public.
Aujourd'hui, je veux lui offrir sur scène ce que le monde, devenu trop dur,
ne lui donne plus : des moments d'amour pur" affirmait-elle à la fin des
années 90. L'altérité était au coeur de son travail. La formule de la
chorégraphe Lidia Martinez s'applique à Pina Bausch plus qu'à tout autre :
"Le don vous rend généreux".
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