LOUIS DE FUNES

IL ÉTAIT UNE FOIS SERGIO LEONE




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 (c) Ecran Noir 96 - 24


Décembre 2003

L'EXERCICE A ETE PROFITABLE MONSIEUR
Blow Up

L'exercice a été profitable, Monsieur ; d'après Serge Daney ; un spectacle de Sentimental Bourreau
au MC 93 du 14 nov au 7 déc 2003 ; en tournée à partir du 21 janvier 2004

Inévitablement. Un cours de tennis et un regard sur le cinéma font penser au film d'Antonionni, où le photographe n'avait plus qu'à imaginer le match pour le voir. La pièce mélange l'idée du spectacle, la notion de loisirs, du sport à la carte postale de voyages, de la musique à la télévision. L'ensemble nous interpelle pour nous faire réfléchir sur le cinéma.
Pas n'importe quel cinéma. Celui de Serge Daney, critique aux Cahiers du Cinéma. À une époque où certains se plaignent de la démission du rôle de critique (pour ne pas dire reddition) et tandis que Bertolucci réveille les fantômes morts des cinéphiles de chez Langlois (The Dreamers), la troupe de Sentimental Bourreau refait le match. Un grand écran, forcément. Un orchestre de musique, pourquoi pas. Un cours de tennis pour se renvoyer les balles, les mots, les souvenirs. Et bien entendu, une arbitre et deux joueuses. Dès les premières notes, tout est annoncé. Un gros doute sur notre siècle ("Parfois j'ai envie de changer le monde") et une chanson douce ("Ce soir on vous met le feu").
Ce mixage fait su spectacle un décor multimédia, une oeuvre presque interactive entre le 7ème Art et les spectateurs. Le cinéphile devient "regardeur professionnel", et ne sait plus quoi mater : le match Borg/McEnroe, ce décor multi-usage, ou alors peut-être ne faut-il qu'écouter?
L'hommage à Daney ne fait qu'interpréter une vision nostalgique du cinéma. Ce cinéma qui servait de débat, qui envahissait nos vies, nos opinions, nos discussions. Cinéma, élément charnel mais aussi partie de notre cerveau. "Les enfants veulent des sensations. Les femmes veulent des sentiments. Les intellos veulent des idées. C'est peut-être la conjonction des trois qui donnent l'émotion." Voilà qui résumerait bbien cette pièce vivante et rythmée. Des sensations, des sentiments, des idées. Et ça swingue! On revisite par ailleurs quelques classiques, de Moonfleet à La Nuit du Chasseur (le bien et le mal finalement). Dans un grand solo, Judith Henri (La discrète) nous hurle sa haine du Grand Bleu bessonien et son amour de la Palombella Rosa morettienne. Ah les actrices! Judith, mais aussi Aurélia Petit, Kate Strong, légères, pimpantes, déterminées. Et en plus, elles chantent. Des sales gamines qui s'amusent sur leur terrain de jeu, en se prenant pour Kim Novak dans Vertigo ou Liv Ullman dans un Bergman. Il suffit de fouiller dans la glacière et ce sera autant de trésors et d'accessoires possibles pour parler du cinéma.
Mais tout n'est pas que divertissant. De la Shoah (du père) au SIDA (du fils),de films en dates, de dates en événements politiques, l'histoire personnelle et l'Histoire contemporaine s'entremêlent.
Le cinéphile devient le cinéfils. "Le cinéma n'est pas une technique d'exposition des images, c'est un art de montrer. Et montrer est un geste, un geste qui oblige à voir, à regarder." Les films nous regardent même. "Sans ce geste il n'y a que l'imagerie. Mais si quelque chose a été montré, il faut bien que quelqu'un accuse réception. (...) Moi je n'ai pas été un grand serveur, mais, je crois, un bon relanceur, comme Jimmy Connors." Dixit Daney lui-même.
Ce grand amoureux du cinéma, pour qui un mauvais plan pouvait tout gâcher. "Le documentaire c'est ce qui arrive aux autres et la fiction c'est ce qui m'arrive à moi." Tout est là. Dans le jeu du je et de l'image. On oublie la fantaisie pour se laisser porter par cette envie de défendre un art qui n'existe plus que comme industrie.
"Le cinéma est désormais passé dans la minorité. Active, l'on espère." Il y en avait 7 sur scènes, et sans doute pas mal dans la salle. En tout cas, nous nous sommes tous demandés quels sont les 5 films qui ont regardé notre enfance. À défaut de les mimer dans une très jolie chorégraphie finale.

- vincy