LOUIS DE FUNES

IL ÉTAIT UNE FOIS SERGIO LEONE




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 (c) Ecran Noir 96 - 24


Septembre 2011

POUR EN FINIR AVEC LE CINÉMA
Le voyeur

Pour en finir avec le cinéma
de Blutch, éditions Dargaud
88 pages

Supercherie ou miroir? Art sentimental ou poison envoûtant? Qu'est-ce que le cinéma? Un coffre à fantômes? Un vertige d'illusions? Une mémoire fantasmée? Une vie par procuration? Il n'y a aucune réponse certaine avec ce voyage à travers le 7e art, au fil des cases du 9e art. Blutch distille des hypothèses, trace des pistes, dessine ses héros... Il rend hommage autant qu'il critique ce venin qui l'a progressivement détaché de sa vie. Mélangeant l'intime, qui le ronge de l'intérieur, et l'impact du cinéma, qui l'hypnose et le trouble, le scénariste-dessinateur s'offre un voyage en première classe aux côtés de Lancaster, Godard et Piccoli. Il invoque les Dieux (Visconti, Bunuel), fait un clin d'oeil aux maîtres (la dernière case honore Hitchcock), et tel le spectateur traversant l'écran sombre dans la folie de celui qui ne perçoit plus la réalité de la fiction. Son narrateur est violent, submergé de pulsions, accro au sexe. Il vieillit, pleure sur ses soldats disparus (Newman & Co), mais désire toujours autant les femmes, ces actrices-génériques.
Bien sûr, comme tout addict, il tente de rejeter sa drogue, mais n'y parviendra jamais. Trop amoureux des acteurs, jusqu'à féminiser le grand Burt Lancaster ou s'incarner en homme de toutes les situations sous les traits de Michel Piccoli, qui ferme la marche. Et la marche d'un tramway, même nommé désir, ça peut être haut. Le cinéma nous vampe. "Pratique masturbatoire", ou fétichisme ou voyeur : le cinéma pue le sexe, poisseux, diabolique. Il rend éternel les filmés mais ne peut pas rajeunir les anciennes gloires. Cruel. Et nous vieillirons bien ensemble, avec lui. Génération qui aura été la gardienne d'un temple où coexistent Natalie Wood, prisonnière modèle du système, et Robert Ryan, sombré dans l'oubli.
Le dessin est appliqué, l'histoire baroque. La bichromie ajoute un air de passéisme et surtout nous fait croire à une rêverie où l'auteur nous fait partager ses fantasmes, s'attardant sur une vision misogyne et machiste des personnages masculins, sur l'effet des genoux de Bardot, des cuisses de Marilyn, des seins d'Anita, ... Blutch a été au cinéma comme on va à la messe. A force de croire aux légendes et à Dieu, il s'est fait piéger par l'idolâtrie. Il révise ses classiques, révisionne le passé, et finalement déclare sa flamme, quitte à pactiser avec le Diable. Une BD pour cinéphiles, ceux qui pensent encore qu'un film peut changer leurs vies.

- vincy    


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