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Straight the pause... Vogue!
Le mystère et le secret flottent autour d'Anna Wintour. Rédactrice en chef du VOGUE américain depuis 20 ans, elle est considérée comme la femme la plus influente d'une industrie pesant 300 milliards de dollars. Héroïne, malgré elle, de la fiction Le diable s'habille en Prada, sa notoriété a largement dépassé la coterie des modeux et de la branchitude. Elle est devenue une personnalité de premier plan, admirée pour son pouvoir ou détestée pour sa froideur ou sa passion pour les fourrures.
Ceci explique, peut-être, pourquoi Anna Wintour maintient ses distances avec ses grandes lunettes noires et sa fameuse coupe au carré dans un univers d'exubérance et de démonstration. Ses tenues Prada et Chanel lui donnent une allure sophistiquée mais toujours sage. Etrange pour celle qui prophétise tous les mois le changement et la nouveauté.
Fille de Charles Wintour, le charismatique patron de l'Evening Standard, Anna est baignée, dès sa jeunesse, dans le monde de la presse anglaise.
Elle avoue, dans le documentaire The September Issue, que c'est son père qui lui a dit qu'elle deviendrait rédactrice en chef du VOGUE alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. Adolescente, elle vit intensément le « Swinging London ». La jeunesse anglaise découvre les mini-jupes, la liberté, le sexe, la musique,... Les traditions sont bousculées. C'est l'ordre victorien qui s'achève définitivement.
La jeune Anna Wintour est fascinée par la mode qui accompagne cette révolution des m¦urs et des corps. Londres est alors l'un des foyers les plus bouillonnants des nouvelles tendances. Quittant le lycée à 16 ans, elle se lance dans le journalisme aussi bien en Angleterre qu'aux Etats-Unis. Elle travaille, alors, comme rédactrice pour les magazines Harper's & Queen, Harper's Bazaar, Viva, Savvy, New York, Home & Garden. A chaque expérience, elle apporte une nouvelle vision, un regard innovant.
Anna Wintour développe ses capacités d'observation et ne transige jamais dans ses expérimentations, quitte à entretenir, souvent, des relations conflictuelles et tumultueuses avec ses collaborateurs et supérieurs. On reconnait là le caractère volontariste des personnes nées sous le signe du Scorpion.
L'une des plus célèbres légendes autour d'Anna Wintour est son entretien avec Grace Mirabella, la rédactrice en chef du VOGUE américain au tout début des années 80. Lorsque qu'elle lui demanda ce qu'elle souhaitait faire, Anna Wintour lui aurait répondu : « Votre job ! ». Surprise et agacée, Grace Mirabella aurait alors immédiatement remercié l'imperturbable Wintour. Elle ne se doutait certainement pas que cette jeune femme la
remplacerait effectivement quelques années plus tard. Sa première consécration sera sa nomination comme rédactrice en chef du VOGUE anglais en 1985. Mais ce n'est qu'en 1988 qu'elle atteint son but ultime. Condé Nast lui confie les commandes du VOGUE américain, l'un des plus prestigieux et anciens magazines de mode.
Diable ou papesse ?
Avec l'oeil de Grace Coddington, l'enthousiasme d'Hamish Bowles et la fantaisie d'André Léon Talley, sa garde rapprochée, Anna Wintour recentre le VOGUE sur la mode et sur la création. Le glamour et le rêve doivent se conjuguer avec le marché et avec les ventes dans les magasins. Elle comprend que les frontières entre la mode et le luxe s'effritent. Elle traduit ces nouveaux comportements dans le magazine. Sa première couverture sera, d'ailleurs, un mannequin portant un jean avec une veste haute couture de Christian Lacroix. Comme le souligne le Financial Times, Anna Wintour « a été parmi les premières à comprendre l'importance de la culture des célébrités, ainsi que le fait que des personnes n'ayant pas les moyens partageaient le goût pour le luxe et la création ». Ayant compris son époque comme personne, la rédactrice en chef conduit le changement du magazine avec détermination.
Certainement plus redoutée que redoutable, Anna Wintour se protège, à sa façon, de ce monde articifiel et illusoire. Elle contrôle tout et, surtout, se contrôle. Le pragmatisme et le réalisme doivent primer sur les sentiments tout en laissant de l'espace pour les émotions. Quelques soient les critiques, parfois sévères, sa conception de son rôle et de ses responsabilités est exemplaire. Car au-delà des privilèges et des
avantages, Anna Wintour considère qu'elle a des obligations. Plus que n'importe quelle rédactrice de mode, elle s'implique pour défendre les jeunes créateurs. Elle s'impose les rendez-vous avec les maisons à New York, Paris ou Milan. Elle suit, encourage, conseille ou critique les créateurs.
Diable ou papesse ? Despote ou timide ? Futile ou visionnaire ?
Avant-gardiste ou conservatrice ? Anna Wintour suscite les commentaires les plus contradictoires. Si The September Issue lève une partie du voile sur la machine VOGUE, l'énigme Wintour reste entière.
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